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Bulletin SAF 1878


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Le livre de compte du sieur de la Haye

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SEANCE DU 6 OCTOBRE 1877.
Présidence de M. F. AUDRAN, Vice-Président.

Etaient présents: MM. Audran, Lorans, de Kerca-
Faty, Fougeray: Le Noble, Creac'hadic et Le Men'
dio,
secrétaire.
M. le President donne lecture d'une dépêche reçue
par M. Le Men, et par laquelle M. de la
ce matin
Villemarqué l'informe qu'il a été subitement empêché
au moment de partir pour se rendre à la réunion.

M. le Président fait ensuite connaître à l'assem-

blée qu'un jugement du Tribunal correctionnel de
M. Duchatelber de ses prétentions
Quimper, a débouté
relativement à l'insertion dans notre Bulletin, de sa
lettre lue à la réunion de la Société archéologique du
et l'a condamné aux dépens.
13' janvier 1877,
Sur la présentation de MM. Audl'an et Le Men,
M. Arthur de L:l Borderie est nommé à l'unanimité,
la SOCIété archéorogique du Finistère .
membre de
à M. Le Men, pour lire
La parole est ensuite donnée

un travail porté à l'ordre du jour de la séance, et qui
a pour titre :
LE LIVRE DE COMPTE DU SIEUR DE LA HAYE.

Le 30 septembre 1569, noble homme Yves de Lanuzouarn,
sieur dudit lieu en la paroisse de Plouenan près Saint-Pol-de·
Léon, mourut, laissant de son mariage avec demoiselle Jeanne
de Gouzillon, quatre filles et un fils. Ce dernier était mineur
ainsi que trois de ses sœurs. Sa veuve se remaria en 1571 avec

Louis Barbier, seigneur de Kerjan, veuf lui-même de Fran-

çoise de Morizur. Louis BarLier habitait en la paroisse de Saint-
Vougay, le château de Kerjan, qu'il avait fait -baUr avec le
concours de sonloncle le chanoine Hamon Barbier,et qui passait
pour être la plus belle maison de Bretagne. C'est à lui que
le roi de France Henri III écrivait en 1586 :
« Monsieur de Querjan de Léon, désirant recouvrir prompte-

ment certaine quanti1é de chien&, comme levriers et levrières

des plus beaulx, gl'ands et forts, qui se puissent trouver en, vos
quartiers, j'ay commandé à ce porteur, Barbe, l'un de ceu!'x
qui ont charge des grands levÏ'iers de ma chambre, de
s'acheminer présentemeqt vers vous, pour vous faire entendre
corr bien j'auray agréable, que parmy cenis que vous avez à
présent, vous faciez eslection d'un levrier et levrière des

meilleurs que vous avez, pour m'en faire part soubs la conduitte

de, cedit porteur, surtout que vous 'aimiez mon plaisir ~t
contentement, priant Dieu qu'il vons ayt, Mon~ieljr de

Qllerjan de Léon, en sa sainte garde. De Paris ' le XXIIe jour

de may 1586. Signé Henri. » Cl)
La ,terre de Kerjan fut érigée en marquisat en 1618.
Après le mariage de Jeanne de Gouzillon avec Louis Barbier,
Nicolas de la Haye, écuyer, sieur de Kerlaudy, fut chargé de
la tutelle des mineurs de Lanuzollarn. Le compte qu'il rendh
de sa gestion commencée au mois de mai 1571 et finie au
mois d'octobre 1578, forme un registre de 149 'feuillets,
auquel j'emprunte les détails et les extraits suivants, où l'on
trouvera de curieuses indications sur la vie -privée · des ,

gentilshommes bretons au XVIe siècle. '

A la mort d'Yves de Lanuzouarn, sa fille ainée, dont le
prénom . n'est pas mentipnné dans le compte de Nicolas de la
IF 1 • l •
, Haye, ét.ait déjà ent.rée à titre de « damoiselle» ,dans la riche

maison de Kermavan (2). A cette époque, à l'imitation de la

o cour, les dames brelo,nnes de grande maison, avaient près d'elles

une ou plusieurs demoiselles d'honneur, et de même que les

jeunes garçons entraient cOll?me page~ au service des seigneurs
qui les élevaient et les nourrisaisent, les jeunes filles nobles,

après avoir a~pris dans .un cO,uvent, à lire, à écrire et à coudre,
complétaient leur éducation dans la compagnie d'une grande

(t) Notice sur le chateau de Kerjàn, par M. de Kerdanet, page 27.
Cette bJ;'ochure p,uhliéc el} '834, est devenue extrémement rare. '

