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Bulletin SAF 1875


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Vorganium, Vorgium et la cité des Osismii (IIIe Lyonnaise)

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qui seront faites dans chaque commune en inùiquant les
lieux, les objets, les noms des personnes .
Le Président se faisant l'interprète de tous ses collegues
remercie donc M. l'Inspecteur de son précieux concours,
ct croit pouvoîr affirmer que 1\'1. Surrault sera non-seule­
ment un zélé coopérateur, mais encore que le Musée dé­
partemental et la Société Archéologique trouveront en lui

un des membres les plus utiles et ayant entre ses mains
les plus puissants moyens d'action .
Il cst ensuite procédé aux votes sur les candidatures de :

l\lM. de TrogolT. Plateau. ' Beaucourt ct Govin, Au-
guste .
quatre candidats sont admis il l'unanimité.
Ces
1'1 le Président donne la parole à M. R-F. Le Men pour
80n fravail sur Vorganium et la cité des Osismii, inscrit
en tête de l'ordre du jour de la seance.

LA CITÉ DES OSISMII

(Ille LYONNA.ISE.)

Le géographe Ptolémée • dans sa Description des Gaules,
mentionne parmi les peuples qui occupaient le littoral com­
p,'is el1ll'e la Seine el l'Océan, les Osismii, auxqnels il donne
pOUl' capitale la ville de Vorganium.
Les géogl'aphes model'l1es sonl loin d'êtl'e dJaccord sur la
situation de celte capitale. Hs l'ont, en effet, successivement
placée à Guingamp, à Tréguier, à Yesmes, en NOI'mandie, à
Coz-Glleodel, à Sainl-Pol-de· Léon, tl enfin à Carhaix (1).
Cette dernière opinion, qui esl celle de d'Anville, a été adoptée

(1) M. Bizpul a donné dans le 4 vol. du Bulletin Archéologiqtte de
lo;-)alités qui ont
l'Association bretonne, une nomenclature complète des
été assimilées à Vorganium. .

pal': la pll1pal'l desért~dits qui se '/ sont occupés de la géo.~I'a- '
phie de la Ille LyonJl.aIS~ , et notamment ~alls ces denlleres
années par la Comn~lsslOn de 1~.lopog,.a~hle .des G?UI.6S. La
situation topographique de ~a \Ille de Carhaix,. et 1 ex]st~nce
de nombl'eux vestiges ."omallls dal~~ c.elle localIté, rendaIe.llt
celle opÏItion fOI't plausIble. Elle Il etaIt cependant el~ réah~é
pas mieux fondée que les autres~ et le monument qUI deVait
en fournir la preuve, .exista!t négligé, et presque inconnu à
quelques lieues de la ville meme de CarhaIx.
En 1837, dans les notes de SOIl édition des Vies des Saints
de Hretagne par Albert Le Grand (1), M. Miorcec de Kerdanet,
le premier, signalé l'existence, sur le hord d'ullevoie
avait
romaine, vis à-vis du village de KHscao, en la commune de
Kernilis (2 i, d'une borne milliaire SUI' laquèlle il avait lu les ,
mols CLAVDl VSl FlLIl ARi\ 1 c'esl-il-dire: Autel de Clau­
dius. fils de Drusus. « 01', ce Claude, ajoutait M. ' de Ker­
danet, est fempereur Claude (3), lui-même, auquel, après sa
grande ' victoire daus ' l'île de Bretagrie, l'an 47 de J.-Co', les

simples laboureurs érigèrent p'Bl'tout des au[ets~ ainsi que l'a(.J-
prend ,Sénèque. » . '
Deux a,ns pIns lard un investigateur ardent à la recherche
des antiquités du 'pays, M. Sébastien Gldastrennec, deL:m­
monument. La liotice
derneau, s'occupa à son tour du même
fut insérée dans un numél'O du journal le
qu'il rédigea el qui
Courrie1' de Brest, portanlla da le du 11 août 1842 (4), se
l'ait remarquer p31' une scrupuleuse precision dans les dé~
tails. Suivant lui la forme de la pierre ne peuL laissel' aucun

doute sur sa destination primitive; il constate, comme M. de
I trollve placée dans la diJ'cction d'uue voie romaine, qui, de '
Carhaix, s'avançait vers Landivis\an ~ tl'a\'ersait la commune
de Plounéventel', le plateau de Kél'ilien, où gisent les débl'Ïs
d'un établissement romain consid6rable, puis se prolongeant
du Folgoët, devait aboutil" de là, en droite ligne,
vers l'églIse
SUI' un point de la côte aux environs du bourg de Plouguel'­
(Jean. Quant à l'inscription gravée sur la pierre dont M. de

(t) In-4 Brest, Anner et fils, p. 32.
(2) Canton de Plabennec, arrondissement de Brest' CFipistère). '
(3) Claude l, fils de Néron Drusus et d'Antonia, né en l'an 10 avant
On croit qu'il fut empoisonné pal' sa femme Agrippine, l'an 54
de notre ère. '
(4) J'emprunte tous les détails relatifs au mémoire de M. Guiastren­
'travail de M:' Denis-Lagarde, dont il sera parlé ci-après. "
nec, au

Kerdanet avai.t le premie.' révélé l'e?lislence, voici comment il
enélablissait le lexIe : .
Lt\ VDI
VSI FILI
ESARAV
ERMi\NIC
FEX MS
ICIA
PATE
GNATS

et il en donnait l'interpl'étalion q.ui suit : Claudius Drusi
filius Cœsar Augustus Germanicus, pontifex maximus, Tr'ibu­
nitia potestate designatus 1111, leucie (leugat) IV .
Il est probable que cette lecture parut à M. de Kerdanet
plus correcte que celle qu'il avait publiée en 1837, Cat' ill'e­
produisit presque littéralement dans sa Nouvelle Notice BlW
N.-D. du Folgoët imprimée en 1843 (1). le lexie donné par'
M. Guiastrennec. Il, eul cependanl le bon espl'tt de supprimer
à la fin de l'intet'pl'élalion de ce lexte les mots leucie IV. La
borne de l{erscao qui porle le nom de l'empereur Claude l, '
est en effet lIll monument du 1 siècle de notre ère. Or, ce ne
fut qu'au Ille siècle, que l'on commença de se servir' de la
lieue gauloise pOUl' marquer..les distances, dans la par'tie de la
Gaule qui comprenait la troisième Lyonnaise. La mesure
itinér'ail'e dont on avait fait LIsage pendant les deux premiers
siècles, était le mille l'ornain, dont la 10ngueuI' équivalait à ·
1481 mètres environ.
En 1863, M. Denis-Lagarde, numismaLisle dislingué de
B,'est, fit de celte illscl'iplion L1ne élude consciencieuse, qu'il .
publia dans le T. IV du Bulletin de la Société Académique de
celle ville. L'auteur de ce tl'avail fail d'abord un hislof'Ïque .
aussi cumplet que possible de la colonne itinérail'e de Kel'scao,
et en donne une description détaillée. Ensuile, après avoir
constaté que l'inscription se compose de neuf ligues dont la
del'nièl'e doit renfermer le nom d'une ,'ille el le chiffre de la
distance de la borne à cette localité, il en reproduil de la ma-

(1) In-8 ; Brest, Lefournier ainé, p, 39. Voici le texte de M. de
LAVD VSI FIL! ESAR AVG E FE ICI A PATE
Kerdannet:
GNATS IV.

nière suivante le texte lei qu'il a pu le déchiffrer SUl' les lieux,
après une élude attentive el pl'olongée.
LAVDIVS

VSI FIUV

ESAR

NIC

FEX MA

GNATVS •

A .. MP .. V .( 1 )

M. Denis-Lagarde fait suivre celle lecture d'ull examen
des tex tes publiés pal' ses devanciers MM, de Kerdannel
critique

et {iuiaslrenllec, lextes dont il n~a pas (te peine à établir l'in­
corl'ectiol1, et après une étude comparée de plusieul's inscrip­
dans divel'ses parties de la France, SUI' des
tions relevées
hornes milliaires df' l'emper'cUi' Claude 1. il conclut que la
colonne itinéraire de Kerscao a dû être élevée l'année qui
le quatrième conslilal de cet empel'e~II', date qui COfl'es­
précéda
pond à 1'3n 46 de J .-C., et propose la restitution suivante de
y est gravée.
l'inscription qui
· Tl CLAVDIVS
DRVSI FILlVS
CAESAR AVG
GERMAN1e PON
TIFEx MAX TRIB

POTEST VI IMP '

Xl pp COS III DE

SIGNATVS III
• . A ••• MP V. .
L'auleUl' tm'mine son travail pal' les réflexions suivantes: '
« Arrivé au terme de la tâche que nous nous étions pro­
posée, nous' set'a-t-il permis d'exprimer un vœu que nous
à ceux qni onl à cœur la conservation dans
recommandons
leur intégrité des monumenls anliques? La place de celui-ci,
même que ses dimensions n'y feraient pas obstacle. n'est
alors
dans un musée. Il est mieux qu'il demeure aux lieux
pas
il a vu s'écouler tant de sièc'les, SUl' le bord
mêmes où déjà

(t) Il Y a dans ce texte de M. Denis-Lagarde l)lusieurs lettres liées,
Ce sont: MA dans la se ligne; ATV dans la se, et MP dans la g •

de celte ,'oie dont il marque sans aucun doute l'une des
dnnière~ étapes. Qu'il y reste donc comme lin témoin non
équÏ\oqùe du passé" comme un jalon qu'il Ile faut pas
aballre on dépla,cer, au préjlldice de ceux qui poursuiVl'ont
l'étude des "oies, romaines SUI' le sol de l'extl'~me Armorique ~
mais rendolls lui le symbole (1) sous la . protection duquel il
a échappé déjà aux chances si nombl'euse~ de deslruction
qui l'enlolll'aienl ; quand les population~ rurales y verront '
de nouveau briller la croix, elles se signeront avec respect,
devant le vieux monume,nt, et à l'abri du symbole chrétien,
celui-ci bl'aVel'a encore bien des Ol'ages. n

