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Bulletin SAF 1875


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Sainte Guen Teirbron (Alba Trimammis) et saint Cadvan

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(A lba Trimammis)

A qualre lieues de Quimpel' sur le bord de la roule de
on découvre au milieu de grands arbres, qui la
Châteaulin,
cachenl prf'squ'enlièremenl aux rrgards, une pPlile chapelle
à saioL Venec. Toul auprès est un beau calvaire en
dédiée
grallit. à soubassement triangulaire, qui pOI'le la dalp, de
Parmi les nombreux personnages, piltol','squemenl grou­
pés sur ses angles, allLour des Irois croix qui y ~ont planlées,
on remarque It's dOllze apôtres tenant des carloucllf's a demi .
déroulés, sur lesquels sont gravées les parolt's du Credo. Un
peu plus loin est la fontaine dli saint, aussi vieil~e que le cal­
mais plus richement ornée que ne le SOllt d'ordinaire
vaire,
ces édicules, accessoires obligés de IouLe chapefle brt!lonne .
conr.;lruile vers le milieu du XVIe sii?cle, Slll' le plan
L'église
d'une croix latine, n'offre, à l'exlr.rieur rien de remarquable,
et l'on est péniblement surpris, quand on y entre de l'état de
se trouve. .
délabrement dans lequel elle

Au bas de la jwf est une tribune à panneaux vermoulus et
gr'ossièrement sculptés; au milieu pend une lampe en fH,
d'un tJ'avail très-simple et probablement contempor'ain de la
chapelle ; qllelqlle~ siéges à moitié bl'isés el un ou deux con­
,fessionnau x sans portes complètent son ameublement. Cepen­
dant les débri!; de verres de couleur qui restent encore dans
. les compal'timenls flambloyants de ses fenêtres, el les sculp­
tures qui décol'ent ses clefs je voûle et les poutres de sa char­
indIces cutains que la pieuse sollicitude des
pente, sont des
fid.èles qui l'ont fait construire, n'avait rien négligé pour
rf::ndre le monument diglle du aainlà qui il est dédié. Vers
le haut de l'église, tl'ois gl'andes consoles su-pporlelllies statues ·

de saint Guenoc' (S: Gueznocç : 1578), de Notre-Dame, mère
du Rédemptéur (t592; el d~ Saint-Yves, confesse1l;r (l592).8U1'
ulle quatrième console placée à droite de l'enlrée du sanclu­
• aÎl'e, repose un groupe de quata'e personnages qui attire tout
particulièrement l'attention.

fOo "''' ,

li se compose d~.une femme el" ~e tr~is ' e~fan"ts. La femme
est représentée assIse .el le front C~In.t d un dlade.me. Son cor ..
~a(Ye ouvert laisse vOIr sur sa pOllrwe nue, troIs mamelles,
d:nt l'une celle du milieu, plus développée que les autres

de~linée à allaiter un pelit enfant qu'elle tient SUI' ses
semble

O'enoux et qui laisse échapper' de sa main un cartouche sur
Îequel o'n lit en caractères gothiques : S. Guennoc. Le8 deux
autres enfants debout de chaqu~ côté de la femme, s'appuient
ses genoux, et tiennent comme le premier' des
d'une main sur
lit : S.- Guenolé el S. Jacut. Aucune
cartouches sur lesquels on
ce groupe, maïs l'on peut, d'après les ca­
date n'accompagne
ses inscriptions, fixer l'époque où il fut sculpté à la
ractères de
XVi' siècle .
seconde moitié du

Une pareille l'epl'és~ntalion dans une église doit paraître
'fort étrange aux personnes qui 'ne sont pas familiarisées avec
·légendes. La lemme ainsi représentée est ce­
nos anciennes
peudant célèbre dans .Ies an~)ales brt>lonnes. el galloises qui

la nomment Alba Tnmamrms. ou Gwen Te~rbron (1), mais
qui présentent quelques divergences au poiut de vue de
Voici ·ce qu'en rapporte la vie de saint Guenol é,
son identité.
écrite au IXe siècle, el qui fail parlie dU,Carlulaire de Lallde­
vennec, manuscrit dont la rédaction presque eulière remonte
au Xie siècle: '
guelTiel' renommé et cousin , de Cathou (2),
F.racan.