(2) En la paroise de Kernilis, évêché de Léon. Cette terre fut érigée
en marquisat en 1612 en' faveul' des Malllé. ,j. , .,(

dàme, qu'elles servrlienl en qualitélde demoiselles d'honneur~ et

qu'elles ne quittaient lordinairemen t que pour se marier.
J'ouvre ici une parrnthèse à propos '" du mot « damoiselle «
que je viens de prononcer. J'ai lu dans des lIvres très-sérieux
que ce nom se donnait. autrefois aux filles des dames nobles,et à
des femmes mariées qui n'apparlenaient qu'à la noblesse infé­
rieure. Il y a dans celte assertion une erreur certaine. Le titre
de CI damoisplle Il se donnait à la fin du XVIe siècle en Breta­
gne, à des dames mariées d'une très-haute l1oble3se,eL la preuve
en est que les dames de Kermavan,de Kerjan, et bien d'autre3.

sont toujours appelées damoiselles dans le compte que j'analyse.
Les trois,filles puînées de Lanuzouarn étaient Jeanne, dame
de Kernaou, Catherine, dame de Keranmunou et Françoise,
dame de Roshamon. Elles sont ·presqne toujours désignées par
Jeur surnom nobiliaire dans le compte de leur tutf'ur. En 1571
il fut déci1é par le conseil de famille qu'elles entreraient cette
comme élèves, l'atnee au couvent de Saint-Georges, et
année
les deux autres au couvent de Saint-Sulpice de Rennes. On
trouvera, dans les extraits suivants de leur compte de tutelle,
les détails de Ipur voyage de Lanuzouarn à Rennes et de
tous
Rennes à Lanuzouarn.Elles demeurèrent deux ans au couvent,
où se trouvait en même temps qu'elles, leur cousine (C made­
moiselle de Mezle,» petite-fille de Catherine de Lanuzouarn,

dame de Keroulas, et fille de Marie. l'Héritière de Keroulas D
qui ne mourut pas de chagrin deux mois après avoir épousé le
marquis de Mezle, quoi qu'en dise la ballade bretonne. Quant
à Catherine de Lanuzouarn, qui, suivant la même ballade, se­
rait entrée dans un couvent après la mort de sa fille, elle con­
à vivre paisiblement au manoir de Reroulas, où ses nièces
tinua
de Lanuzouarn lui rendaient de temps en temps visite.
Le prix de la pension à l'abbaye de Saint-Georges, où se fit
l'éducation de Jeanne de Lanuzouarn, était de 90 livres 13 sous
4 deniers par au, dont la valeur en monnaie actuelle et au pou­
voir actuel de l'argent, serait d'un peu plus de 600 francs. La

pension à SainO t-Sulpice était bIen moins chère, car les deux
sœur:; de Jeanne, qui recevaient leur instruction dans celte ab­
payaient ensemble 13S livres par an,soit 412 francs pour
baye,
chacune, en monnaie actuelle.
Après leur retour du couvent les trois « damoiselles» de­
meurèrent quelques mois à Kerjan, à Lanuzouarn, à Keroulas,
où elles avaient des pa­
à Trébabu et dans d'autres manoirs
quatre filles épousa le sieur de Froutg'uen,
rents. L'aînée des
nom que Nicolas de La Haye: remplace souvent pal' la traduc­
tion quelque peu fantaisiste de la Fontaine-Blanche. Le compte
de tutelle donne le détail de sa toilette de noce. Quant à ses
trois sœurs, elles enlrèrent comme demoiselles de compa-
gnie, Jeanne de Kernaotl, chez « madamoiselle de Liscoet ",
Catherine de Keranmunou, chez « madamoiselle de Locmaria.
« madamoiselle de CoaLmeur».
et Françoise de Roshamon, chez
Yves de Lanuzouarn, le plus jeune des enfants, reçut les
premiers éléments d'instruction, d'un clerc qui fuL attaché à sa
personne, et qui l'accompagna plus tard à Paris dans un collége •
la Q nation bretonne. D Il y de­
fréquenté par des écoliers de
m~ura environ deux-ans, et mourut au mois d'octobre 1578.
Voici les e~LraiLs du compte de tutelle dont j'ai parlé plus haut:
Dépe es concernant les tt-ois Iles puînées de
La UZOUft."U (l).

Le 3 septembre 1671, à Hamon Pappe sellier demeurant à
Sainct Paul, pour accoustrer troys selles à llsaige de femme et
une à usaige d'homme, pour rendre lesd. damoiselles à Ren­
nes, 35 s.
Le 7 septembre, en deux aUlnes et demye de serge d'Ascot
à,raison de
pour faire ung mantheau à l'ugne desd. damoiseHes,
30 s. l'aulne, 75 s.

(1). 9n aura la valeur des s?mmes menti?nnées dans ce compte, en
et au pOUVOJ.f actuel de 1 argent, en multipliant ces
monnale actuelle
sommes par sept •