Dans son examen critique des lexies publiés pal' MM. de
Kel'danet el GlIiastrennec, M. Denis-Lagarde fa it observer que
l'espace qui avait dû Mre au trefois occupé par la sixième ligne
de l'inscription dt-l la borne de Ke'rscao. était, à l'époque où
il étudia ce monument, entièrement fruste, et qu'il n'y avait
dist ingué allcll~e trace de cal'actèl'es. « Il en est, ajoute-t-il,
à pen prè~ de même de la septième ligne, où la lelll'e Pest
seule restée appal'ellte. » Quant à la neuvième et demière
ligne de l'inscription, voici ce qu'il en dit: « Nous 3\'OnS pu
y reconnaître sans hésitation possible, la présence d~ la lelll'e
A, qui nous en avons la conviction,. entrait dans la com­
posiLion du nom de la ville dont la borne avait pour but
d'indiquer la distance. Quel élait ce nom? La piel'l'e ne nOlis
a pas révélé son secrel, el nous cl'aignons bien qu'il ne le
gal'de éternellement. »
Les doutes exprimés d'une manière aussi formelle pHr un
hùmme aussi compétent que l'était M. Denis- Lagarde. sur la
possibilité de lire quelques-unes des lignes de l'inscl~iption,
nolamment la dernière, qui l'enfermait ua problème dont la
solution pouvait être d'une exlI'ême impol'lance au point de
vue de la géographie de la Ilia Lyonnaise, n'étaient pas de
nature à encourager leS archéologues à lenter un nou vel essai
de déchiffl'ement. Je ne désespérai pas cependant ,de pénétrer
le mystère que cachait la borne de Kerscao, el au mois de
septembre t 865, mu ni de papier non collé, pOUl' pl'eudre
nn estampage de l'inscl'Îplion, je me rendis sur les lieux afin
de faire nue élude atteJltive du monument.

~Ja premièl'e l'emal'que lorsque je me tl'ouvai en présence
de );J horne, fut que plusiem's lc.llre~ de l'inscription avaienl

(1) Cette borne était autrefois surmontée d'une croix de pierre dont
les débris se voient tou t auprès dans la douve. ,

échappé à T'alle/ltiol~ de M. De~is · Lagante. Ai~3i, dans )a
sixième ligne qui avait paru ent.lel'emenl fJ'lISle a cct obser­
valeur les leUl'es JelA. fin du mot TRIBVNICIA, qui du reste
avaieni déjà été rel,e\'é~s .pal' MM. Guiast!,ennec et. (~e I{e~­
dan~l se lisaient tres-dIstInctement. De meme on dlstmgualt
l;ein~ dans la ~eplième ligne, le chiffre XI, indicatif de
sans
la onzième victoire de l'cmpereur Claude I. Maihelll'ellsemenl
j'avais employé ce jour là à l'examen de di vers monuments,
'une gl'ande partie du temps ,..q~le je dev.ais con.sael'el' à ,l'élu.de
de la borne de Kerscao. Il me fut donc ImpossIble de 1 étudier
d'une manière sérieuse, el je dus me contentel' de prendl'e
de l'inscl';pt ion un esLampage auquel je donnai tous mes
soins, mais qui cependant réussit assez mal. En effet le soleil
élanl très -ardent pendant l'opération, le pnpiel' sècha trop
rapidement, el éprouva un retrait fOI'1 préjudiciable à la net­
teté de·l'empreinte.
Malgl'é .ce léger' mécompte, j'eus la satisfaction en étudiant
mon estampage SUI' ses deux faces, el en l'exposant à toules
les· lumières, d'y découvdr de nombreuses leUl'es qui ne figu­
rent pas dans le texte publié pal' M. Denis-Lagarde. La der­
nière ligne da l'inscription 1 fut pOUl' moi l'objet d'une étude
toule particulière, et je fus singulièrement surpris lorsque je
crlls y distinguer les caraetères suivants:
..... GAN MP V .••..
Le nom de VORGAN, abréviation de VORGANIVM, me
vient aussitôt à l'esprit, et il me parut que celle ligne pouvait
être aiusi restituée:
(A) VORGAN (la) M (ILL/A) P (ASSVVM) V ....
Cependant la situation de Vorganillffi à Carhaix me sem­
blait être si solidement établie, qu'avant de faire part de mes
conjectures à qui que ce soit, je l'ésolus d'étudier de nouveau
sur place la borne de Kel'scao. Les circonstances ne m'ayant
pas permis de mettre mon dessein à ex(~elltion, je songeai à la
possibilité de faire transporte.' ce monument au musée dépal'­
lemental du Finislère, à Quimpel', ùÙ il serail à l'abri des
mille causes de destruction auxquelles il avait jusqu'alors
échappé comme par miracle. En effet, outre que l'Ïen n'eùt été
plus faci)(~ que de le tra[lsfol'met' en macadam, comme on l'a
fait pOUl' tant d'autres bornes romaines. sa forme el ses di­
mensions permeltaienl d'èll faire une fort belle ange, et je
m'élonn e que les cullivaleur's du voisinage n'y aient pas songé,

car lei a été dans d'autl'es parties de la Bretagne le sorl rie
plusieurs monuments de même nalure.
Je priai donc M, de Blois, vice président de la commission
at'chéologique du Fini,tère, de vouloir bien demander fi M. le
préfet l'autorisation de faire tJ'ansporler au musée dépal'temen­

laI, la colonne itinéraire de Kerscao. M. Pihoret. qui ne se
lasse pas d'encoUl'agel' les efforts de la commission d'ar'chéo­
logie. et dont la wllicitude pOUl' l'accroissement de notre
musée ne s'est pas lin instant démentie, s'empressa de nous
demande, et chargea du soin d'éxtraire et
accorder notre
la home à Quimper, pal' le chemin de fel',
d'expédier
M. L3basque, agent-voyer des chemins vicinaux de l'anon­
dissemenl de Brest. Des instructions furent transm.ises en
même temps à ce fonctionnaire pour éviter les accidents qui
sUl'venir pendant l'opération. On lui recommanda,
pouvaient
entre antres choses, d'entourel' la pielTe d'épaisses torsades dl-!
paille, pour garantir l'inscription, et d'éviler dans le déchaus­
sement de labOl'ne, le contact des insiruments de l'el' avec le
mOllument. On le p,'ia en oulre de planter à la place du mil­
une home nouvelle, SUI' laquelle IIne inscrip­
liail'e romain,
tion, indiquant le transfert de la pl'emièl'c al] musée départe­
mental\ serait gl'avéQ ultérielll'ement (1).
M. Labasque s'acquitta de sa mission .'lvec un soin et une
de tout éloge. Le 3 janvier 1873, la
intelligence au-dessus
colonne itinéraire rle l'empel'eUl' Claude 1 fut extraite du lieu
où elle réposait depuis tant de siècles. Ne jugeant pas l'enve·
Joppe de paille sulfisante pour protéger le monument,
M. Labasque cnlt devoir l'entourel' d'une enveloppe de fOl,tes
planches. Il le fit ensuite transporter à Brest sous l'escorte de
trois ho'mrpes, qu'il avai t jugé pl'lHfe nl d'adjoindre au char"
relier chargé dll transport, el présida lui-même le lendemain,
à la' gare de celle ville à l'opération du chargement de la
piel're SUI' un wagoll. Le 4 jarnier elle aniva à Quimpel" sans
le voy.age le plus légel' accident, et je la
avoir éprouvé dans
fis placeI', le jour suivant, dans la salle du musée dépal'Iemen­
lai destinée à recevoir les antiquités gallo-romaines, où les
pOlll'rOnl l'étudier à loisir.
archéologues
III .
La bome milliaiJ'c de Kerscao est fOl'mée d'un bloc de granit
de l' Abel~, du poids de 2,070 kilogrammes. Celte pierre,
exll'êmement dure, est suscepl ible d'aequérir un beau poli,

(t) Voici un texte qui pourrait convenir pour cette inseription:
Erigée sur l'emplacement d'un milliaire romain transféré au musee
de Quimper, par M. Pihoret, préfet du Finistère, 1873.

comme on peut le \-'oil' pal' le soubassement de l'obélisque de
'Louqsor', à Paris, qui provie~t d es ~al'riè.rtls de l' t\~er-Ildut, et •
pal' celui de la stalne de La~nnec, a. QlIlmper, qUI a la ~ême
provenance. Elle est; J'er:npl~e de cl'lstaux de quartz qUI en
rendent la taille tl'es-dlfficlle. La forme du monument est
celle d'une pyramide lronqué~ à ang!es arrondis. Il mesure
hauteUl' t Ill. 85 ~ son épaisseur a la base est de 0 m. 75
et 0 m. 70 ; son épaisseur au sommei de 0 m. 65 et 0 m. 56.
Sa hauteUr au-des~l1s du chemin était de 1 m. 34, et sa pro·
fondeur' en te/'re de 0 m. 51. La partie enfouie est taillée
etait au-dessus du sol. Les quatre faces de la
comme celle qui
pierre sont piquées avec soin, mais les angles ont éte assez
grossièrement abattus t de so/'te qu'il s'y tl'ouve de nom­
breuses inégalités et même des cavités assez profondes. Il en
résulte que les leUres qui ont él~ gravées SUI' les angles, sont
'que celles que l'on re-
moins régulières et moins distincles

marque sur la partie plane du monument. _
Mon premier' soin après avoir placé la borne dans la partie
dn Musée où le jour lui était le plus favorable. ful de faire
de l'inscription 1 et pf'incipalement de la
une étude attelltive
neuvième ligne. Non- seulement j'y retrouvais les cal'actères
que j'avais ,'elevés sur mon estampage mais j'y . lus sans dif­
ficulté la ligne entière:
VORGAN MP VIII •
Dans celle ligne les lettres OH seules sont liées. M ct P
(millia passuum), fOi'menl deux caractè,'es distincts, entre les­
quels, après 3\'oir débarrassé la piel"'e des lichens qui la cou­
vraient dans quelques-unes de ses parties, j'ai découvert un
trait vertical que l'on peul prendre pOUl' un l, si on ne le
considère pas comme un faux trait du graveur.
VORGAN, commencement de la forme latine du nom de la
capitale des Osismii (1), doit en représentel' asse7. exacte­
la forme gauloise, Le mot rnorgant signifie en gallois le
ment
bord de la mer (2). Aucune dénomination ne pouvait certes
à Vorganium, placé comme ~ne senlinelle
mieux convenir
à l'extrême pointe de l'Armol'ique, entre · Ia Manche
avancée
et l'Océan.
(t) Dans les inscriptions des hornes milliaires, les localités sont
par les pre­
presque toujours désignées par les premières lettres on
mières syllahes de leur nom. C'est ainsi qu'on lit sur des milliaires de
A VG pour Augustenemetum, AND pour Andematunno, etc.
Claude l,
(2) On trouvera plus loin des détails sur l'étymologie du mot
an, en composition Vorgan.