un des J'ois de la Bretagne insulaire, fuyant les atteillles d'une .
p€~liIentielle qui désolait le royaume de son parent,
maladie
en punilion des cl'Ïrnes deseshabitanls, passa en Armorique (3),
emmenant avec lui sa femme nommée Blaoche (Alba en b,'clon
Guen)., et ses deu~ fils, GUPlhenoc el Jacob (Jacut). lis dé­
barquèrent dans un lieu nommé Brahrc (4), el s'élablit
ensulle dans une localité, qui. de son nom fUl appelée Plou­
fragan (Plebs Fraca,ni ) (5), el où il lui naquit lm tl'Oisième

fils qui reçut le nom de Guenolé . Dieu, pal' lI.n miracle, donna
à Blanche, sa mère, une troisième mamelle pour allaiter ce

(1) Gwen ou Guen Blanche) tèir trois; bron mamelle.

(2) Les historiens bretons écri",ent Cathoun; je me suis assuré par un
examen attentif riu Cartulaire de Landevenn~c qu'il faut lire Fracanus
Cathouii .. ...... consobrinus.
(3) Fracan dut passer en Armorique vers l'amfée 465, et l'invasion
Saxonne fut très-probablement la véritable Muse qui l'obligea à quitter
son pays.
. (4/M. de l?- Borderie pense qu'il est ici question du por~ de Brehec,
sItue tout pres de Lanloup, dans la baie actuelle de St-BrIeuc.
(5) Canton de Saiot-Brieuc, Côtes-du-Nord.

troisième fils qui était appelé à d'e grandes destinée~, et c'est
L spéciale que lui vint le surnom de' Trimam­
de celte faveur
mis (1).
L'al'liste inconnu qui a sculpté le groupe de sainte Guen et '
de ses enfants. en se conformant dans son Ir~vail à l'ensemble
de celle.légeude ,s'en est écal'lé tOUll'fois par un détail impor-
pllbqiJ'il a donné à saint Venl'c' Ia place que devait occu­
tant,
per saint Guenole, n'après le Carlulaire de Landevennec.
Sainte Guen Teirbrorî n'est connue que sous le nom de
« la mère de Saint V ~nec » ( Mam Sant Venec), ,dans !a pa­
roisse de Bl'iec ùÙ est située la chapelle que je viens de dé­
crir'e~ Les non f1'ices hfi fon t des offrandes de quenouilles de
Jin, pOUl' avoil' du lait.- E Ile était patronne pl'Ïmitive de ta
paroisse de Plouguien (Ploe Guen Plebse Albœ), près Saint­
Brieuc, et on la, voit représentée « en robe longue, assise

et allaitant ses trois garçons » dans la chapelle de Lesvl::n
( altéraliou probable de Lez-Guen), en la même . parois.,e.
M. Gaultier du Mottay qui nous fournit ce renseignement (2),
ajoute: « même, l'eprésentation dans la chapelle de saint \
Wennec, en Bdec. » Il y 3, si je ne me trompe. quelque
~ans celte assimilation. car si la descl'iption que
inexactitude
'donne l\'I, Gaultiel' du Mottay du groupe de la chapelle de
Lesven est fidèle, il diffère sl'nsiblement de celui de la cha­
de saint Venec. où saint Gllénoléel saint Jacut sont re- ,
pelle
. J1résentés sons les traits d'enfants sevrés depuis longtemps .

(t) ({ Inter hree autem, vir quidam illustris, spes prolis beatre nomine
. Fracanus Catouii regis britanniei, viri secundum seculum" famosissimi
, cOllsohrinus, cujus ad hue sacrum in lumbis latebat semen secundum
Abrahre formam, cui dictum est exire de terra et de cognatione sua, et
daturum esse ei ibidem dominum sernen in cujus stirpe bt'nedicerentur
mimes fàmilire terrre; cujus eum etiam predicti regis terra nomine

