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Bulletin SAF 1876


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Séance du 28 août 1875

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iOn . .

• SÉANCE DU SAMEDI 28 AOUT 1875. -

Présidence de M. le Comte DE CARNE -
DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE.

Etaient présents : MM. de . Carné ; Audran ; Sur­
rauU ; Louis de Jacquelot ; l'allbé Guillard; Moreau;
Fougeray ; Malen; Caën ; Flagelle ; Bourassin ; Cor­
. mier; Faty; Le Men et de Montifault.
La séance est ouverte à 2 heures. .
M. le Président fait connaître à!' Assemblée que le

Conseil général n'a pas pu accorder en entier au
Musée départemental, la subvention qui avait été de­
rnandée et a voté une somme dé 500 francs seulement,
en regrettant de ne pouvoir faire plus et en manifes-
. tant sa sympathie pour l'œuvre qui est en: si bonne .

VOle. .
M. Faty demande que la société veuille bien vérifier

sa gestion de trésorier. ' L'Assemblée nomme pour

procéder à l'examen réclamé par l'honorable membre,
une Commissiop composée de MM. Surrault, de Jac-
quelot et de Montifault. '
.M. le Président donne 'lecture de la notice suivante

sur feu le docteur Le Hir, envoyée par 'M. Puyoo

« Messieurs,
« Encore sous le coup de la perte de notre si" regretté prési­
M. de Blois, nous apprenions que M. Daniel Le Hil' venait
dent,
de rendre sa belle âme à Dieu. Après avoir accompagné, avec
la ville de Morlaix entière, les restes de ce digne docteur, lui
payant ainsi de' justes tribu~s de' reconnaissance, et rendant

hommage à ses vertus, après avoir la douce et triste consola­
tion que ce fervent servheur de l'Eglise, que ce zélé ' fondateur

de nos œuvres catholique~, occupe al] ciel la meilleurè place
parmi les élus, il nou~ resté à remettre en lumière les· travaux

qui l'ont fait un de nos pIns utiles collaborateurs, · un des

!'avants les plus justement estimés des personnes qui s'occupent ·

de géologie et d'archéologie.

« Ancien chirurgien de marine, M. le docteur Le Hir donna
de bonne heure sa démission. Ses aspirations scientifiques se
trouvaient à l'étroit .dans une chambre de ' bord, et pensant
à l'humanité, tout en troU\~ant la faculté de ré­
rendre service
à ses aspirations, il vint se fixer à. Morlait. Ses . hautes
pondre

connaissances, sa grande habileté comm$l opérateur le firent

de l'hospice.
nommer médecin

(1 Dans ses courts loisirs il fit de nombreuses recherches,
en tout l'esprit d'observation; aussi ne
apportant partuut et

tarda~t - il pas à réunir assez de matériaux pour apporter il la

Société géologique de France, les preuves lès plus convain­
cantes que les grès du Finistère étFlient tous Devoniens (étage
inférieur). Les preuves consistaient dans l'étude minutieuse et
. . approfondie des fossiles; ainsi il trouva l'Athyris concentrica,

la Fenestella, les Atrypa reticularis et undata, le Grammysia

et plusieurs autres caractérisant le Devonien. Cette découverte

un grand retentissement dans le monde scientifique.
eut
« Maints articles et brochures sont dus à sa plume; les prin­ •
cipaux sont : Rr:posé de la Géologie de l'at'rondissement de·
Morlaix,. Rocftes amphiboliques. Tourmalines, AFgues marines. ,
Calcair'es, Mâcles, Grenats, Eurites, Episotes et. substances
tr.ouvées dans l'arronchssement de orlaix et ayant
minérales
Heu à des articles séparés. ,
donné
« M. le docteur Le Hir n'a pas borné ses études au rôle
De tous ses (j0cuments il est arrivé à dres-
d'un collectionneur.

serdes cartes qui devaient a'ccompagner l'ouvrage qu'il préparait
le nord Finistère. Disons enfin que sur les instances
sur
du professeur Hubert de la Facu1t.é des SCÎtmces de Paris, il

- publia une note sur l'âge. des Roches fossilifères du Finistère

dé Brest, Châteaulin et Morlaix).
(arrondissement

« L'archéologie préhistorique (puisqu'on est convenu . d'ap­

peler ainsi la science qui s'pccupe des antiquités primitives

éparses sur notre sol), avait aussi occupé . le Hir; c'est lui
qui le premier en Bretagne, signala une grotte contenant des
silex taillés de main d'hommes. Il en fit l'objet d'un récit com­
plet qui parut dans l'ouvrage intitulé: Matériaux pour l'His­

toire primitive et naturelle de l'Homme, et la Société Arct.éolo­
gique du Finistère, dans son Bullet.in du 10 janvier 1874,

résume le résultat de ses fructueuses recherches. Nous avons

tous pu apprécier la lucidité et la conscience de la description
donnée de la grotte de Roc'h-Toul.

fi Cette courte éilumération des longs travaux de lIlotre re-

gretté confrère, nous laissera le regret que la mOl't ü'ait pas
permis au docteur Le Hir de publier l'ouvrage auquel il a con­
sàcré toute sa vie; ' ce vaillant pionnier de la sciençe cherchait

toujours, et la conscience qu'il apportait en tout, lui faisait
souvent attendre de nouvelles p.'euves à l'appui de ses asser­
tions ; c'est peut-être à cela qu'il faut attribue'r le fâcheux
retard apporté à sa publication.
( Puis, toujours aux écoutes de ce qui pouvait répandre la

lumière sur les temps passés, notre savant docteur se trans­
où une découverte était faite, fouillait de ses ,
portait partout
mains et avec un soin minutieux, les lieux où les objets avaient

été rencontrés. Nous avons eu le bonheur de le suivre, il y a

deux ans, dans les fouilles qu'il fit à Bagatelle (propriété de
. M. Edmond Puyo), et. nous avons pu, en suivant et partageant

ses travaux, partager l'enthousiasme qui l'animait. Nous pour-
ici .quelques notes sur ce travail de M. Le
rions peut-être placer
Hir, mais nous pensons qu'il sera plus utile pOUl' la Société d'en
faire l'objet d'un rapport, en l'accompagnant de dessins exacts
des matériaux recueillis.
« Payons, Messieurs et chers confrères, un tribut de regrets

à la mémoire de l'homme de bien, du docteur zélé, du savant .

géologue et consciencieux archéologue. à celui qui fut un des
· fondateurs de notre Société. »

Cette lecture est accueillie avec la plus. grande sym-

pathie par tous les membres de l'Assemblée. _
M. le Président, reprenant la -suite de l'ordre du
jour, indique qu'on en est arrivé à l'article intitulé :
« Une revendication mal fondée. »

Il regrette que la polémique s'introduise parfois au

sein des assemblées scientifiques. En somme ces dis-

eussions qui importent aux personnes, ne profitent

à la science elle-même. C'est ce qui arrive
que peu

dans le cas présent. La découverte est faite, la science

en a profité, et tous les membres de la Société savent
à qui est dû le progrès réalisé. Néanmoins, devant
une revendication aussi vivement formulée que celle
de M. Mowat, le Président s'est/demandé si la Société,

ainsi mise en aemeure, devait s'occuper de cette af-.
faire .. C'est aux membres qui la composent à décider
la question .