Voici l'ensemble du texte de l'inscription tel qu'un examen
m'a permis de l~ ,'elevel'. Je place entre parenthèses
altenlif
les caractères qui ne sont plus visibles sur la plelTe, mais que
l'on peut l'estituer facilement:
. Tl CLA VOIVS
DRVSl FILlVS
CAESAR AVG(VSTVS)
GERMANICVS

(PO)NTIFEX (MAXIMVS)
TRIBVNICIA (PO)l'(EST V)
IMP Xl PPCoS III
DESIGNATVS IIII
VORGAN MP VIlI
Dans ce texte les lellres MA de Germanîcus, MA de Maxi.
mus, AT de Oesignatus, et OR de VOl'gan sont liées. La
leUre 0 de COS est inscl'Île dans le C, et la leUre E de
DESIGNATVS inscrite dans le D. Les leUres des premières
lignes onl 7 centimètres de hauteur, et celles des del'rlières
lignes 55 millimètres .
Comme l'avait établi M. Denis- Lagarde (1). la date de celle
inscription est bien l'an 46 après JéSIIS-Chl'Ïst, année qui pl'é­
céda le qua Irième consulat de l'empereur Claude l.
Après m'être assuré qu'il n'y avail. pas d'erreur (lans ma
lectur'.e et que la neuvième ligne de l'inscriptiun ùu millia il'e
de Claude l renfermait bien ie nom de la capita le des
Osismii, si laborieusement et si longtemps cherchée par les
él'udit~. je fis de celle ligne un estampage que je m'empressai
d'ad,'essel' à M. le président de la Commission de la topogra­
phie des Gaules, dont je suis cOl'r'espondant pOUl' le dépar­
du Finislère. Le 22 janvier 1873, MM. Anatole de
tement
. Bal'lh~lemy, secl'élaire, et Alexandre Bel'tralld, membre de
cette commission, m'écI'Ïvll'ent que ma lecture leur avait
paru, aillsi qu'à leurs collègu!:s, parfaitement juste.

M. Mowat, chef d'escadron au tO régiment d'arlillerie, à
qui j'avais faiL part de ma leCIIII'p., dès les pl'emiel's jours de
janvit'l' 1873, m'avail déjà écrit à la date dn 9 du même mois:
« J'avais bien une espèce de pressentiment que cette inscrip­
« lion renler'maille secrel de l'emplac~menl de Vorgauium; et
« cela avant de connaître le ,'ésullat de votl'e estampage. Mais
« voIre premièl'e leure contil'mée pal' ce que vous m'écl'Ï\'ez de

(1) Voir page 21. •

( nouveau vous assure le mé.'ile, je dirai même la gloire d'avoir
(c retrouvé la capitale des Osismii. .
c Prenez donc date de suite en publiant le résultat de vos
CI recherches avant que quelque archéologue, à qui vous aurez
CI facilité l'étude du monum~nl, ne vienne, comme le ~eai, se
« parer des plll~es. d~ 'paon, et vous enlever la l'écompense qui
( VOliS revient SI legillmement. »(1)

L3 borne de Kerscao était placée en face du village de ce
nom, au nord du chemin de grande communication nO 32 du
Folgoët à Plouguerneau, et à une distance de 7,483 mètres
environ du clocher de celle dernière localité. Il y avait un in­
tervalle de cinq mètres eotre son angle est et la clôture du
champ qui forme la ligne de séparation entre la commune de
Kel'l1i1is el celle de Guissény ; de sorte qu'avant la rectification
de ce chemin, elle se trouvait an milieu de la roule. Elle élait
placée de telle sOI'le qu'elle donnait l'orientation du lieu. En
effet, ses angles eOl'respondaient exactement aux qualre points
cardinaux.
La voie sur le bor'd de laquelle se trouvait ce milliaire a été
mentionnée depuis longtemps par plusieurs archéologues
bretons, notamment pal' M. Bizeul à la fin de l'article Carhaix
de la nouvelle édition du Dictionnaire historique de Bretagne
d'Ogée. Mais ce savant et inratigable investigateul' de nos an­
tiquités, n'a pas eu le loisir' de l'étudier ni de la suivre. Il se
. borne donc dans son tl'avail, à en donner le tracé · qui lui
semble le plus probable.
Celte voie sOl'lait de Car'haix, ou plulôt tl'aver'sait celte ville,
pour se diriger vers la pointe de Pfouguel'lleau ; elle suiv ~il
d'abord à peu près le pal'coursde la l'onle de Morlaix jusqu'au
chemin vicinal de Bel'l'ien. Après avoil' traversé ce boul'g, elle
se dirigeait vers Plonéoul'-Menez. Elle est encore bien con­
servée dans plusieurs points entre ces deux localités, où elle
a été aussi reconnue par M.l'abbé Postic, recleurde Plonévez­
Poriay, el par M. Bahezre de Lanlay, garde général des to­

rets, à Landerneau. Dans ce parcours, elle a été en partie

(1) Depuis l'année dernière, M. Mowat a, si je ne me trompe, perdn
l~ .s~uvenjr de c~tte le,ttre: Qu.ant à ma découverte, j'ai lieu de me
fehClter chaque Jour d aV01r pns en temps utile Jes mesures propres à
m'en assurer le mél'ite. Ces précautions n'ont pas, il est vrai, empêché
le GEAI DE VORGANIUM de s~ montrer. Mais heureuseme1lt, cette fois,
ce n'cst pas l'archéologie qui a fourni la bête. _

transformée en chemin vicinal. C'est en exécutant ces Il'3-
vaux, il y a quelques années~ que l'on a iléconvel't une
belle statuelte romaine en bronze, qui se tl'Ouve aujourd'hui
au Musée départemental d'archéologie à Quimper.
En quittantlacommune de Plonéour-Menez, la \'oie traversait
celles de Saint-Sauveur etde Guimiliau, où l'on a signalé des
vestiges romains, pl'ès d'un ruisseau au village de Crec'h­
Ensuite après avoÏl' traversé la commune de Lampaul,
ar-Bleis.
elle passait à une petite distance an sud-ouest de la ville de
Landivisiau, en s'infléchissan t légèrement vel's l'ollest, puis se
dirigeait directement vers le vaste établissement gallo-romain
découvert en 1829, par M. de Kerdanet (1) , en la commune
de Plouneventer, et dont les ruines s'élendent entre les vil­
lages de Kergroas, Kerporziou et Kerilien, sur un espace de
cent hectares environ (2). On peul citer parmi les objets
trouvés dans ces J'uines une statuette en bronze el de
nombl'enses monnaies d'or, d'argent el de bronze, ded empe­
reurs AugusLe, Tibère, Nerva, Vitellius, Titus, Domitien,
H-adrien. A ntonio-le-Pieux, Lucius Vel'us, Marc-:A lJI'èle ,
Alexandre Sévère, Gordien, Gallien, Claude Il, Honol'ius;
et plus de 600 fragments de poterie l'ouge ornés de dessins
en relir.f, provenant de celle lacalilé. M, de Kerdanet a donné
à ces mines le nom d'OccÎsmor. Mais elles sont plus connues
sous celui de Kerilien.
La voie passait ensuite pal' les communes de Saint-Méen el
du Folgoët, et rencontrait SUl' le terl'ÏloÏl'c de celle de ~aint­
Frégant, aux dépendances des villages de Kerradennec et de
Kerzulant, tout près du château de Penmarc'h, d'impol'tantes
mines gallo-r'omaines découvcr'tes aussi pal' M. de Ker'danet
eu 1833 (3), et auxquelles il avait doonr le nom de ToIente,
,'ille qui d'après Albert Le Grand, aurait élé détruile au
lXe siècle pal' les NOI'mands. Ces t'uines occupenl entre l'étang
et le château de Penmarc'h, une étendue d'environ 4 hectares.
On Y' a trouvé une pierre gravée -antique, une bf'lle urne cn
vene bleu, de petits chevaux en terre cuite. -de nombreux
débris de pOlerie, el plus de 500 monnaies romaines.
La voie après avoil' fOl'mé limite entre les communes de
Kernilis et de Guissény, enll'aiL ensuite dans celle de Plouguer-
(t) Nouvelle notice sur Notre-Dame du Folgoè't et sur ses environs'
par Miorcec de Kerdanet. Brest, Lefournier, 1853, page 34 .
('1) Il est bon de faire observer que ces r.uines ne forment pas une
agglomération compacte. Elles paraissent provenir de plusieurs villas
situées à peu Je distance les unes des autres.
(3) Ibid page 40-42 .