dicta, in qua tanta sacrilegia et conubia inepta conviviaque illicita,
stupra a deo ineoncessa fuerunt perpetrata, quanta Dec inter gentes
mOl'ho olido cum nidore gravissimo sanieque con­
'quidem audiri soIent,
fecta per tatum pene fuisset, ure non longe post etiam citra mare
insecuta est; iste, legitur, eum
.teneram adhuc ejusdem matris liam
agneUis, id est geminis natis, Guetbeno'co, Jaeoboque voeatis, par~nte­
que eorumdem Alba nomine, q1lre IJognominatur Trimammis,' eo quod
ternas, requato numero natol'um, habuit mammas; nam et eorum ger­
mana non est in mammarum calculo reputanda, quia feminarum non
s,~riptura texere genealogiam. Tandem Armoticam, ubi tune
eslmoris in
opacum adhuc sine clade audiebatur silvisse Lerrre spatium, rate cons-'
censa aggreditur, enatato cum paucis ponto bl'itannico; tellutem, eircio
dicitur,» . Cart. Landeven.
leniter flante, delatusin portum qui Brahecus
f- 12, vo. ,
(2) Essai d'hagiographie et. d'iconographie bretonne. - Saint-Brieuc,
Prudhomme,

Quant à saint Ven.eé, dont le nom moderne est une altéra­
lion des formes anCiennes Gugthenoc, Guezenec, Guenoc el
Guenec la tradition bretonne ne nous en apprend autre chose

. que ce' que j'en ai rapporté d'aw le ,ca r.1U la ire de Lttndé­
vennec. Il est représenJé du I:oté de 1 épllr~ , dans le sanc­
tuaire de sa chapelle, presque de grandeur nafnrplle. ell cos­
tume de guerriel', tpllant d'une main lUle épée et de l'autre un
' livre. A ses CÔlés, dans la mp.me niche, mais avec des pl'opor­
lions bien rnoindl'I's. sont représentés ses deux fréres, saint
Guenolé et saint Jacut, en costume d'abbé. On n'ignore pas
que le premier fut en ~tfel abbé de Landévenllec, et que saint
Jacut donna son nom à un monastère t situé à dpux lieues de
Saillt-Malo, dont il avait été le prPlnier abbé. Lps habi­
tants du village de Saint- Venec n'ont pu rien m'apprel1dl'e de
la vie de ce saint. On l'invO ans le pays pour la guérison
des rhumatismes. Sa fête patronale a lieulp dimanche gras el
le lundi dM la Pentecôte. J'ignol'e si la chapelle de saint Gui­
nec, ' dont on voit les ruines dans la commune de Benien ~Fi­
nistère), était dédiée à saint GuelJoc, tus de saillte Guen, ou à
saint Winn6c ou Guennoc, patron de Berg-Saint.Willnoc,dans
le diocèse de Cambray, et frère ou neveu de saint Judicaël,
• roi de la Oomnonée armoricaine.
J'ai dit plus haut que les traditions galloises mentionne'nt
aussi une saillte Guen, à laquelle elles donnentJe même surnom
de « Teirbron » (l). Suivant ces traditions elle était fille d'un
prince armoricain qu'elles désigni}nt sous le nom d'Emyr­
Llydaw (2), et qui était neveu de s,aint Gf'rmain, évêque
d'Auxer.'e, si connu par ses travaux aposloliques, ,et par le
zèle qu'il dép10ya an commencemenl du V' siècle (3) dans ,la
Bretagne insulaire, pour combattre les progr'ès que faisait
dans ,cette contrée l'héré.sie Pélagienne. Guen épousa, suivant
les mêmes docuRlents, Eneas Lydewig, aUire prince armori­
e'ain, dont elle eul un fils nommé Caqvan, qui figure au nom­
bre des plus illustres sainls du olarlyroluge gallois. Saint
Cadvan, par suite de circonstances qu'ou ne fait pas connaître,
quitta l'Armorique au commencerneilt dO Vie siècl~, el passa
dans le pays de Galles, en compagnie d'un grand nombre de
ses compatriol,es , non moins di stingués par leur naissance,

(1) Llydaw est le nom que les gallois donneJ?t à la Bretagne contiu6Q,­
. tale. Il à exactement le mème sens que Je mot Armorique, puisqu'il
dé3igne en gallois un pays qui s'étend au bord de la mer, Emyr Lly­
daw signifie donc Emyr d'Armorique.
(7) Son nom y est toujours écrit Gwen par un W.
(3) De 420 à 430, en compagnie de Saint Loup, évêque de Troyes.