L'As~emblée décide à l'unanimité qu'elle entendra
la lecture des documents dont il est question.

Le Président donne la parole à M. Le Men.

AL FON D E,
UNE REVENDICATION

AU SUJET DE LA. DÉCOUVERTE DE VORGANIUM .

Le Mémoire que j'ai p~blié sur Vorgani~m et Vorgium dan~
lé tome II, pages 18 et seq. du Bulletin de la Société archéolo­
gique du Finistè1'e, a provoqué de la part de M. Mowat, chef
au 10 régiment d'artillerie en garnison à Rennes,
d'escadron

une réclamation longuement développée dans une lettre datée
du 20 avril 1875. Cette lettre, dont je vais prier un de nos col·

lègues de vous donner lecture., irt-ex~enso, a été remise à la fin
du mois de juin, par M. le docteur Halléguen, à M. le comte

de Carné, président de notre Société. Comme cette revendica-
tion me semble étrange, et qu'elle est soumise à l'appréciation

des membres d'une Société savante, il convient d'apporter à son
examen assez de .clarté et assez de méthode, pour qu'il n'y ait

place ni à une surprise ni 'à un malentendu. . .
au courant de la lecture, quelques asser­
Je relèverai donc,
tions de mon contradicteur, me réservant d'examiner à la fin,
avec tous les détails qu'ils comportent, les points principaux
contenus dans la lettre de M. Mowat, Je prie donc l'un de vous,
Messieurs, de donner connaissance à l'assemblée du texte de

cette lettre :

A Monsieur le Comte DE CARNÉ, de l'Académie française,
président ' de la Societé m'chéologique du Finistère •

cc Rennes, 20 avril 1875,
« Monsieur le Président,
« Le Bulletin de la Société archéologique du Finistère, dans
son numéro de juillet 1874, contient un mémoire intitulé

« Vorganium, Vorg!um et la cité des Osismii » dont M. Le

Men, archiviste du Finistère, est l'auteur, et dans lequel je suis
nominativement l'objet de ses critiques. Dans les polémiques
courtoises, il est d'usage d'adresser tout d'abord et directe­
à la personne mise en cause un exemplaire de la publi:.
ment
cation qui le concerne; cette formalité a été omise à mon

égard, et j'aurais ignoré les attaques dirigées contre moi, si des

amis, qui en avaient eu connaissance, ne s'en fussent justement
émus et ne m'en eussent informé. (1) La Société archéologique

(1) Il importe de préciser ici les dates de cette publication. La ,livrai­
son du Bulletin qui contient mon mémoire, a été distribuée aux mem­
bres de la SocÎrté archéologique le 15 janvier, 1875. La partie de ce
provqqué la réclamation de M. Mowat, et qui est relative
travail qui a

d.u Finistère ayant admis ce mémoire dans son bulletin, s'est,
par le fait même, soumise à l'obligation d'insérer dans la même
publication la réponse qu'il me conviendrait de lui faire à mon
tour. C'est la destination que j'ai l'honneur, Monsieur le Pré­
sident, de vous prier de vouloir bien donner à la présente
lettre.
« M. Le Men, dont je n'ai mentionné le nom (1 )dans aucune de
mes publications, par la raison toute simple que je ne me suis
point mêlée à la controverse qu'il a soulevée au sujet dè la dé-
couverte de Vorganium (2). M. Le Men, dis-je, début.e à la page
26 par reproduire un paragraphe d'une lettre que je lui aurais .
en janvier 1873. M. l'Archiviste du Finistère, qui n'a
adressée
â' obtenir mon consentement au préalable, se fi­
point cherché
gure évidemment qll'illui 'est loisible de traiter une correspon-
dance confidentielle ~omme les documents publics pla~s sous
sa garde. li est cependant admis partout, et c'est même un
. principe consacré par la jurisprudence, que le droit de pro-
. priété sur une leUre privée ne confère nullement au destina-
taire le droit de la' divulguer'. Je proteste donc, tout d'abord,

Li oLt

à la découverte de l'emplacement de Vorganium et de. la station de
Vorgium, avait été lue au mois d'août 1874., au Congrès de l'Asso(',ia- .
tion bretonne tenu à Vannes. Elle a été publiée ensuite dans la livrai-
. son de février t 87f) de la Revue archéologiqne, recueil dont, si je ne me
trompe, . Mowat est un lectéur assidu. Il n'y a donc eu eH réalité,
du Bulletin de la Société
qu'un mois d'intervalle entre la distribution
archéologique et eelle de la Revue a1'chéologique qui contenait mon ar­
ticle .. J'ajolltel'ai que j'étais persuadé que cet article, dont j'avai:l cor­
rigé les épreuves dans les premiers jours de Janvier, paraîtrait dans la
livraison de ce mois.
(t) Ceci est exact. Dans les artieles où M. Mowat p!ldc de Vorganium,
ilrcmplace mon nom par le pronom indéfini on .
(2) Il est regrettable que M. Mowat n'ait pas cité à l'appui de cette
assertion les iignes suivantes que j'extrais du journal Le Finistère,
nO du samedi 31 janvier 1874 :
« Nous sommes pdé d'annonçer que M. Le Men est étranger à une
sél'Ïe d'articles publiés par l'Océan sous le titre de « Le Geai de Vor­

» et sous la signatllfè laTIn Tor e Benn. C'est donc par une re-'
ganium
erreur que son nom a été mêlé â une polémique sur les viva­
gl'ettahle.
ôtés de laquelle nous n'avons pas à nous prononcer.

contre l'emploi que M. Le Men a fait de ma leltre dans le but
de se créer des droits de priorité à la découverte de Vorganium,
et je me refuse formellement à appàyer , cette prétention en
laissant passer un témoignage surpris' à ma confiance. Ce que
je désavoue, co n'est pas le texte de ' lettre cité, mais la
portée que M. Le Men lui attribue et le parti qu'il en veut ·
La réserve que /je fàis se comprendra facilement à
tirer.