neau en passant par le Grouannec et pal: le bourg, et \'euait
onfin se terminer au bord de la me)' pres de la chapelle de
Saint · Cava. C'etail donc dans le voisiuage de celle chapelle
qu'il fallait chercher les vestiges de la mystérieuse cité de
Vorganium (17) •

En résumant ce que j'ai dit plus haut, il )'ésultait claire-
ment de l'inscription de la borne de Kerscao : '
0 Q~lela ville de Vorganium devait se Iroure)' à l'embou.

ch[JI'e el sur la rive droite de l'Abm'-vVrac'lJ, à huit milles
)'omains (18), c'esl-à-dire à Il kilomètres 848 mè.tres environ
du lieu où était placé ce monument.
2° Que s'il existait encore quelqup.s vestiges de la cité gau­
loise, on les l'èl1ContreraÏt ,à l'extrémité d'une voie romaine,
qui, parlallt de Cal'haix, venait aboutir au bord de 'la mer,
dans le voisinage de la chapelle de Sa int-Cava. Celte voie est
la carle de l'étal-major, el SUI'lout SUI'
parfaitement tracée sur
, la c,u'le du Finistère, par Taconuet.
A vec des renseignemcHts aussi précis, la détel'mination de
l'emplacement de la eapilaie des Osismii, n'était pl~s qU'lille
simple affaire de vef'Ïficatioll. Si l'îllscl'iplion du milliaü'e de
!(erscao n'était pas menteuse, il élait aussi facile d'allet' de
Plouguerneau aux ruines de VOl'gallium qne de Brest à Goues­
nou ou de Quimper' à Rosporden. Il restait donc aux explora­
lel1l's à constater que l'indication fournie pal'· celle inscription
était exacte ou qu'elle ne l'était pas. Mais il ne pouvait plus
être quest ion de découverte de Vorganium puisque celle dé­
couverte était faite.
Ce point bien établi, je continue,
Chargé pal' la Commission de la Topog1'aphie des Gaules dès
le mois de févl'ier 1873, de reche l'chel' l'assiette de la ville
gauloise, je Il'ai pu remplil' cette mission avanl la fin du
mois d'octobre sUivant. Le resula\ de mes recherches a prouvé
que le l'enseignement fourni pal' l'inscription de la borne de
Kerscao était exact. Je trouvai en effet à la distance de 11
kilomètres 783 mètres du lieu où était 'plantée la borne,

(1) Ce tracé diffère quelque peu ,d'un autre tracé que J'ai proposé
j'ai faites SUl' cette voie
préeédemment, Les nouvelles recherches que
sûr que le premier.
me permettent de considérer celui-ci comme plus
(2) La longueur du mille romain était d'environ 1481 mètres.

distance qui diITèl'e bien peu de celle de 11 kilomètres 848

mètres indiquée pal' l'inscription, les ruines, lion d'une
ville gallo-romaine, comlue j'aurais pu m'y allendre* mais
celles d'un Oppidum gaulois offrant la plus grande analogie
avec les Oppidums de la haie de Douarnp.nez, dont j'avais fait
une étude parliculièl'e, et dans l'un desquels j'avais pl'atiqué
des fouilles assez fructueus_ es au mois de septembre 1869 (1).
L'Oppidum de VOl'ganium occupe à l'entrée de l'Aber·Wrac'h,
sur la riv(~ droite tle cette rivière, en la commune de Plon­
guerueau, un promontoire on presqu'île, qui dépend du village
dll Run, (2) el qui s'avance ,dans lil mer, ellLI'l~ le pOI't Malo.
élU nord, et la petite anse de Porz-C,'éach, marquée Anse de
Kervenny sur la eal'te de l'état-major, au sud. Lorsque l'on se
dirige du village du Hun vel's celte presqn'île, le terrain
s'abaisse insensiblement jusqu'à l'isthme qui l'elie l'Oppidum
au continent. On remarque dans celle partie basse les subs- '
lrur.liolls de deux murailles construites en pierTes sèches, et
de l'épaisseur' d'un mètre environ, qui coupent l'isthme dans
toute sa largelll'. Les c\ôlUI'es de tous les champs voisins ont
été failes avec des pierres pl'ovenant de ces murailles. A ces
remparts sont adossées, à l'intérieUl', deux constl'Uctions
eal'fé~s, qui éraient évidemment des tours, t\ partir de ce
. point, le sol monte d'abord en pente douce, et l'on aperçoit
çà eL là, (p.s subslructions de petites enceintes de fOI'me reetan ~
gulaire, puis le terrain s'élève bl'usqllement,et vel's le milieu de
sa déclivité, se Qresse un énorme retr'anchement couvel't de
gazon, qui coupe la presqu'île dans toute sa largeUl' eri
décrivant une courbe du nord au sud. Dans l'épaisseur de ce
retranchement sont creusées de petites toms carrées dont le
revêtement intérieur est formé pal' une maçonnerie sèche.
Deul de ces tou rs sont maintenant visibles; mais je suis pel'·
suadé que des fouilles en fel'aienl découvrit' un plus grand
llombl'e, ' '
Au-delà de ce ,'etranchemenl s'élend un plateau donlle point
culminant est occupé pal' une éminence factice qui ressemble
à un tuulllius recouvrant une allée couvel'le, mais qui a prut-

de Quimper. Voir mon Mémoire sur les Oppidums du Finistère, u au
Congrès de l'Association bretonne tenu à Quimper, en septembre 1873.

(2) Ce mot signifie c( éminence, élévation )), Il est souvent ap liqué à
des tumulus, et à des mottes féodales. Il sert aussi à désigner es émi-
nences ,naturelles. .

être été· formé par les l'uines de l'hab.itatiol.l principale ou tlu
donjon de la forteresse. Des rochers m3cces.slbles eol une mer
toujolll's agité~ entourent la plus grande partie de la presqu'île.
Des croix de fer scellées dans le roc marquent les endroits
où des pêchp.urs imprudents ont été enlevés par fies lames
de fond. Du sommet de la torteres.se .le regard s'.étend au loi~
SUI' la Manche, el la vue dont on JOUIt de ce pOlllt est aflnll-
l'able.
Je suis loin de prétendre que ]a ville de Vorganium (ut res­
treinte aux limites de l'Oppidum que je viens d'essayel' de dé­
crire (t). Je .sui~. très-porté à. cl'oil:e, au cont.'ai~p" que la
capitale des OSlsmll se composaIt de 1 ensemble des Jlot" et des
promontoires on presqu'îles qui sont si nombreux à l'embou­
chure de l'Aber-~Trac'h! ft jt' ne puis à'ce propos, m'empêchel'
de fail'e ressortir l'analogie qui existe entre la siluation
topogl'aphique de Vorganillm, el celle de Dal'iol'igum, capitale
des Veneli, que je considère aussi comme formée de l'ensemble
des petites forteresses disséminées dans les îles el dans les
presqu'îles du Morbihan, Cette analogie ,esl sm'tout fr'appanle
quand on comp:u'e SUI' la carle ùe l'état-majo/', l'embouchure
de l'Aber-'V.'ac'h au golfe du Morbihan. Les Commentaires
de César (2) nous ont appris quels alanlages les Gaulois
savaient tirel' de celle disposition des lieux, et l'on doit sup­
poser qu'ils ne la Ilégligeai(~nl jamais.
Aux circon~tances locales que je viens de signalel' el qui
avaient sans doute déterminé les Osismii à èlablil' leur capi­
tale à l'embouchure de l'Aber-"Vrac'h, venaient se joindre
d'aull'es avantages non moins appréciables. Le port Malo, qui
borde au nOl'd la forteresse. pouvait rece,·oir un grand nombl'e
de navires. (;n vieillard que je rencontrai SUI' les lieux 100's de
mon expIOl'ation, me dit qlJ'il se souvenait d'aloÎl' vu pendant
les guerres du premiel' empire, un convoi de plus de cent
navires mouillé dans ce port. L'alise de Porz· Creac'h ou de
Kervenny, au sud de la fOlteresse peut aussi donner asile à
quelques bateaux. Enfin plus aVclnt dans la rÏ\·ière, le pOI'l de

(1) M. Pihoret, prêfet du Finistère a promis à la Société archéolo­

ique de ce département de faire lever pal' un agent.voyer les plans
e l'oppidum de Vorganium et des autres forteresses gauloises décrites
dans mon Mémoire cité plus haut.
. (2) De bello gallico Ill. Hl

un abl'i SÛt' à une nombreuse
r Aber·Wt'ac'h pouvait offrit'
floue gauloise (1).
L'Oppidum de VOt'ganium est appelé da ns le pays. Castell­
Ac'h (Chàteau d'Ac'h). Ce nom n'est marqué s~tr aucune
carle. La pointe où il est siLué se hifurque en deux branches
iné~ales, dont la plus coul'te, porte le nom de Coz-Castell­
Ac'h (château d'Ac'h ruiné) (2). Quelle est l'origine de ce
nom? C'est ce que je vais essayer d'expliquer. .
L'évêché de Léon était divisé avant 1790, en (l'ois arcbidia­
conés : 1 c L'archidiaconé de Léon, cc.mpl'is entre la rivière de
MOI'laix à l'est,. el la ri vièl'e la Flèche . à l'ouest; 2° celui
ou (l'Ack, borné à l'est par l' Aber- Wl'ac'h, au nord et
d'Ac'h
à l'ouest pal' la mer, au sud par la riviére de Landerneau;
3° enfin celui de Quemenel· l1i, pal' cOl'I'uplion Quimini­
dili, compris entre I(>s deux autres archidiacoués. ~Mais de
ces trois subdivisions les deux premières seules me paraissent
très-anciennes. Elles sont mentionnées dans la vie de saint
Paul Aurélien, premier évêque de Léon, sous les noms de
Pagus Leonensis et de Pagus Achmensis. La ll'oisième, le
Qllemenel-lii qu i signifie Commendatio-Ili (3) n'est désignée
nulle pal't avec la dénominalion de PagllS, el doit avoÏl' été
fùrmée .) à une époque reculée du moyen -àge, aux dépens du
len'ÏloÏ!'e du Pagus Achmensis (4). L'Oppidum de Vorga-