que par leur piété et par leurs vertus. Ils y fondèrent plusieurs
églises, et furent lous placés au Hombre des saints de lt'ur pall,je
d'adoption. Pal'mi eux se trouvaieut saint Padarn ou PêllerlJe ,
, saint Mael. saint Sulien, etc.,
saint Guindav, sain! Lewan
plusieurs églises bretonnes -al'lUoricaines onl conservé '
dont
les noms. '
Saint Cadvan fonda un monastère dans l'île de Bardsey,
située vis-à-vis de la pointe occiden tale du comté de Carnar­
von (NOI'lh Wales) C'es,t dans ,cetltl île que se l'elirèrent ,Plus
lard saint Dubricius et d'autres saints personnages pour finir
lems jours loin des bruits du monde. Il résulta de celle
pieuse coutume ,que la terre de l'île fut considérée comme sa-·
crée, el l'on regarda comme un ·acte ll'ès-mél'itoire d'y avoil'
sa sépulture. On y faisait- de fréqlfents pélerinages- malgré les
, dangers de III traversée; et quoiqlle l'ile n'eût guère plus de
quatt'e kilomètres et demi de circonférence, elle l'enfermait,
d'après la tradition, les corps de vingt mille saints. Il n'est
pas sans intérêt de ra ppf'lel' à propos de celte légeudè, celle
qui a cours encore aujourd'hui, à Lanrivoaré, commune de
l'anondissement de Brest, et suivant laquelle sept mill(~ sept
cent soixante-dix sept saint~ auraient été inhumés près de l'é­
glise paroissiale , dans , un enclos 'où il n'est pel'mis de •
que 'a tête et les pieds nus, el seuh~meul les jours de
pénétl'el'
pardon. ' .
de saint Cadvan et de ses compagnons dans la
L'anivée
Cambrie est signaMe comme un évenement mémol'able dans
les 'annales de ce pays. Le souvenir de ses verlns. s'y est
conservé longlemps. et plusieurs bardes gallois ont chanté
Il était regardé comme le patron ies guel'J'Ïers ;
- ses louanges.
_ conclure qu'avanl d'embrasser la
circonstance qui per(oet de
vie religieuse, il a\'ait suivi la canièr.e des al'mes pendal1t
l'i\J'lnm'iqlle, Les églises de Tywyn et de Lan­
qu'il habitail
gadvan, dans le pays de G Dans la Brelagne continentale il e5il le patron de la
dateur.
paroisse de Poullan, (Finislèl'e) et l'on peul considérer comme
fui ayant été primili vement dédié'es;l'église paroissiale de Ca·
van, (Côtes- dll-Nord) el les chapellesde Saint Caduan, en la '
commune de BI'aspat'ts, et de Sai lit-Cava, à l'embouchure de
l'Aber-Wrac'h.lolll près des Tuines de Vorganium, en la com­
mune de Plouguerneau. On célébrait sa fêle le pl'emier no­
vembre. Sa mèl'e Guen ou Gwen Teil'bron est mentionnée dans
un catalogue de saints gallois, mais aucune église ne lui a été
G.édiée dans le pays de Galles. .
Ces détails sont un peu longs mais j'ai cru cependant-,devoir
les donrlel' parce qu'ils S'ont 'à peu près ignorés daus notre
Si l'on compare maintenant la légende brelonne à
pays.

la légende galloise, 0.11 remar'que, entre .elles, ~ur certains
de notables ~I~él'ences. En ce qUI t()uch~.Ie sur~om
points.
qu'elles donnent à ~alOle-Guen,. ~es deux . tr~(htlOns ,s ~c­
cordent p01l1' lui ~llrJbll(>I' unE orlglO~ armOf'lCallle ; et SI 1 on
veut pénétrer au.fond de la légen,~e, 11 ne faut pas, un gr~nd
effort d'imagination pOUl' reconnaltre dans ces rf'presentalIOns
de {enlmes à poildne découverte, qui figurent encOl'e dans­
qurlqueschapelles b/'etonnes(l ),ttne réminiscence des déesses­
de l'alltiquité païenne, qui étaient 'aussi les divinités
mères
tutélaires des nourrices. Mais je n'essaip.rai pas .d'expliquer les
qui existent enlre les traditions des deux pays, au
divel'gences
dp père t!t du mari de Guen-Teil'bl'oIl,de peur d'être en­
sujet
traîné drop loin &ans avoil' la certitude d'en donner une
explicalion satisfaisante. Quant aux difficultés qui se rappor­
tent à ~es fils, elles ne me paraissent pas insolnbles. Je
me bOr'llef'ai donc à compal'er les renseignemeclls que
, nous fournissent SUI' ces derniers les annales bretonnes el
cambriennes, et je ne désespère pas d'ar'l'ÏVel' à l'elldre compte
elles SUI' ce
desconlradictiolls qui paraissent exister enlre
point.