l'àide d'une correspondance que .je puis à mon tour produire
avec les explications nécessaires en ~vertu de mon . droit de

réponse.
CI Mais auparâvant j'ai à faire justice d'une note placée au ba's
de cette même page 26; je dirai donc à l'auteur de cette note; •
que je ne reconnais à personne le droitd'insinu.er que j'ai oublié

ce que j'ai pu lui écrire; je le reconnais moins encore, à qqi se
permet de détourner de sa destination privée tout ou partie
. de ma correspondance. Quant à l'honorable personne quali,tiée

par lui dans des termes que, par bienséance, je ne répéterai .

point, il àurait dû la désigner pal' le nom d.ont elle a signé sa
réponse au,pseudonyme auteur de l'article du journal l'Océan,
intitulé le « Geai ùe Vorganium, » artièle auquel M. Le Men fait .
dans la note en question. Pour quiconque n'est pas au
allusion

courant de celte polémique locale, à laquelle je suis étranger,
pleine d'obscurités fait peser sur moi une équivoque
. cette note
que je dénonce comme elle le mérite. Je suis convaincu qu'un
aussi peu académiq~e n'a été introduit que par SU1'­
moreeau
prise dans le bulletin de la société archéologique du Finistère, •

et. qu'elle en déclinera la responsabilité dès qu'elle aura con-
de ma plainte. ' .
naissance
(( J'arrive maintenant à la question de priorité, telle que M. Le
Men la revendiqne pour son compte, exclusif, sur la découverte

de Vorganium. .
(1 En novembre 1812, c'esl-à·dire à une époque où nul n'avait

'encore émis l'opinion que l'inscription milliaire de Kerscao
(Finist.ère) pût avoir quelque rapport avec Vorganium, j'étudiais

la lecture restituée qu'en avait donnée M. Denis Lagarde, le

plus récent auteur qui en eût parlé jusqu'alors:

TI. CLAVDIVS

DRVSIFILIVS

\ CAESAR AVG

GERMANIe PON
TIFEX MAX TRIB

POTEST VI IMP

XI pp COS III DE

SIGNATVS 1111
.. A •... MP V

« Une chose me frappa, c'est que, ni cet auteur, ni personne

après lui n'avait indiqué le parti à tirer de la, dernière ligne,
quelque mutilée qu'elle fut,' et l'idée me vint que puisque la
borne était ' érigée en plein territoire Osisrne, la lettre A de

cette ligne appartenait nécessairement au mot VORGANIVM,
d'après l'usage observé en Gaule de prendre les chefs-lieux des
cités pour tête de lignes itinéraires (1). Sous celte i~pression,
j'écrivis vers le 26 novembre 1872, à • Le Men qui, me disait- )
on, avait visité le monument postérieurement à Denis-Lagarde:

• Monsieur, si vous voulez bien me permettre, je viens sous la

CI recommandation de M. *** m'adresser a votre obligeance,
u pour obtenir des renseignements -' sur l'épigraphie romaine
fi( dans le Finistère et particulièrement sur la colonne de Kers-

(f cao que je me propose de visiter, mais je n'ai pu encore
« réaliser ce projet. J'ai pris connaissance de la notice que
« M. Levot (j'ai écrit ce nom par inadvertance au lieu de
l( Denis-Lagarde) a publiée dans le bulletin de la Société aca-

(4) Ceci prouve de la part de M. Mowat une perspicacité au moins .
égale à celle qu'il veut bien m'attribuel'. Si, cependant, cette lettre A avait
Brivates Portus, Gesocribate, Staliocanus Portus, Vindana
appartenu à
Portus, Mannatias, localités dont la position est loin d'être fixée d'une
les noms renferment tous un, deux et même
. manière certaine, et dont
trois A?

« démique de Brest, Tome IV" et j'ai remarqué que l'auteur a
ft involontairement, sans dou te, laissé subsister quelques doutes
« sur la lecture de la dernière ligne A ... MPV. L'état de la sur·

« face de la pierre permet-il 'd'affirmer qu'avant la lettre A, et
(c aUflsi dans l'espace qui la sépare du groupe M P, il n'y a jama~s
« eu d'autre caractère que l'usure aurait oblitéré il La question
c( est très-importante, car c'est d'elle que dépend éventueIle-
« ment la découverte de la localité à partir de laquelle était
« comptée la distance itinéraire, et quant au numéral expri-
CI mant cette distance, aperçoit-on des traces de une 'ou ,plu­
c( sieurs unités & la suite du chiffre V. etc. etc. »
« M. Le - Men me répondit à la date du , 28 novembre sui-
vaHL: .... (1 J'arrive à la horne de Kerscao dont j'ai p,ris en
« 1865 un estampage que j''ai envoyé avec un mémoire à la
« Commission de la topographie des Gaules (ici un passage

« que je laisse de côté pour abréger. il est étranger à mon
- « sujet.) La première leUre bien certaine de cette ligne est A ;

« elle pouvait être précédée de deux ou peut-être de trois
« lettres. Une d'elles, celle qui la précède Immédiatement, m'a
c( paru être unr, lettre ronde, peut-être un C ou un G. Entre
« la lettre A et le~ lettres conjointes MP qui sont bien cer­
Cl taines, il m'a semblé voir un N, un 'V et un M, ces trois let ..
« très-liées entre elles : Voilà ce que j'ai cru voir. Mais ces
cc caractères sont peu ~istincts et je ne puis être trop affirmatif
CI sur ce qu'ils représentent. Ge dont je suis certain, c'est qu'il '

« y avait des lettres entre l'A et l'abréviation MP. Après cette
Il 'abréviation, vient le signe ou chiffre V qui a pu être suivi de

cc plusieurs unités. Si le chiffre indiquant la distance avait pu

« être déterminé d'une manière certaine, j'aurais été incliné à

c( voir dans les leUres douteuses de la neuvième ligne les syl-

« labes GANIVM, finale de VORGANIVM, la capitale des Osis·

(( J'étais loin de m'attendre à une rép'onse aussi détaillée, et
si, d'un côté la confirmation inopinée d~ ma ~oDjecture géo-

graphique me fit éprouver une légitime satisfaction, j'avoue

que d'autre part, je me sentis stupéfait devant l'extrême préci-
sion de ces renseignements, et que je conçus des doutes dé­
plaisants, quand je songeai que, pendant sept ans, M. Le Men
n'avait jamais soufflé mot d'une pareille découverte dont la
révélation se ,produisait pour la première fois à l'occasion de
ma lettre. Pourquoi n'avait-il jamais rten écrit pour s'en

assurer la possession (1) ? Pourquoi jusqu'au dernier' moment
cessé de placer Vorganillm à Carhaix, lorsque à l'en
n'avait-il
croire du moins, il avait en main la preuve matérielle du con­
Ainsi, dans son mémoire sur les cités dcs Osismii et des
traire?