( 1) Je suis très-porté à voir dans la rivière Aber-Wrac'h le
Tetus flttvius (Teti fluvii ostia) que Ptolemée, dans sa Description
des Gaules, mentionne après le Gobœum Promontorium el le Statio­
canus portus.
(2) L'adjectif breton Coz placé après un substantif signifie vieux.
Placé devant un substantif il a le sens de (t ruiné, en mauvais état, de
mauvaise qualité.
(3) « lli )) est un nom d'ho mme ..
(4) C'est aussi le sentiment de M. de la Borderie qui après avoir
rapporté la donation faite par Childebert à Saint-Paul-Aurélien des
pagi Achmensis et Leonensis, s'exprime aillsi:
« Les pays d'Ach et de Léon, cités dans les actes de saint Paul
comme composant le diocèse attribué à ce saint par Childebert, sont
donc deux pagi minores, deux subdivisions du comte de Léon_ On ne
deux subdivisions ne comprissent alors tout le
peut douter que ces
comté; car il s.erait absurde de supposer que le territ.oire de Quéménet­
et l.éon n'eut pas toujours fait partie du même
Ili interposé entre Ach
diocèse que ces deux cantons. Il est bien plus naturel de croire que le
Quemenet-Ili était compris à cette époque dans l'un des deux autres,
dont il ne fut détaché · qu'un peu plus tard. Il Annuaire historique de
Bretagne pour 1862, p. 141-142.

nium aurait donc fait partie dans le pl'incipe de ce dernier
Pa.qus, et lui aurait emprunté son nom (Castell-Ac'h : ; Cas­
tellum-Ac' hmense).
J'ai émis ailleur's (1) l'opinion que le mot Ac'hmensis, avec
l'aspiration du c'h pouvail être un équivalelllde Axmensis qui
diffère bien peu de Oxmensis eL de Oximensis. Si celte opinion
était acceptée, Ip. n,mil de Castell-,Ac· h pourrait, se tradui~e
pal' Castellum Oxzmense; on aurait alors les éqUivalents SUI­
liants : Castellum Oximense, Castel/um Oxmense, CastelJum
Axmense, Castt'llum Ac'hmense, Caslellum Ac'hm, Castel/um
Ach; et celle forteresse aurait ainsi bal'dé jusqu'à nos jOUl'S,
la lI'ace du nom du peuple dont elle était la capitale, à
l'époque de l'indépendance gauloise} litre qu'elle conserva
pendanL la durée de l'occupatioQ romaine (2).
. Bien que les ruines gallo-romaines considérables que j'ai
signalées plus haut, el qui étaient traver'sées par la voie de
Carhaix à la pointe de Castell-Ac'h, témoignent de l'impor­
lance de celte voie, et pal' suite de l'imporlanCt! du point où
elle aboulissait, IfS Romains n'onL laissé dans l'Oppidum de
Vorganiurn, aucune trace de leur pa"~ag('. Mais on tl'ouve surla
pointe de Saint-Cava, qui n'esl séparée de celte de Castell­
Ac'h. que par la pelite anse de Kerrenny, où la voie vil'nL se
termille!', des tuiles à rebord qui ne permellent pas de
douter qu'il n'y ail eu là ulle ou plusieUl's constructions ro­
maines. C'élait trés-pl'obablement le poste militaire qui figure
~ous le nom d' Osismii, au nombr(~ des cantonnements mal'Ï-
limes cités dans la Notice des dignités de l'empire (3).
Quelques pel'sollnes onL prétendu que le cantonnement ma­
ritime d' Osismii était établi à Brest se fondant sur ce fait,
que, daus la vie de Sainl-Gouezllou. celle ville esl appelée
civitas Occismorum, el que celle de Sainl-Tugdual lui donne

(1 · Noms propres bretons commençant par Ab ou Ap. ' Revue

Celtique, vol.
(2) Il est peut être utile de faire observer que c'est aux habitants
du pagus Ac'hmensis que s'applique le plus souvent le nom d'Osi.mii
dans les anciennes Vies des Saints Bretons. Voir la Vie de 5aint-Govez­
nou et celle de Saint-Tugdual, eitée par A. de la Borderie, dans son
Annuaire historiq'ue de Bretagne pour 1362, p. 28.
(3) « Prefectus militum Maurorum Osismiacorum, Osismiis,» -­
Ces Maures étaient des soldats d'Afrique enrolés dans l'armée romaine.
1840, on découvrit dans un tombeau, en la commune de Plou­
Vers
gonven, près Morlaix, (Finistèm), dnq petites figurines égyptiennes en
peut être les dieux d'un de ces soldats. Trois de ces
terre. C'étaient
figul'inesJsont au Musée archéologique de Quimper.
soc. ARCHÉOL. DlJ FINISTÈRE •

le nom de Urbs Ocismi. Je ne puig pas admelll'e cette
de voir; car si la ville de Brest, qui a
manière
toujours gardé son imporlallce depuis l'occupation romaine
jusqu'à nos jours, avait rèellement échangé son nom de
Brivates pattus contre celui du peuple dont elle dépendait, elle
Rennes, Nantes et Vannes, COIl­
aurait cel'tainement, comme
servé dans son lIom model'l1e, quelque tl'ace de son nom
d'emprunt. 01" il n'y a aucun rapport entl'e Osismii 1'1 Bl'est
dont l'élymologie ne peut guè['e s'explique!' que par le B1'iva­
tes partus de Ptolémée. D'un autre côté, il ne faut pas pel'dre
vue qu'à l'époque où fUl'ent .ecrites les vies de ces deux
et même à la date des faits qui y sont relatés, et que
saints.
l'on suppose être le milieu du Vle Siècle, la capitale des
Osismii avait cessé d'exister depuis longtemps, et que Bl'est '
étaiL a'lors la seule ville de l'ancien tel'ritoi/'e de ce peuple,
qui eût conservé une importance réelle (1). On pouvait donc
avec raison l'appelel' à celle époque Civitas ou Urbs Occismo­

rum, el on n~ saUl'ail conclure de ces appellations que le can­
tonnement maritime d' Osismii était la ville de Bresl.
Je persist~ donc à croil'e que Vorganillm et le poste romain
s'éleva dans son voisinage restèrent de nom, sinon de rail
qui
capitale des Osismii, pendaul toute la durée de l'occu­
J'ai essayé d'établi,' plus haul qu'elle avait
pation romaine.
délllS son nom actuel de Castell-Ac'h, quelques traces
consel'vé,
nom de ce peuple, Si je me suis trompé. la disparition du
nom d'Osismii s'expliquera facilement pal' la ruille complète
de l'Oppidum gaulois et du posle l'ornain qui
el définitive
devait le détendre coutre les pil'ates du nord. Aucun élabl is­
semenl ne s'est élevé sur ces ruines pOUl' r'appèlel' le souHnÏl'
de leur' importance passée.
On en lrOllVel'3it peut êll'e, cepe"ndanl, une fa ible reminis~
cencp. dans une tradition qui a COUI'S dans la commune de Plou­
guerneau, et d'après laquelle une grande ville alll'ail autre­
fois existé non snr l'emplacement de l'Oppidum de Vorga­
nium, mais à une petite distance au nord, slIr un plateau
de rochers appelé Lézent dans la carte de l'Etal-major (2).

(1) On remarque encore dans le clüteau d\1 Bl'0st des restes impor-
à l'époque gallo-romaine, '
tants de constructions qui remontent
(2) D'après une tradition analogue l'app ortée par M, de Kerdanet dans
Vies des Saints de la Bretagne Armorique, par Albert
son édition des
32, une grande ville nommée Tolente ou
le Grand, de Morlaix. page
(( à l'entrée da la baie àes Anges, sur la rive
Talenche aurait existé
à l'opposite du fort Cezou, » Il s'autorise en
droite de l'Abcr-Wl'ae'h)
l'éipllortant cette tradition, des « Grandes Cronicques de Bretaigne » par
Alam Bouchard, et de la vie de Saint-Rioe, d'Albert le Grand, Ces deux

VII.

Dans l'arlicle que j'~i p~blié sur la découverte de V ~rga- -
nium, dans le nllmél'~ d avril 1873 tle I.a Revue arch~ol~f!zque,
j'avançais que l'identIté entre la caplta]e des OszsmH et la
ville de Carhaix acceplée, avant celle. 9écouverle par tous les
géoCfl'aphes et les archéologues, avaIt Jelé une gl'ande con fu- .
sj~rÎ~ dans la géographie déjà si obscure de la parlie de la
Ille Lyonnaise, qui co..,.espond à la péninsule brdonne. J'a­
joutais que pal' suite de cette en'eur, et en confondant Vor-
ium de la table de Peutingel' avec Vorganium, on donnait .
~ne fatlsse direction à la l'oie marquée sur cette carle enlre
Portu Namnetu el Gesocribate ·, eu la faisant passel' par
Carhaix. ' .
M. Ernest Desjardins, dans une note intitulée Vorgium el
Vorganium, insérée dans le numéro de mai 1873 de ]a même
Revue, me fait obsenel' qu'il a échappé à la confusion signa­
lée pal' moi, el que dans ses travaux sur la Géog.raphie de la
Gaule, il n'a pas identifié Vorganium avec Carhaix, ni con­
fondu le Vorga>Jium de Plolémée avec le Vorgium de la
Table de Peutinge1'. Il est clair que mon assel'Iion était trup
absolue, ft qu'au lieu de meUre en call~e tous les géogl'aJ.,lhes,
j'aurais dû n'atlr'ibuel' celle confusion qu'à la plupalt d'enlre
eux. Mon t'xcuse esl dans ce fait que .dans J'ancien pays des
Osismii el des Veneti les beaux tl'avaux de M. Desjardins ne
sont guère connus que de réputation. Pour mon compte, à
l'époque où parut ma note sur Vorganium, je n'avais pas en­
COI'e eu la bonne forlune de lesconsultel'. J'ajol:Jlerai que cet
fut rédigé en grande hàle, mon but en le publiant
al'licle
étant uniquement de prendre dale de ma découverte. L'expé­

rience m'a pl'ouvé depuis que celte · précaution n'élail pas
illUli le. .
. Cet incident m'amène tout natur'ellement à · pader de la si­
luation de Vorgium et du tracé de la voie de Portu Namnetu à
Gesocribate, marquée dans la Table de Peutinger.