Suivant le Carlulaire de Landévennec, Guen Teirbron eut
tl'ois fils, GlJelhénoc. ou tiuenoc, (2) qui semble avoil'
él~ l'aîné, quoique le gl'oupe de la 'chaJ"lellp de sainl Vénec le
repl'és-enle comme le plus jeune, Jdcob ou Jacul et Gu~nolé. -
Les parlÎcularilés de la vie de saint Guénolé el de celle de ,
saint Jacut nons sont suffisamment COl1nue!'l. Mais il n'en est
pas de même de celles de la vje de saillt Guenoc, sur leqnel
nous ne possédons d'autres renseignements, que les indue-

(t) Il Y a dans la chapelie de Quillidoaré, en la commune de Cast
Notre-Dame de Bonnes-Nouvelles, qui
(Finistère), une belle statue de
date de la fin du XVIe siècle. Elle porte sur le bras un robuste Bambi­
. no, qui écarte d'une main le corsage de sa mère, et découvre ainsi la
moitié de sa poitrine. Une autre statue plus moderne d'un siecle, et
placée, sous le vocable de Notre-Dame de, Tréguron, se voit d:ws la
de Seznee, en la commune de Plogonnec. Elle n'a rien de re­
. chapelle
marquable sous le rapport de l'art. Pour remédier à l'insuffisance de
à l'huile sur sa poitrine, un gilet à raies jau­
son costume, on a peint
nes et rouges. Je dois à la vérité de déclal'er que (jet ingénieux vêtement
de son auteur.
a complêtement trahi la bonne intention
Je' sais que les statues de Sainte Guen ont été enterrées par les rer­
teurs de quelques paroisses du Finistère. Il est à désirer qu'à .l'avenir
l'OLl ûroira devoir retirer des églises, soient déposées
les statues que
au Musée départemental d'archéologie, si elles présentent quelque inté­
rêt au point de vue de l'art ou de la tradition,
- ,(9) Elle ,el!- t en outre une fille nommée Chreirbie dont je n'ai pas à
m occuper lCl.

lions que l'on pe~t tit'er de la manièl'e don~ il est repré:.;enlé
dans sa cQapelle. Comme j\~ l'ai dit plus haut, il y figure . en .
costume de gutwl'Ïer, tenant d'une main une ép,le et de l'antre
lIll livre. Il me paraît, l'essOI'tir assez clairement de .ces
allributs, que saint Guenoc suivit d'abord la carrière militaire,
et qu'il se consacra ensuÏle à la vie religieuse.
Les annales galloises ne mentionnent qu'un fils de Guen
Teirbron, saint Cadvan, qui pa .. sa , comme on l'a ·vu, dans la
Cambrie, au commèncement du VIe siècle, avec un grand
nombre de compagnons qui embl'assèrenl comme lui la vie
religieuse, et fUl'ent placés an nomhr'e des sainls de ce pays.
Il avaüévidemment été soldat avant de quitter l'Armorique,
puisqu'on l'invoquait comme patron des guerriers dans la
Bretagne insulail'e.

Comme on le voit. les parlicularilés de la vie de saint Cad­
van c~H:lr'ent bien avec les inductions que j'ai 'cnl pouvoir' ad~
, mettre relalivement à la vie de saint Guenoc, et que j'ai men­
tionnées plushaul. lis sont nés tous deux en Armorique; tous
, deux ils ont eu pour mère Guen Teirbr'on. Après avoir l'un .
et l'autre exel'cé le méLipr des al'mes, ils ohl embrassé la vie

religieuse, et onl été reconnus 'comme saints, l'Ull 'dans la
Cambrie, l'autre dans la Bretagne 3r'moricaine. Peut-on con­
sidé,'et' saint Cadvan comme un quatrième fils de Guen ?
, Je ne le pense pas; car le nombre quatre ne s'accorderait pas
avec son SlIf'Oom de Trimammis, dans lequel il n'esl guère

possible de voir d'autre sells qu'une allusion aux trois frères
illustres dont elle fut la mère .
On serait donc tout porté à indentifier saint Guenoc avec
saint Cadvan, s'il n'y avait dans la différence de leurs noms
une objection sèrieuse, en apparence, à cette identification.
dis en, apparence, car cette objection devient, en réalité,