Veneti (Revue Archéologique 1872) , où 'l'on se serait attendu a
. ce que la question du site de Vorganium fut topiquemfmt traitée,
pourquoi n'y fait-il pas même une allusion â la pierre de
Kerscao ? Pourquoi ' dans un feuilleton archéologique du journal
Le Finistère (no du 30 oclobre 1872), c'est-à-dire 'un mois à

peine avant la réception de ma lettre, parle-t-il séparément de
cette inscriptio~l et de Vorganium comme de deux questions
étrangères l'une à l'autre? '
. • Etait-il vraisemblable que, s'il eut réellement fait cette dé­
couverte, il fut veuu m'en livrer à moi l inconnu, le secret
précieusement dissimulé pendant de longues années (2). Et,
d'autre part, comment après m'avoir écrit cette lettre 1 M. Le
Men a-t-ii pu imprimer à deux reprises la phrase suivante que
je relève dans Le Finis.tère du 5 mars 1~73 (verso du feuille-

ton, col. 4), et dans le Bulletin de la Société Archéologique du
Finistè1'e de juillet 187i, page 23: « Avant de faire part de
mes conjectures à qui que ce .~oit, « je résolus d~étudier de

(t) Parce que je n'étais nullement certain de ma lectUl'e, et j'aimais
mieux attendre patiemment l'occasion d'étudier de nouveau ('ette ins­

cription que 'de m'exposer à commettre une erreur comme cene qui a

pour la borne de Maël-Carhaix.
été commise

(2) Puisque cet inconnu venait de m'écrire pour me demanùer mon
secret, je pouvais sans crainte le lui livrer. Sa lettre n'était-elle pas
pour moi une garaftti6 suffisante? .

nouveau la pierre de Kerscao ? 1) Que penser de cette variation
de langage? Pour moi, je prends acte de cette dée1aralion ab- .
solue, à qui q'ue ce soit, et je l'oppose au fait même de la leUre

de M. Le Men (t). , .

« La Société Archéologique du Finistèl'e, qui a maintenant
sous les yeux les pièces du procès,' jugera si, d'après les termes
mêmes de ma lettre. j'ai pu adresser à M. Le Men une demande
de renseignements sur l''inscription de Kerscao, sans qu'un
'esprit aussi perspicace y ait deviné ma -conjecture géographi­
elle jugera si je suis fondé à croire que M. Le Men a'
que;
puisé dans ma correspondance la notion qui lui a permis de
reprendre frllctueUf~ement le déchiffrement de l'inscription, en

un mot, elle jugera si le principe de la découverte de Vorga­
nium ne se trouve pas dans ma lettre du 26 novembre 1&72.
« J'ai hâte de terminer ce sujet. M. Le Men se décida d'après

mon pressant conseil, à faire transporter la piene de Kerscao
au Musée de Quimper; c'est ce qui résulte ilu langage tenu
par lui dans Le Finistère du 8 mars 1813 ,: « Mes hésitations
« ces~èrent à la réception de cette lettre qui contient, outre
« l'opinion personnelle d'un homme très-compétent, l 'histo­
a rique de ce qui a été fait en Bretagne dans ces dernières
(1 années pour préserver de la destruction les quelques bornes
(c milliaires qui s'y t.rouvent encore, etc. » '(2) .

(t) Mon contra~1icteur était sans doute préoccupé quand il a éc'rit
ces ligues. Il est facile de voir en lisant mon travail qu'il s'agit ici
t'ai t antérieur de plusieurs années à mes rapports avec M. Mowat.
d'un

(2) J'avais depuis longtemps l'idée arrêtée de faire transférel' la
borne de Kel'scao au..·Musée de Quimper dès que le bàtiment où il
devait être établi serait achevé. afin de la mettre à l'abri de tout acci­
dent, ct de pouvoir l'étudier dans les condilions les plus favorables.
1872 ~ue les salles de ce Musée ont été mises à
C'est seulement en
ma disposition, et toIles m ont servi d'ateliers pendant tout le prin­
temps et l'été de cette année. Il ne m'a donc pas éte possible de son­
gel', au transfert de cette borne avant la fin de 1872, c'est-à-dire avant
l'époque -où le hasard m'a mis en rappol't avec M. MOWht.
Je m'étais du reste déjà autorisé de l'avis- de plusieurs membres
la S?ciété qui pensaient qu'il y avait lieu de transférer la born~ .

au Musée, et je n'ai demandé que pour corroboration l'avis de
M. Mowat, qui s'occupait plus spécialement d'épigraphie. ,

« Dès 'que la pierre fut arrivée au Musée de Quimper, il
m'informa qu'il venait de lire à la dernière ligne VORGAN, ce

qui diffère sensiblement de sa leçon précédente donnée de sou-
venirG ANIVM. Dès lors il ne me restait plus qu'à l'engager à
publier sans retard la découverte; c'était là le but de ma lettre

]a publicité, Les félicitations que je lui adres-
. livrée depuis à
sais au courant de la plume, s'appliquaient seulement à la
bonne fortune qu'il avait eue de donner, le premier, sur le
monument une lecture dont j'avais théoriquement donné la
clef. Mais par un sentiment que chacun comprend. je - ne. parlai
de moi, voulant lui laisser l'initiative d'un procédé équi-
point
table à mon égard, et mes félicitations ne l.'empêchaient nulle-

ment de reconnaître de son côté que je n'avais pas été tout à
fait étranger à l'affaire, Dans cette lettre dont il fait un si sin­
gulier étalage. il Y a donc un grand sOlls-:-entendu, qu'il paraît

ne pas comprendre, mais il n'y a point d'ahdication de ma
part. .
« M.Le Men combat l'étymologie que j'ai propo5ée pour le mot .
Vorganium dans lequel je vois un simple dérivé diminutif de
vorgium « lieu fortifié, ouvrage de fortification, 1) et naturelle­

il reprend la défense de l'étymologie qu'il avait pro-
ment,
posée v01'gan .. comme qui dirait fi: morgan» en has-bl'elon
« maritime, »·en vertu, dit-il, de la permutation très-naturelle
de m en v qui existe dans tons les dialectes celtiques, )) Outre
qu'on ne cannait aucun exemple de ce phénomène phonique en
gaulois (t ), surtout dans l'idiôme parlé en Armorique sous l'em­
pereur Claude" c'est-à-dire près dè cinq siècles (2) avant l'im-

portation de l'idiôme breton insulaire, il faut ajouter que ce
phénomène se produit seulement dans les dialectes modernes .
quand le mot entre dans une construction particulière; ainsi,

mor se plOn once vor quand il est précédé de l'article ar vm: ;

. (1) Pourquoi donc BORG (ivm) est-il écrit YORG (ivm) dans la borne
de Maël-Carhaix?

(2) Disons tl'ois siècles; ce sel'a plus exact.

mais sur l'inscription de Kerscao, Vorganium se présente

comm~ un mot isolé que rien ne précède; il n'y a point ici un
Etat construit qui autorise à dire que Vorqanium est mis pour

Morganium (1), par conséquent l'argument de M. ,Le Men tombe
en dehors de la question.