auteurs parlent bien d'une ville dc Tolente qui fut détruite a Une
époque très reculé, mais ils ne disent pas où elle était située, D'après
M. de de Kerdanet, il y aurait à l'embouchure de l'Aber~
]e même
Wrac'h, sur la rive droite, pres d'un îlot, nommé Enez Bent, un
Toul-Hent. L'He Bent figure eu effet sur plusieurs cartes,
canal nommé
notamment sur la carte du Finistèr'e publiée par ordre de l'Assemblée
1790, mais le canal de Toul-B ent n'y est pas marqué.
nationale en
Comme le plateau indiqué sous le nom de Lezent LI ans . la carte de
de l'île Rent, qui n'y figure pas, il faut
l'Etat-major si trouve tout près
d'Enez-Bent, au lieu de plateau de Leze'llt.
probablement lire plateau

Ju~qu'à ces derniers temps, deux opinions étaient en pré­
sence sur celte importante question de géographie. L'une
déjà ancienne, plaçait la ville de Vorgium à Car'haix et faisait
naturellement passer pal' celle localité la vùie de Porttt Nam­
à Gesocribate. Celte opinion, qui est celle de d'Anville, a
netu
été soutenue pal' M. Bizeul, et plus récemment par M. El'nesl
Desjardins.
La seconde opinion, dont la priorité revient, si je ne me
trompe, à M. le baron de Walkenaër, identifiait Vorgium
avec COnC3l'11eau. Ses pal~lisans au lieu de dÏl'iger dans l'in­
térielll' du pays la voie marquée Slll' la Table de Peutinge1', lui
faisaient suivre le lilloral de Vannes à Brest, en passanl pal'
Hennebont, où ils plaçaient la stalion intermédiaire de Sulim,
par ConCal'Oeall, Quimper, Châleauliu, I.e Faou el Landel'­
neau. Je dois déclarel' qu'en l'absence de preuves suffisanl es
pour justifiel' l'identification de Vorgium avec Carhaix, je
m'étais rangé à celle dernièl'e opinion, tout en hésitant entre
Concarne:w el Quimper'. Ce sy,:,tème était très·solllenable el
à mon avis aussi ,'ationnel que le premiel', si . J'on tenait
compte: t 0 des distances marquées dans la Table, cOllsidéra­
lion Il'ès-importante comme on le ven'a plus loin; 2° de
l'existence d'une voie allant de Vannes à Bt'est par Quimper,

aVt'C embl'a[)chl~ment sur Concat'neau; 3 des voies nombreu­
ses traversanl Quimper; 4° el enfin des impol'lants vestiges
de l'occupation romaine exiSlallt dans cette dânière ville et
aux environs dans un rayon de plusieurs lieues.
Tel était l'élat de la queslion, IOI'squ'au mois de septt>mbre
1873. M. le commandant Mowat communiqua ail Congl'ès de
l'Association bretonne réuni à Quimper, un mémoire ilitiLulé:
Signalement de l'inscription romaine inédite de Maël-Carhaix,
etétermination de la . station antique de Vorgium, lIG1' M. le

commandant Mowat. Quatre mois plus lard, ce mémoire fut
reproduit pat son auleUl', avec quelql1es modifications, dans le
numéro de janvirl' 1874 de la Revue archéologique, sous le
litl'e su ivant : Etude de géohraphie ancienne. La station de
VOl'gi'um déterminée au moyen de l'inscription inédite de Maël­
Carhaix (Côtes-du-Nord) (1). Da/)s ce tl'al'ail, M. Mowal an­
nonçait qu'il a .... ait lu dans la sixième ligne de celte inscl'Îp­
lion le mol el le chiffre VORG VI qu'il traduisait par' Vorgium
Le mot leugœ, d'après lui, était sous ·entelldu. Un dessin
sex.

(1) Maël-Carhaix est un chef-lieu de canton faisant partie de l'ar­
rondissement de Guingamp (Côtes-du-Nord), et situé à t t kilomètres
environ à l'est de Carhaix, et à 6 kilomètres de la limite du départe­
ment du Finistère.

fie la borne, ' où la plac~ q.lI'ûcclIpaient le n:~t el le c.hiffh~
VORG Vl était bien IndIquée, accompagllall le trav:tll de
M. Mowat. . . .
Certes après la publtcatlOl1 de ces deux mémoires, on de-
vait S\lp'pOSel' que le problème de la sjtuati~n de Vo!,gium ét,ait
définitivement résolu. On ven3. par ce qUI va sUIvre, <.(U en
l'éalité la question n'avait pas fail un pas. _ Mais avant de
m'occuper de l'i nscription de la borne Ide Maël-Carhaix, que
l'on me permette de relevel' certaines asstrtions, à mon avis
hasardées. qui ~ont du domaine de la philologie et que je
les deux articles de M. Mowat. Je me bornerai
remarque dans
à citer celui qui a paru dans la Revue Archéologique.
Dans un travail détaillé slIr la découverte de VOI'gallium?
publié au mois de mars 1873 da liS le journal Le Finistère,
travail que j'adressai à M. Mowat, Je mexprimais ainsi
à propos de l'étymologie du nom de la capitale des Osismii :
« Le mot Morgan signifie en gallois le bord de la mer. Aucune
« dénomination ne pouvait cerles mieux convenil' à Vorga-
, « niuHi, placé comm~ une sentinelle avancée à l'exlrême
« pointe de l'Armorique entre la Manche et l'Océan. » J'ai
toujours eu pour principe de considérrr comme borine l'étymo­
logie d'un nom de lieu, quant celte élymologie s'e~pliqlle par
la position topographique de cette localité. En ce qui con ~
cerne l'étymologie du nom de VOl'ganium, je n'élais pas seul
de mon avis. cat' je lis dans la note de -M. E. Desajrdios sur
V orgium et VOI'ganium: « Mais le nom de Vorganium peut
« êlre J'appl'oché du l'adical rnorgan, vorgan, celtique, qui
« signifie marilime » (1).
Cette étymologie n'esl pàs du gOÙl de M. le commandan L
Mowat, el voici par quel raisOnnemf'flt il essaie de la reruler:
« On s'est demandé quelle est l',~tymologie des mots Vo/'gium,
« Vor&anium, et on a même songé à en tirer des arguments
« en faveur de la posilion géographique aLtribur.e à l'une ou
(t à l'autre de ces localiléa; mais je ne , salll'ais approuver'
« l'assimilalion de vorgan au breton morgan« mat'itime ) tant
(f que la permutation du v gaulois en m breton ne sera pas
« justifiée» (2). .
.Je prendrai la liberté de faire observe.' à M. le comman­
dant Mowat qu'il ne peut êlre ici question , du changemellt du
v gaulois en m, mais bien de la pel'mulation de l'm en v, per­
mulation très-naturelle qui existe dans lous les dirilecles cel­
Iique~. Prenant pOUl' exemple le mot Morgat, nom d'un pelit
(1) Hevlle Archéologique, mai 1SH, 'p. 315.
(2) Revue Archéologique, janvier 1874, p. 5.

port de la baie de OouaJ'Oenez, qui ressemble beaucoup an
mol Morgan, si je veux trarlllil'e en breton la phrase aller à
Morgat, il me falldl'a dire mont da Yorgat et non pas mont
da Morgat. Il est inutile de multiplier les exemples. Celte
règle de permutation de l'm en v est bien connue de t.ous les
celtisles. ·Je suis surpris que M. Mowat qui cile Zel1ss el la'
Grammatica celtica n'ait pas remarqué que Morgan figure dans
l'inscription de {{er'scao sous la forme Vorgan, au même litre
que Borgium figur'e sous la form e Vorgium (1) dans la Table
de Peutinger. Dans l'un el l'autre de c~s mols la pel'mutation
des initiales m el b en v est accomplie.
Mais cellA objrctiOIl n'est pas la seule que produit M. Mowal
à l'appui de sa thèse contre l'étymologie de Vorganium, pro­
posée par M. Desjardin~ et par moi. Voulant diminuer autant
que possible l'importance de la capitale des Osismi, el en
taire, comme on disait aUlrefois, une fillette de Vorgium,
M. Mowat après avoir établi que Vorg signifie « un lieu fOI'­
lifié b, opinion que je partage entièremenl, s'exprime ainsi:
CIl POlir ma parl je constate que les deux noms de lieu l'ell­
c fermeut l'n commun le radical vorg, el en outre que Vm'ga­
« nium est un si.mple dérivé de Vorgium; le fondateur de la
« philologie celtique Zeuss, a même démontré que le suffixe
« an a le sens diminutif, en sorte que Vorganium signifierait
« au propre fi petit Vorgium (2). »
II y. a si je me trompe. deux inexactiludes dans ces cinq
lignes et je vais essaye l' de le démontrer. Je n'ignore pas que
le suffixe an indique quelquefois un diminutif dans les dialectes

celtiques. Ainsi en breton laouen signifie « joyeux », et la­
ouenan « petit joyeux ). C'est le nom du roitelet. De même
en gallois, du mol dyn qui signifie « une personne» (homme
ou temme), est venu dynan une ct petite femme. Mais il n'est
pas, que je sache, venll à l'esprit de pel'sonne de prétendre.
que tous les mots celtiques tel'minés pal' la syllabe an sont des

(1) Bwrch, « a rampart, » « a wall. » Owen Pughe's Welsh and
Eng. Dict. Bourc'h, f( bourg» ; ar Vourc'h, « le bourg." Lego­
nidec, Dict. breton-français. Dans son manuel de tactique De re
militari Végèce nous apprend que les soldats romains appelaient burgus
(bourg) un ouvrage fortifié (Castellum parvum quod burgum vocant).
C'est le mêQle mot que l'allemand Burg. » A. Brachet, Grammaire
historique de la langue française, p. 2(. Il est bon de faire l'emat'­
que Caerez, non actuel de Carhaix, signifie en ancien breton
quel'
« un heu fortifié », et que dans le titre de fondation du prieuré de
Saint-Nicolas faite en t 108 en faveur de l'abbaye de Redon, par Tanki,
de Poher, Carhaix est appelé « Castellum », Caerez et Castel­
vicomte
lum semblent être des traductions de Yorgium.