sans valeur, quand on sait que le mot « Cadvan ) est un qua­
lificatif gallois qui signifie « guerrier ». Ces sortes de surnoms
qui remplaçaient souvent le nom véritable de certain~ person'­
nages marquatits, étaÏfmt extrêmement fréquents chez les an­
ciens bretons, et ils ne contribuent pas peu à augmenter la
confusion qui règne dans les premiers siècles de notre histoire.
J'en donnerai des exerrples dans l'Essai de synonymie des
saints bretons que je publierai à la suite de mes Pouillés des
diocèses de Quimper. de Léon et de Tréguier. .
Il est donc vraisemblable que le surnom de u guerrier »
(Cadvan) fut donné à saint Guenoc par ses compagnons d'exil
- et qü'il finit par se substitu,er au nom qu'il portait d'abord en
Armorique, En recherchant les causes que lui valurent ce qua·
lificatif, j'arriverai peut-être à déçouvrir les circonstances qui
le déterminèrent à quitter cette 'Fontrée pour se réfugier dans

la Cambrie, ' à une époque où le .courant des émigrations bre-
tonnes se dirigeait d.ans un sens Inverse, . '
Parmi ces émigratIOns. une des plus Importantes et des plus
nombreuses dont l 'histoire ait gardé le souvenir .eut lieu en
513. Elle comprenait le tiers de la population de la province

Do.mnonée dans l'île de Bretagne, et avait pour chef un
prince du nom de Rhyal, qui régnait, ~onjointement avec ses
les tribus de celte provInce. .
deux frères, sur
« Pressé par le fer saxon et voulant sauver au moins d'une
, ruine complète la partie de la nation domnonéenne 'dont il
était responsabl, e, c'est-à-dire son tiers. il prit ». nous dit
ct la tierce partie de tous ses compagnons tant mâles
Ingomar, .
CI que femelles, et vint par navire dp,ça la mer en la moindre
• Bretagne, avec très-grand multitude de citoyens~ )

Mais par une rencontre assez étt'ange, ils retrouvèrent éta­
blis sur la côte nord de notre péninsule, ces mêmes implaca­
bles ennemis qui les avaient chassés de leur île natale. C'étai t
une horde de pirates germains, que certains viénx auteurs
nomment 'GQt~s ou Frisons, maisqlli, selon toute appal'ence.,
n'étaient que d'odieux Saxons poussés par l'orage à la côte
armoricaine, alors qu'ils se dirigeaient sur la Grande-Bretagne .

pour y prendre part à la lutte terrible engagée par leurs com­
patriotes. Riwal tomba d'un grand cœur sur ces misérables ;

il les défit, en tua la plus grande partie et contraignit ll~ reste
à fuir sUr ses barques au plus vite et au plus loin. Puis il occu­
pa avec les siens tont le nord de la péninsule de l'embouchure
du Couesnou au cours du Kefleut, partagea entre ses compa~
gnons les parties inocupées de ce grand territoire et donna à
la région toute entière le nom de Domnonée, en souvenir de sa
patrie insulaire. » . '
« Quant aux armoricains indigènes et aux émigrés bretons
qui l'avaient précedé, loin de les dépouillel' ou de les chasser,
Il les laissa tranquillement jouir de leurs possessions, et leur
rendit même ce que leur avait pris les pirates germains. » (1)
Ainsi donc une colonie "de Saxons occupait en 513, une par.­
tie du littoral nord de la péninsule armoricaine. Pour s'y éta­
blir, ces barbares avaient eu à lutter contre . les habitants du
pays, et ceux qu'ils avaient . dApouillés de leurs possessions

étaient naturellement ceux qui avaient opposé à leurs envahis-
.sements la plus vive ,résistance. . .
Comme ·on l'a vu plus haut. c'est aussi sur le littoral nord,
de l'Armoriqne, dans le territoire actuel de Saint Brieuc, que '

• (1) Annuaire historique de Bretagne, : pour l'année
1862, par M. A .
de la Borderie) pages 3' et '3~. · ,