« Quant à l'inscription de Maël-Carhaix, comme j'ai apparem - -
ment le même droit que mon contradicteur d'aflh'mer l'au­
thenticité de ma lecture, je ne sais qui décidera entre sa version

et la mienne. Un bon moulage, déposé en double au Musée de
Quimper et au Mus_ ée de St-Germain, ferait sans doute mieux
l'affaire de ,ceux qui s'intéressent à ce point controversé. Quoi.
que en dise Le Men, il est possible de lire, autr'e chose que
LEVG VI à la dernière ligne; je retrouve en effet une nole de

M. Gaultier du Mottay, qui me dit avoir lu au même endroit
VOVI (2) ce q- ue Von conviendl'a a plus de ressemhlance avec

ma lecture V (or) G VI, qu'avec LEVG VI de M. Le eri. (3)
(( Au surplus, ce n'est pas de la lect.ure fugitive du mot plus
ou moins heureusement restitué VORG que j'ai fait dépendre ma

découverte de Vorgium-Ca.rhaix. Mon attribution repose d'abord

sur la présence incontestable du chiffre VI (leug::e), qui fait
exactement aboutir à Carhaix, et, ensuite Sijr ce que Vorganium
ayant trouvé son emploi près de la pierre de Kerscao, Vorgium
est le seul Hom de station disponible fourni par les documents -

anciens pour cette région. Ma découverte, puisque découverte

(.) C'est uue erreur; (a) VORGANIO est la traduction littérale de
(euz a) VORGAN.
(2) Cette singulièt'e lecture explique la légende qui a èours à Maël­
Carhaix, et que j'ai rapportée dans mon travail sur Vorgdnium. Voir le
Bulletin de la Société archéoIQgiq1J,e du Finistère, tome Il, page 43.
(3) « Paris, 27 août 1874.
« Monsieur. Le plâtre de Maël-Carhaix est arrivé à bon port, et nous
avons rec(mnu qu'on ne pouvait apercevoir que LEVG VI. .... »
(Le~tre de . A. de Barthélémy, secrétaire de la Commission topo­
graphIque des Gaules).

de recevoir un nouveau moulage de la demière ligne de
Je viens
l'inscription de la bome de Maël-Carhaix. Il sera au Musée de Saint­

Germam daus quelques semaines •

il Y 3, reste donc entière; elle n'est plus à faire, mais je serai
toujours charmé de la voir confirmée par un déchiffrement
moins imparfait que le mien. Dans les dernières lignes ' de la
. notice où j'ai signalé le premier ce monument a l'attention des
archéologues, j'ai exprimé le vœu que ' quelqu'un d'entr'eux
vint le visiter et l:éussit à faire mieux que moi; mais je ne

m'attendais pas à une critique agre~sive pour prix du service

que j'ai modestement rendu, eL que M. Le Men cherche à
utile
faire oublier à son profit. -

" Une dernière réflexion: 011 se demande comment il e~t
parvenu à déc1TitTrer 59 lettres (je dis- cinquant.e-neuf), sur une'
qui a' été martelée et ('epiquée avec un ' véritable
inscription
acharnement. pour me servir de sa propre et très-e~acte ex­
pression; j'éprouve quelques difficultés à concilier cette des-
truction intentionnée et systématique avec une aussi colossale

il est, possible de réduire celle ·ci à
restitution; heureusement
ses vraies proportions en observant que tous les éléments se
retrouvent dans mon essai de déchiffrement combiné avec l'in-
d~cation que j'ai donnée d'une borne de Septime Sévère dé-
. couverte par M. Bizeul, à quelques kilomètres sur la même voie
. romallle.
« Ve~1ÏlI~z bie~ agréer, Monsieur le Président, l'expression
de mes sentiments les plus respectueux •

« ROBERT MOWAT.» .

On vient de vou~ lire sans en omettre un mot, la réclama­
tion de M. Mowat, Vous apprécierez, messieurs, si son auteur
n'a pas outrepassé les droits d'un correspondant en demandant.

comme une obligation l'insertion de sa lettre .dans notre Bulle­
en dirigeant contre le rédacteur
tin, et s'il a été bien inspiré
du procès-verbal des insinuations' qui ne l'atteignent pas .
Cette réclamation dans laquelle jé m'attacherai surtout à re-

ce qui a rapport à Vorganium, puisque ce que j'ai publié
lever

Li tJ

relativement à la question de Vorgium n'est pas sél'ieusement
p~ut se résumer ainsi:
contesté,
De la prés'ence de la leUre A dans la dernière ligne de l'ins­
cription de la borne de,Kerscao. M. Mowat qui a vu cette borne
'quatre mois seulement après son tranfert au Musée de Quimper,
avait conclu, dit-il, que cette lettre appartenait nécessairement
an mot Vorgaoium. Je me demande aujourd'hui pourquoi pos~
sédant celte conviction, il m'écrivit pour me prier de lui faire
connaître le résultat de-l'élude que j'avais faite de cette ligne.
Sa lettre ne contenait' aucune allusion à l'opinion qu'il s'était

ainsi formée à priori, mais comme je suis, d'après lui, un es-
deviné cette opinion
prit très-perspicace, j'avais nécessairement
et tenté, par un procédé peu délicat, de me l'approprier. Cette ,
lettre renfermait donc le principe de la découverte de Vorga-
nium, et c'est à M. Mowat que doit en revenir tout l'honneur .
Pour vous permettre d'apprécier la valeur de cette réclama-
il me surtira d~opposer M. MowaL à lui-même, en mettant
tion,
sous vos yeux les lAUres qu'il m'adressait à une époque oit il
ne songeait nullement à élever les prétentions qu'il énonce au­

jourd 'hui.
Le !4 novembre 1872, M. Mowat, que je n'avais pas l'hon-

neut' de connaître, m'écrivit la leUre suivante:

Ct 24 Novembre 1872,
cc Rennes, 19 rue du Pré-Perché .
III onSleur,

« Si vous voulez bien me Ip, permettre, je viens sous la re-
cc comuiandalion de M. Gaidoz, m'adresser à votre obligeance

« pour obtenir des renseignements sur l'épigraphie romaine dans
« le Finistère, et particulièrement sur la colo'nne milliaire de

te Kerscao que je me proposais de visite1', projet que je n'ai pu
« réalisbr. J'ai pris connaissance de la notice publiée par M. Levot

(c dans lc Bulletin de la société académique de Brest, tome IV
« et j'ai remarqué que l 'alltcllf àvait involontairement sarts doute,
« laisser subsister quelques doutes sur la lecture de la dernière
u ligne A MP V. L'état de la surface de la pierre permet-il