(2) Revue Archéologique, janvier 1872, p. 6.

diminutifs. Il importe .. d'ai\leul? de ne jamais c?llfondl'e les
, moiS composés avec les mots simples. AU~IlI~ ce~tlsle ne son­
gera à l'oir dans.le m?l,Morvran un dlITlInullf, parce que
Morvran qui signifie hlleralernent Cl corbeau de .~er J) est
de mol' « mer» et. de bran en compOSItIOn vran
composé
« corbeau ». Il en esl de me,me du mot Morvan (Mol'-man)
nom d'homme très· répandu en Br'Plagne. Morgan est de même
Morvran et .Morvan Ull mol c~".Iposé formé de mor « ~lel')
que
et de can ou cant, en compOSitIOn gan ou gant (lUI, en
aallois signifie «( bord il (1). Il n'y a donc pas lieu d'y cher­
~her le radical Vorg, ni le suffixe an ayanl le sens diminutif.
Je reviens f1l'inscriplion de la borne de Màël-Carhaix. Voici
en quels tf'rme~ M. le commalldant Mowal rend compte de
sa découverte: '
« Enfin il la sixième ligne la plus nelle de Ioules, on voit un
«( V, el à onze centimètres plu& loin, no G suivi des carac­
« lères VI, apr'ès lesqllels un point. Dans l'intervalle qui,sé­
(c pare le V initial el le G, apparaît confu!<ément \ln 0, ou
« peut-êlreles lettres 0 R en mOllogramme, cal' il y a
Il plus que la place nécessaire pour une seule lettre, mais pas
« assez pOUl' deux lellres séparées. »
Après avoit' déclaré que, da ns l'état actuel des choses, il ne
peut songel' à proposer' une reslitution des cinq premières
lignes? M. Mowat continue aiusi : « Quant à la sixième
a ligne, je crois être plus heureux, etc'esllà le point essentiel. •
« En effet, celli~ ligne placée en vedelle 311-dessou!; de l'ins­
« cl'iplion se présenle avec \a concision caractéristique de la
« forrnule itinéraire habituelle, composée inval'Ïabl~ment de
« deux termes: en premier lieu, le nom de la station à pal'­
« tir de laquelle est comptée la distance; en second lieu,
« le chiffre indiquant le nombre d'unités de longueur mesu­
(1 rées entre cette station et la borne. Je ne ,"ois que le nom
«de Vorgium qui convienne au commencement de noire

(1) Cette étymologie ' est celle qui est donnée par Owen Pughe,
Wel,h and Eng. Dict. verb. jJllorgant et Cant Je verrais plus volon­
Morgan les mots Mor «( ,mer» et gan radical de gana
tiers dans
ct engendrer» I( enfantel' » « naître ». Voir Legonidec Dict. bret.-Iranç .
verb. genel. Le père Grégoire de Rostrenen dans son Dict. français-
. breton, traduit (( SYI"èoe)) par mary-rnorgan, qui signifie littéralement
(( Marie-la-Marine n. Morgan est un nom d'homme très-répandu
, dans le pays de Galles; et la meilleure preuve que les ancieus
. Gallois y attachaient le sellS de «( maritime », c'est ce que le fameux
Pélage, qui vivait au IVe siècle et
hérésiarque connu sous le nom de
lIIorgan, voulant changer son nom l'avait tra­
qui s'appelait en réalité
par le mot Pelagos. Ce fait seul serait concluant en faveur
duit en grec
l'étymologie que .le propose pour le mot Morgan.

« sixième ligne, el celle station Ile saul'aiL être placée ailleUl's
« ql1'à· Carhaix, ainsi que nous allolls le voir. Je n'hésite
« donc pas à 1 i l'e :
v ... G VI .. V (Olt) G (io) (leugae) VI, c'esl-à-dil'e sex. »
M. Mowat ajoute que dans la sixième ligne de l'inscription
de la borne de Maël-Carhaix, l~ mot leugae doit être sous
le nombre VI, et il établit par des exemples,
entendu avant
ce mot manque quelques fois dans les inscriptions itiné
que
raires de la Gaule Aquitaine.
VIII.' .
Malgré les affirmations de M. Mowat, et maJgl'é le dessin
son tl'arail el dans lequel les cal'aclèr'ps
qui accompagne
VORG VI sont reproduits d'une manière Il'ès-apparente, je Ile
pus après la leclure de son tl'avail acceptel' sans ré~erves ses
conclusions, et le mauvais étal de ma santé fut le seul mot if
. qui m'empêcha de me rendre immédiatement à Maël-Carhaix
pOlir éclaircir mes doutes. Il y a un mois la Commission de
la topographie des Gaules m'ayant prié de lui fournir des l'en­
• les cal'actè.'cs qui pouvaienl se trouver
seignements exacts sur
le V et le G du mot VORG relevé par M Mowat. je pl'Ïs
enll'e
du papiel', du plâtre, de la terre à model~I', el , des outils de
plâtrier, et je me rendis à Maël· Carhaix. Comme ma visite
avait en quelque sorte un caraclère d'enquête, je priai lie
m'accompagneJ' dans mou exploration, deux de mes amis
M. Gaubert, de Cal'haïx, membre du Conseil général. et
M. Audran, ancien maire de Quimperlé, tous deux membres
de la Société archéologique du Finistère, et tous deux zélés
nos antiquités.
pour l'étude de
Le 3 août 1874 nOl'S étions en présence de la bome, et ce
fuI pas sans étonnrmenl que dans la sixième ligne de l'ins·
cription, dans l'endroit où M. Je commandant Mowat avait lu
VORG VI, nous lûmes très-distinctement LEVG VI. Il n'était
pas possible de lire autre chose. Aucune leUre n'élait apparente
à gauche du mot LEVG. Je cnJS donc que le nom de la ville
(et celle ville devait être Carhaix) pouvait se trouver dans la
cinquième ligne qui est ravant del'nièl'e de l'inscription. Dans
pensée je pl'Ïs un moulage en plâtre des deux dernières
cette
Mais en étudiant mes moulages, chez moi quelques
lignes.
jours apl'ès. je vis que je m'étais trompé quant à la place '

occllpée pal' le nom ~.e la ,ville. En effet il me ful tactle de
rétablir ainsi la cillqUleme ligne:
TRIBVN POTESTATE .....
Les dernières lettres sont cachées par le mUt' du cimetière
auquel la borne est adossée .
le. portais alors . toute mou attention SUl' le moulage que
j'a~ais fail de la dernièl'e ligne de l'inscription, et j'cus la
satisfaction de découvrir il gauche du mot LEVG la lettre G
ou C plus frusle, il est nai, que les lettres du mot LEVG,
mais' cependant encore 3.ssez distincte. Il était évident pour
moi que celte lettre entrait dans la composition du nom de la
ville, mais était-elle isolée? ou bien étail -elle précédée d'une
ou de plusieul's autres lelll'es? Ne pouvant l'elOUl'llel' sur le
champ à Moël-Cal'haix, el désireux cependaill de sortir de
l'incertitude où je me trouvais, je priai M. Gaubert, qui avait
assisté à mes operations de moulage, de- me faire moule!' la

bome SUI' lwe largeur de tl'ente-einq centimètl'es à gauche du
mol LEVG. M. Gaubel'l m'expédia promptement ce monlage
en exprimant le VŒU qu'il pût m'être de quelqu'utililé. Après
qudques minules d'examen je n'ells aLlCJlne veine à rétablir de
la manièl'e suivante la dernière ligne de l'inscl'iption :
A vonG LEVG VI
C'est-à-dire: Ct VOfgio leugae sex .
Les Jellres du mot VORG quoique plus fI'ustes' que celles qui
les suivent sont largement tracées el bien distinctes. Aucune
d'elles Ile peul donner lieu à la moindl'e hésilation. 11 n'existe
enlre ces lelll'CS allcune liaison.
Ainsi donc Cal'haix est bien V01'gium. Mais singulier
caprice du 501'1 ! M. le commandant Mowat, dans l'ardeur' de
sa conviction, voit le nom de Vorgium là où il n'existe pas,
et c'est à moi sceptique, qui plaçais Vorgium à Quimper' ou
à Concarneau , qu'il est réservé de découvrir' le secret de la
borne de Maël-Carhaix!
On peut se rendre aisément compte de la présence de ce
milliaire près du cimetière de cette paroisse. Voici comment
nous nous l'expliquions mes amis el moi, en revenant de
noll'e exploration du 3 août:
A une époque ancienne, peut· être an VIlle au IXe on au
Xl' siècle, il él~it d'usage en Basse-Bretagne, comme en
Ecossp., en Irlande, dans le Pays de Galles el dUtlS' la Cor·