Fracan et Guen s'étaient établis avec .leurs enfants vers l'année
4B5. Au commencement du VIc siècle, Guenoc, qui pouvait
, être alots' âgé de quarante à cinquante ans, et dont les frères
Guénolé et Jacut avaient depuis longtemps embrassé la vie
re1igieuse. avait dû succéder aux droits de son père Fracan sur
la petite principauté qu'il s'était taillée dans la péninsule. Il
eut donc, comme chef de clan, à dMendre son patrimoine
contre les Saxons envahisseurs, et c'est probablemeut dans
cette lutte qu'il accomplit les exploits qui lui valurent le SUf- .

nom de. u guerrier 1) (Cadvan) .
Tout porte à croire que malgré son courage et ses efforts, il
succomba dans cette lutte terrible, avec les autres chefs ses
parents ou ses voisins, qui avaient sans doute combattu sous
ses .ordres. Vaincus et dépouiUés de leurs biens, il ne leur res-
.' tait d. 'autre alternative que de se soumettre, au joug de leurs
barbares vainqueurs ou d'abandonner leur pàtrie.
Ainsi peut s'expliquer le passage dans la Cambrie de saint
Cad\'an et de ses.compagnons. La tradition se trouve donc iei
d'accord 'avec les données historiques; je suis heureux de le
constater, car s'il y a de l'imprudence à accepter sans con­

trôle les documents légendaires, Je suis de ceux qui pensent
qu'il y a presque toujours un fond de vérité dans les légendes
qui se rapportent aux premiers temps de notre histoire; et qué
la plupart des cas, il est possible, à l'aide d'une critique
dans
judicieuse, d'en dégager un fait réel, malgré les fables qui
l'obscurcissent, ,

M. le Président remercie M. le Men de sa communica­
tion dont l'insertion dans le lIulle~ût archéologique est vo­
tée par l'Assemblée,
M. de Montifault fait remarquer que la notice sur Tro- 1
goff qui a paru dans le dernier bulletin, contient des fautes
matérielles qu'il est assez facile de corriger, maig elle se .
terminait par un renvoi n° 4~, qui avait IIne certaine im­
portance et. dont la fiche manuscrite s'esr. trouvée égarée.
Il demande que çe renvoi soit inséré au procès-verbal
dans le bulletin de la séance de ce jour. .

Il était conçu à peu près en ces termes:
,(48). -- Tous les renvois du · n° 1 au nO 47 -donnent des
notions sur les famille!' citées ... Les armoil'ies el. les devi­
ses ont été rèlevées sur les ' sceaux des archives, dans les dif­
férents armoriaux BI'elons, dans le légendail'e de la noblesse
de FI'ance, el SUl' le manusCI'ii de la réfol'mation de 1669 dé·" ,
posé à la bibliolhèque de Quimper.. . Les documents géné~-

logiques ou biographigtJ~s nOt~S ont été fou,'nis en partie par'
les archives, pal' Je dlcll,onualre de M. Le Vol~ pa,' des nolps
manuscriles de M. de BloIS ft Sllrtout par l'PXCf'1I1'1l1 OUVI'age .
dé M. de Courcy. notre collègue, qui fait HtlOrilé en pareille
matière. '

M. le 1\1eo d~Olande ensuite que la ,date de la prochaine
f\éance soit fixée ,au mois dema'rs Par suite d~ circons-
- tances indépendahtes de sa volonté, il craint de n'être pas
en me~lIre d'adresser aux societaires le Bulletin en temps
utile, pOUf qu'une réunion puisse avoir lieu au mois de
février.
SlIl' la proposition dè M. le Président,la date de la pro­
chaine séance est fixée au samedi 13 Mars.
ne demandant plus la parole, la séance est le- .
Personne

~ n~e il 4 heures,

• Le Sécrétaire,

R. F. MEN.

ORDRE DU JOUR.
Pour la séance du SA.MEDI 13 MARS, à deux heures, da'l'/s
une des sa.lles du Musée d"archéologie.

1 Rédaction J'un Questionnaire archéologique, à adre5ser

aux instituteurs du département.
20 Statistique monumentale du Finistere.
-,' Epoque
romaine, par M. R.-F. LE MEN.

I~e Vice-Président de'la Société,
L'abbé F. DU MAUC'HA.LLAU'H.

NOTA. MM. les So~iélair'es qui n'ont pas encore payé
sont priés d'en 'adressèr, le plus tôt pos­
leur cotisation,
sible .. le montant (i0 francs), à 1VI. FATY, chef de bataillon
en retraite .. fue des Reguail'cs, nO 22, à Quimper.

SOC. ARCHÉOL. DU FINISTÈRE.