• «( d'affirmer qu'avant la lettre A, et aussi. dans l'espace qui
• sépare cette lettre de la ligature. MP, il n'y a pas lieu de
CI ~upposer l'existence d'autres caractères que l'usure aurait

« oblitérés? La question est très-importante; car c'est d'elle .
« que dépend tjventuellement la découve1'te du nom de la localité
« à partir de laquelle était comptée la distance itinéraire •
u En second lieu, quant au numéral exprimant cette distance,

u avez-vous 'distingué des traces. de une ou plusieurs unités. à
« la suite du 'chiffre V ?

u M, Gaidoz m'ayant informé que vous avez pris un estam­
) CI page dp, celte inscription pour la Commission topographique
CI des Gaules. j'ai pensé que- votre attention avait dû se porter
« nécessairement sur les particularités dont je viens de parler,

«( et que vous étiez parvenu probablement à les élucider. C'est.
« donc avec la plus vive reconnaissa.nce que je recevr;ü les infor­
« mations que vous me feriez la faveur de m'accorder à cet
« égard. Il m'importe aussi d'être renseigné sur 1a date de la
« décou verte de ce monument. . Levot dit bien qu'il a été
(c signalé pour pl'emiére fois par . de Kerdanet dans son édition

« des «Vies des Saints de Bretagne,' 1) 1837, mais il omet de

" citer la page et il m'a été impossible de trouver lp, passage
(c auquel il fait allusion. Enfin M. Levot renvoie 11 la Il Nouvelle
Cl Notice sur Notre-Dame du Folgoët» du même . de Kerdanet
u et· à un article de M. Guiastrennec inséré dans le Cou't'rier
« de Brest du 14 août 184~. publications que je n'ai pu nulle
« part rencontrer à Rennes. J'ai même remarqué que la nouvelle

« édition d'Ogée, par Marteville, postérieure a toutes ces

. (c publications n6 parle nullement de la colonne de Kerscao. »
«( Enfin, monsieur, si vous ne· t~ouve~ pas que je deviens
« bien indiscret à force de sollicitations, je vous demanderai
« également la faveur de mecommuniq~ler, ell fac-simile ou en
« empreintes, la liste des quelques noms de potiérs gallo.romains

« du Finistère venus à votre connaissance. J'ai appris qu'il en
" , avait été tl'OUVé.êlu-Eél'ennou, à Carhaix et près de Quimper.

Je cherche à rassembler les matériaux d'un travail d'ensemble

sur'les monuments épigraphiques de la Bretagne, où toutes les .

que voudraient bien me faire mes correspqn­
communications
consignées avec la mention de leur auteur •
dants seront dûment
ct De mon côté. je me tiens tout li votre disposition pour

« reconnaître à mon tour et de mon mieux votre obligeance à la-
• quelle je vien,s m'ad~esser,comme c'est l'usage entre confrères .
ct en Archéologie. bien que je n'aie pas l'honneur d'avoir été mis
« en rapport avec vous.
. « Veuillez bien agréer, Monsieur, avec mes remercîments
c anticipés, l'assurance de qla haute considération. .

« R. MOWAT,
(l chef d'escadron au t oe régiment d'artillerie,
" (Mèmbre de la Société Archéo10gique,

d'Ille-et-Vilaine.) »)
Cette lettre dont je vous ai donné le texte depuis la date
jusqü'à la signature, est' celle qui, d'après M. Mowat, renferme
le principe de la découverte de Vorgauium. Peut-être, Mes-
sieurs', serez-vous assez heureux pour y découvrir ce principe.
Pour moi, je déclare en toute humilité, que dans cette circons- .
ma perspicacité se trouve complètement en défaut.
tance
Vous connaissez, Messieurs, la réponse que je fis à M~ ·Mowat.
Je l'informai que j'avais cm lire dans la dernière ligne de l'ins-
cription de la borne de Kerscao, la fin du mot Vorganium, mais
que ma lecture était loin d'être certaine. M. Mowat me ré-­
pondit le 2 décembre suivant qu'il « considérait mon rensei-
« gnement comme une véritable révélation et que j'avais
, Cl peut·êtrt} mis le doigt sur le véritable emplacement de Vor-

« gamum. J) •
Le 3 janvier la borne de Kerscao était au Musée de Quimper
où il me fut possible de l'étudier à loisir, et ce fut avec la plus
vive satisfaction que je fis savoir à M. Mowat que rrtes premiè-

res conjectures s'étaient réalisées et que j'avais pu lire dans la
dernièr,e ligne de l'inscription le nom de la capitale des

Osisniii.

La réponse de M. Mowat ne se fit pas . atten dre. Elle pOl'te la '
date du 9 janvier 1873, et ne laisse rien à désirer sous le rap-
port de la clarté. En voici le texte :

« J'avais bien une espèce de pressentiment que cette inscrip-'
Cl tion renfermait le secret de l'emplacement de Vorganium ; et
« cela avant de connaître le résultat de votre estampage. Mais
« votre première lettre confirmée par ce que vous m'écrivez de
« nouveau, vous assure le mérile,je dirai même la gloire,d'avoir
« retrouvé la' capitale des Osismii. Prenez donc date de suite, en
« publiant le résultat de vos recherches, avant que quelque ar­
Cl chéologue, à qui vous aurez facilité l'étude du monument, ne

CI: vienne comme le geai se parer des plumes du paon, et vous en­

« lever la récompense qui vous 'revient si légitimement. »)
C'est dans ées lignes, Me)sieurs, qu'il existe d'après M.
Mowat un grand sous-entendu, que malgré la p.erspicacité, dont
mon contradicteur, veut bien me douer je ne suis pa~ en­
core parvenu à comprendre.

N'est-ce pas ici le lieu de faire remarquer que le principe de

la note relative au Geai-de Vorganium dontM. Mowal se plaint
si amèrement, quoiqu'il -reconnaisse lui-même qu'elle n'est pas
à son adresse, se trouve da.ns sa lettre du 9 janvier?

Pour éviter le désagrement que M. Mowat me signalait
comme possible et qui, à mon grand regret, se réalise aujour-
d'hui, j'informai de ma découverte la Com!llission de la topo-
des Gaules, et après avoir adressé à la Revue qrchéolo­
graphie
gique une note sur le même sujet, je publiai au mois ' de

mars 1873, dans le journal Le Finistère, un mémoire intitulé:
Découverte de Vorganium, capitale des Osismii, que je me fis
un devoir d'adresser à ~1. Mowat. Il m'en accusa réception par
une lettre datée du 25 du même mois, dans laquelle, après
m'avoir 'présenté tous ses remercîments'il me donnait un utile
conseil. « Ce travail, » disait.il, « mériterait d'être conservé au- .
« trement que dans 'le rez-de-chaussée d'un journal où il sera

c( assez difficile de le retrouver plus tard; laissez·moî donc vous
« exprimer le souhait que votre mémoire soit reproduit en pla­
« quette et mis en librairie, à la disp6sition des archéologues
Ct futurs qui auraient besoin de le consulter.» , '

Ainsi donc li la fin du mois de mar& 1873, c'est-à-dire .
quatre mois après m'avoir écrit la lettre qui renfermerait, d'a-
près lui, le principe de la découverte de VOl'ganium, M. Mowat
n'avait pas encore songé à s'attribuer la moindre part dans
Ce n'est que deux ans plus tard, et précisé­
cette découverte.
meut à l'époque où, dans l'iutérêt de la vérité historique j'ai
If' texte inexact qu'il avait donné de l'inscription
dû restituer
de la borne de Maël-Carhaix, que la pensée lui est venue d"a­
dresser à notre honorable Président la réclamation dont je

VOlIS avoir démontré le pt3U de fondement.
crois
Cette observation me servira de transition pour vous dire un
mot de la question de Vorgium, sur laquelle je 'Ine suis longue-
ment étendu dans le mémoire que j'ai publié dans le tome II
du Bulletin de la Société archéologique du Finistère.

Le 25 mars 1873, M. Mowat m'écrivait: « Maintenant ce
« n'est plus tout d'avoir retrouvé Vorganium; que faire de

Ct Vorgium? Jusqu'à plus ample informé, je suis d'avis de dis-
Ct linguer les deux localités et de laisser Vorgium à Carhaix. '
« C'est l'avis que rai ouvert. vis-li-vis de MM. de Saulcy, Ber-
Cl trand, de Barthélémy, ainsi qu'à MM . L. Renier, et Desjar­
« dins, je pense que vous vous y rallierez aussi. » ,
, Ce n'était là qu'une conjectUl'e dont M. Mowat prenait date.

Malheureusement, dès l'année 1869, M. Desjardins, dans ' sa
Géographie de la Gaule, avait distingué Vorganium de Vorgium,'
et placé cette dernière station à Carhaix. C'est. sans aucun

doute à l'influence de celte idée préconçue qu'il faut attribuer
commise par M. Mowat dans sa lecture de l'inscription
l'erreur
de la borne milliaire de Maël-Carhaix; erreur que j'ai signalée
le mémoire mentionné plus haut. M. Mowat avait lu. dans
dans

' la dernière ligne de cette' inscription VORG. VI. il nous a élé

facile à nos confrèies MM. Gaubert, Audran et à moi de consta-

ter qu'au lièu de VORG VI, il faut lire LEVG .VI. J'ai découvert
plus tard au commencement de cette même ligne le mot VORG
qui avait échappé à l'attention de M. Mowat, et qui fixe d'une
définitive à Carhaix la station de Vorgium. .
manière
Une réflexion, Messieurs, et je termine cette communication

déjà trop longue.

Vous avez maintenant sous les yeux les pièces du procès que

- m'intente . owat. Qu'un archéologue adresse à un collègue

une epitre ainsi conçue:
a onSIeur, -
' « Si vous voulez bien me le permettre, je viens m'adresser à

Ci votre obligeance pour obtenir des renseignements sur un

« monument dont j'ai appris que vous aviez fait une élude
« ,particulière. C'est avec la plus vive reconnaissance que je
« recevr~i toutes les informations que vous me feriez la faveur

• de m'accorder à ce sujet. J) ,
Neuf fois sur dix, l'archéologue ainsi interpellé adressera les
renseignements demandés. Mais ,qu'il se garde bien ensuite

de publier lA résultat de ses recherches. Son correspond'ant
peine à lui démontrer qu'il ne peut lui en reve-
n'aurait aucune
nir aucun mérite. puisque le principe de son travail était con­

dans la demand~ de renseignements qui. liJi avait été
tenu
adressée.
ce que tous vous eussiez fait à ma place
J'ai. fait, ssieurs,
politesse et par bonne confrat ernité. . .
par
Vous jugerez, Messieurs, puisque ' . Mowat vous y convie, de
quel côté se trouvent la modération et la vérité •

Après cette .lecture, M. Audran, vice-président, pré-

sente les observations suivantes:

cc Je pense, ' Messieurs, que, M. Mowat se trompe en ' -

, _ s'attribuant ·le -droit d'exiger l'insertion de sa lettre

dans notre Bulletin. Il pouvait demander à la Société
de reproduire dans ce recuep les observations sur la

borne de Maël-Carhaix, mais il ne peut à aucun titre

exiger qu'elle y insère sa réclamation relative à la dé­
couverte de Vorganium, puisque le mémoire publié

par M. Le Men, il y a plus de deux ans, au sujet de
cette découverte, mémoire analysé au Congrès de
t 873, a reçu l'approbation de M. MowÇtt,
Quimper en
lui-même, ainsi qu'il est justifié par 'sa correspon-
dance, dont M. Le Men nous a donné lecture. » .

M. Le Men, tout en reconnaissant parfaitement

la justesse de l'observation présentée par M. le Vice- '
Président, demande lui-même l'insertion in extenso au

procès-verbal de la lettre' de M. Mowat, afin que toutes

les pièces du procès se trouvent réunies.

M. Audran présente alors au vote de l'Assemblée

un ordre du jour ainsi conçu:

( L'Assemblée après avoir pris connaissance des .
documents ci-dessus relatés, passe à l'ordre du jour

sur la réclamation de M. Mowat, tout en autorisant à
titre' gracieux et sur la demande de M. Le Men, l'inser-

tion de la réclamation dé M. Mowat au Bulletin. »

Cet ordre du jour est voté à l'unanimité.

M. Bourrassin demande la parolé pour lire Une
étude sur les pierres de Trégunc,' Landec, Pont-Aven
. et leurs origines, article dont il doit donner connais-

sance au Congrès de Guingamp. Il attribue aux cou-
rants de la mer et à des mouvements géologiques ou
à des tremblements de terre-la formation des dOlmèns,·

menhirs, grottes aux fées et pierres branlantes que l'on

rencontre avec tant d'autres pierres dans les commu- .

nes préci Mes. .
M. le Président remercie M. Bourassin de son inté-
ressante communication.
M. Surrault, inspecteur de l'Académie, demande la
. parole pour communiquer à la Société les premières
en réponse au
lettres qu'il a reçues des instituteurs,
programme qu'il leur avait transmis. La première a

été envoyée par M. MINGAM, instituteur à Plouguin; .

elle contient les renseignements suivants:
Il existe à Plouguin, .un aqueduc, long de 3 kilomètres. Il
.. part de la fontaine de Saint-Ibiliau (section B du cadastre,

. 1 ra feuille, n° 7) et aboutit au manoir de . M~snaot, en Saint-

Pabu. Dans la fosse, maçonnée en moellons, se trouve des
tuyaux en argile, s'emboîtant parfaitement: La longueur de

chaque tuyau est de 0 m,, 38 c. environ, et son diamètre inté-
. rieur O,m, 12 c .. Les tuyaux sont placés à une profondeur de
o m. 50 c. environ.
Légendt. Le .seigneur de Mesnaot, la terreur du Bas-Léon,
avait une 1ille upique, bf'lle comme le jour. Le diable en devint
amoureux. Ce père barbare consentit à cédër sa fille à Lucifer,
à la condition que celui-ci ferait veqir,· en une seule nuit, l'eau

de la fontaine de Saint-Ibiliau dans l'intérieur du château de
esnaot. Heureusemellt pour la jeune fille, il ne put terminer

l'aqueduc à tp.mps, car le lendemain matin, au lever du soleil,
de la fontaine n'arrivait que dans la cour du château.
l'cau
Un membre fait remarquer que · la communication
M. Mingam a déjà fait l'objet d'articles insérés

dans les journaux et que, par conséquent, au lieu de

l'insérer in. extenso, comme elle vient d'être lue, on

pourrait se borner à en faire m~ntion en renvoyant

aux articles publiés .

Un autre membre, tout en reconnaissant qu'en effet
il Y a: là un double emploi, .pense qu'il y a lieu néan-

moins de reproduire la communication si intéressante
M. Mingam, et de lui demander d'envoyer au Mllsée,

qui -paiera les frais, trois ou quatre tuyaux bien con-
servés: Il émet le vœu que tous les correspondants de
la Société veuillent bien 'lui résèrver la primeur de
leurs communications, afin de lui permettre, le cas

échéant, de déléguer quelques-uns de ,ses membres
. pour aller visiter les lieux ..

Cette dernière m.otion est adoptée, et l'Assemblée
décide que désormais elle n'insèrera que les commu­
nications inédites.
Elle exprime à M. Mingam tous ses remercîments,

que M. le Secrétaire est prié de lui transmettre, ell
même temps qu'un Bulletin de la séance du mois
d'août. .
M. Surrault donne ensuite lecture d'une seconde

par M. LAZENNEC, instituteur à
notice transmise

Brasparts. Elle contient les renseignements suivants :
La tradition rapporte que les travaux de l'église paroissiale
de Commana, au village de Quillidiec, furent commencés et
• renouvelés plusieur~ fois, et qu'ils étaient défaits, pendant la
une main invisible; On eut alors l'idée de mettre sur
nuit, par
un chariot, attelé de deux bœufs, sans conducteur, les instru­
la construction de l'édifice et de bâtir
ments nécessaires pour
l'église à l'endroit où ils s'arrêteraient. Lorsqu'on creusa les
fondations à cet endroit, on trouva, sous un buisson d'épines,
une auge renfermant une Vénus que les habitants appelèrent
en langue celtique, signifie Coumm ou
. Sainte Anna; auge,
Laouer; de là le nom de Coummana, ou' auge d'Anna, d'où on
a formé le nom de Commana.

Dans de~ débris de monuments, celtiques au village de Quilli­

diec, on voit un Menhir isolé, et à quelques distance deux

. grosses pierres plates comme des palets. On dit que' lorsque
cette commune était habitée par des géants, ces hommes
jouaient à la galoche avec' ces palels que ne traineraient c~rtai- ' ,
nement pas quatre bons chevaux ~quelques personnes disent

aussi que sous ce Menhir, se trouve enseveli un ancjen chef
celtique. ,

Au village du Mougan se trouve un dolmen demi-circulaire .
On remarque sur la première pierre verticale qui tient la table

un glaive bien dessiné.
Dans la commune de La Feuillée, sur la route de cette loca­
lité à Huelgoat, à un demi kilomètre du bourg, ~H trouve à dix
mètres de cette route un Menhir de ,trois mètres de hauteur.

Dans la commune de Brasparts, à deux kilomètres du bourg,
sur le ~hemin vicinal du Faou, on' remarque . à deux cents
mètres de ce chemin, une motte-féodale asse~ bien conservée
au vmage de-la oUe ou du Voden; . .--
On trouve aussi dans cette commune, l'emplacement 'de deux
camps romains, le premier situè' au village de Castel-Du; le
second, au village de Stume'nven, et appelé Can ou Kane. Ces
camps sont situés 'sur l'ancienne route de Saint Rivoal à Saint- ,
, Cadou, Sizun" Landerneau par la tyre ; un vieux chpmin
très visible encore, semble être une voie romaine faisant com­

muniquer ces derniers camps avec celui de Saint-Cadou. .

A quatre cenf,s mètres du village de Castel-Dû, on voit une

vieille pierre qui porte une inscription indéchifTrab,Ie; elle se
trouve à la jonction de la route de Saint-Rivoal à celle de

. -Morlaix~
Cette notice intéresse vivement l'Assemblée. Ellè
vote à M. Lazennec des remercîments, qui lui seront ,
, transmis par le Secrétaire, en même temps que le
Bulletin. Elle se félicite de voir qU,e l'appel adressé

par M. l'Inspecteur à ses subordonnés commence à
porter ses fruifs; et, en remerciant M. Surrault, elle

la voie
le prie d'encourager ses collaborateurs dans

féconde où ils sont entrés.

M. le Président fait connaître qu'il a demandé à
M. de Kerdrel l'autorisation pour la Société, de faire

.des fouilles dans un terrain qu'il possède près de Car-

haix. Il ne doute pas que M. de Kerdrel n'accorde cette
• autorisation. .

M. Le Men donne lecture d'un compte-rendu de la
fouille du tumulus de Pleyben. . . ,

FOUILLES D'UN

. PRÈS DU BOURG DE PLEYBEN (FINISTÈRE).

A cinq cents rnètre~ environ au nord-est du bourg de Pley­
ben et non loin de la route de Brasparts; existe un tumulus de
grandes dimellsion~, qui n'a pas encore été signalé à l'attention .
des archéologues. Ce monument dont le diamètre est de 41

mètres' du ,nord au sud, et de 52 mètres de l'est à l'ouest, me-
sure en hauteur deux mètres cinquante centimètres à sa, partie
Il est situé à 300 mètres à l'est d'une fontaine, dans
centrale.

un champ qui figure au plan cadastral de la commune de Pley-
ben. sous le nO 139, section C, et qui porte le. nom de Parc-ar-
Vouden (champ de la Motte). On sait que ce nom sert fré-
quemment à désigner les pièces de terres où se trouve une
motte féodale ou un tumulus, monuments entre lesquels leS

habitants de la campagne établissent rarement une différence.

Il y a quelques mois MM. Piraux, commis principal des
contributions indirectes à Pleyben, et Duval, surnuméraire de
l'enregistrement, qui était alors en intérim dans cette 10caIit~