nOllaille anglaise, de mal'quer la sépulture des personnage~
impot'Iants par une longue piel'l'e planlée ayant la forme
d'une pyramid~ ou d'un cône tl'onqllé. Cas piel'l'es étaient
souvent cauuelécs de haut en bas dans lOllt leur pourtour',
Elles étaient quelquefois sUl'monlées d'une c/'oix de pierre . .
Souvent aussi une cl'oix pattée élail gravée en creux SUI' une
de hWl's faces. Ral'èment, en Br'etaglle surtout, elles pOI'­
laient une inscl'Ïptioll qui faisait connaît/'e le \1001 du défunt.
Le département du, Morbihan possède que!qllf's-unes de ces
inscriptions qui sont fort itlteres~anles. On désigne actuel­
lement ces pielTes en Brelagne sàbs le nom de Lec'hs (1).
Elles sont excessivement nombreuses pl'incipalement dans
Finistél'e el dans le Morbihan, A une époque ancienne un pel'­
sOllnag~ marquant de la paroisse de Maël-Cal'haix étant mort,
on Irouva tout simplE" de placel' sur sa sépulLul'e une bome
milliair'e plantée snI' la voie de Carhaix à Corseul, à un Oll
deux kilomètres au nord du bourg. C'était un lec'h lout lI'ollvé
qui n'exigeait aucun tl'i.\vail. Mais pOUl' qu'on ne PÛl sup­
poser que . Ie per'sonnage dont il marquait la sépulture était
l'empereur dont le nom était gravé SUI' la pierre, on prit ]a
precaution de la martelel' au moyen d'uo marteau tranchant
qui a défiguré lin grand nombre de leUres. Cette opération a

été faile avec un ,·él'itable acharnement. M. Audf'an
a remarqué au sommet de la borne un trou destiné à recevoir
une croix de pierre. la plupart de nos bornes '''o·maines ont
être employées comme Lec'hs, lorsqu'elles n'ont pas été

transformées en auges, en lillteaux de portes ou en m(t­

cadam
La borne de Maël-Cal'h~ix ne forme pas une colonne par­
faitemeuL cylindrique comme le dit M. le commandant
Mowat. ~Oll diafllètre est, en effet, plus pelit à son sommel,
qu'à sa base.

(1) C'est bien improprement que le mot gallois Lec'h ou plut6t Llec'h,
qni signifie nne pierre plate, une pierre placée horizontalement, a été
pierre .
introduit depuis quelques années en Bretagne pour désignée une
d'un cône tronqué,
levée ayant la forme d'une pyramide ou
(2) Il Y a plus de dix; ans que la borne de Maël-Carhaix, m'avait été
Lec'h. Sa situation près d'un cimetière rendait cette
signalée comme
fort probable. Il exi~te près du bourg d'Elliant à quatre
attribut.ion
lieues de Quimper, sur le bord d'une voie qui se dirige de l'est à l'ouest,
Il ya trente ans,
une borne milliaire qui portait jadis une inscription.

. le curé d'Elliant a fait repiquer la borne pour la rendre (( plus propre.»
Au reste ces actes de vandalisme ne sont· pas rares en Bretagne. Il y
Hne btllie pierre tombale sur laquelle était sculptée
a trois ou quatre ans,
en haut-relief l'effigie d'un chevalier, et qui était destinée au Musée de
a éte fendue en deux par le recteur de Saillt-Evarzec pour en
Quimper,
poteaux de barrière •
faire des

Voici les dimensions exactes du monument:
Hauteur au-dessuS du sol .•...•.••
Circonférence au sommet .......•.

à la partie médiane .....
à 1 a base . . • . . . . . . . ... ..v
La première ligne de l'inscripton est à 0 r,5 du sommet de
la pielTe et la sixième el dernière ligne à Om 85 au-dessus du
dais qui lui sert de bas~: Q~an.t il la l'a!.nure signalée p~I'
M. Mowat, au-dessus de 1 IOsenptlOn, et qu Il suppose aVOIr'
été un trait de scie annonçant qu'on avait eommencé a
débiter le fût de la colonne, je pl'endrai la liberté de lui {'aire
observel' que ùes rainures semblables et 50lH'en L même de
profondes entailles se remarquent sur un gl'atld nombre de
Lec'hs sans qu'on puisse en donnH une explication satisfai­
sante. Auraieut-elles sel'vi il àllacher des criminels, comme à
un pilori? '
D'après les renseignements fournis à M. Gaubert par
M. Lemoine, maire de Maël-Carhaix, cette borne rxiste da ns
ce bourg depuis un temps immpmol'ial. Elle était d'abord .
à lill des angles extérielll's du cimetiél'e. Elle a été
placée
Iransféré, il y a cinq ans, au lielloù on la voit aujourd'hui.
• Dans cette opération 011 décounit le mot IOVl? gravé à la base

de la pierTe. Il est regl'eltable qu'au 1 ieu de placel' la bDl'I1e
de manière à ce que l'inscription ful tournée vers "la place d'u
bourg, on l'ait placée de côté; de sorte que les dernières
lettres des cinq prf>mières lignes sonl masquées pal' le mur du
(~imetièl'e auquel le monument est adossé.
Quoique l'in~crjption de la borne de Maël-Carhaix, soit,
comme je l'ai dit, forl mutilée, je ne désespère pas de la lire
en enlier lorsque j'aurai pu me procurer de bons estampages
de chacune des six lignes qui la eomposent. Un moulage ùe la
deuxième ligne, que M. Gaubert a bien voulu m'adresse,' sur
ma demande, m'a permis de retrouver le nom de l'empel'eur
en l'honneul' de qui ceBe colonne itinéraire a été élevée.
Voici ce que j'ai pu lire jusqu'à prèsent de l'inscription:
IMP CAESAR ......
SEPTIMIO SEVERO P .....
." ........•... : ...... (JAR .... .

. ........ PONT MA ........ .
TRIBVN POTESTATE ... ..
AVORG LEVG Vi (1) ... ..

(1) Imperatori Caesari ..... Septimio Severo pio (felici augusto)
. .... .. parthico ...... pontifici maxima tribunicia potestate ..... .
a Vorgio Zeugae sex.

C'est nonc sous le régne de Septime Sévère, c'est-à-dire
en\l'e l'an 193 el l'an 211 apl'ès J,-C. que la borne de Maël­
a été érigée, La distance de ce bourg à Ca l'haix
Carhaix
est d'envil'oll il kilomè!I'es, et celle indiquée ~llr la
borne, de 15 kilomètr'es 326 mètl'es, Mais cette différence ne
doit pas constituel' une difficulté, car nous ignorons à quel
p/'écis de la voie de Corseult; ce 010 nument était primiti­
point
vemellt placé .

La décollverte, bien 3ulhenliquc cette fois, que je viens de . .
faire de Yorgium à Carhaix, el celle que j'ai faite il y a dix­
huit mois de Yorganium à l'embouc.hur'e de l'Aberwrac'h,
coupenl court d'une manière définitive aux discussions aux­
quelles la sitllation géographique de ces deux villes gauloises
drpuis déjà longtemps. C'est bien par Carhaix
a donné lieu
que doit pa~sel' la voie de Portu-Namnetu il Gesocribate, et
Caslel-Noëc pourl'ail bien être la station intermédiaire de
Sulim. Les distances qui séparent ces deux slations de
Darioritum, concordent bien avec celles qui sont indiquées
dans fa table de Peutingej'. Mais dalls celle hypothèse la voie
qui relierait Vaullës à Caslel-Noëc, devrait à mon avis~ re­
joindre la Chaw:sée-Ahès (1) pal' la l'oule de Locmine el
non par la voie de COI'seul, comme le suppose M. Bizenl qui,
je dois le dil'e, fait des réserves à ce sujel (2).
On pourrait aussi placer la station de Sulim à Hennebont
à 20 lieues gauloises (44 kilomètres 420
qui est bien silué
mètres) de Vannes. Mais la distance de Hennebont à Carhaix
me parait un peu forle pour les 24 lieues gauloises (57\ kilo­
304 mèl res) marquées dans la table, entre Sulim et
mètres
Vorgium. Celle distance à "01 ft'oieeau 1 est en effet d~ 61 kilo-
metres.
M. Bizeul qui s'est particulièrement occupé du tracé de la
voie de Vannes à Castel-Noëc, qu'il identifie avec Sttlim.
dit qu'en quillant celle del'l1ièl'e localité, elle parait se diriger
vers la petite ville de Gur.mené, mais qu'il manque de rensei­
pOUl' la conduire de là . à Carhaix (3). Je pense
gllemenls

(1) Dans son mémoire sur les voies romaines de la Bretagne, chap
III et VIII, M. Bizeul désigne ainsi une voie qu'il décrit, sous le nom ue
Voie de Rennes à Ker-Ahès par Castel-Noifc. Cette voie qui, d'après le /
tracé qu'en donne M. Bizeul, forme dans son parcours un véritable
demi-cercle, paraît être composée de tronçons de différentes voies.
(2) Mémoire sur les voies romaines de la Bretagne p. ~·2 .
(3) Mémoire sur les voies romaines de la Bretagne, p. 85 •

que du Guémené ell~ se :dil'Ïg~a!t ver~ le village. de la Tri~lité
en Langonnet (MorbIhan), ou Il ~xlste. ~es rlll,nes l'Omall1es
assez importantes rt). Elle pas~aJl eJlSUIte pfes du bourg
de Plevin où elle ~Sl facile à l'eco nnaître el se dirigeait SUI'
Carhaix.
Mais si Carhaix est V01'gium, comme je l'ai établi, et si.
sui vanl l'opioioll de plnsi~ut's .géog:rapl1t's,. Gesocribate d,oit
être identifié avec B/'e!'l, IdentIficatIOn qUI me paraît tres­
accepLable (2) il. est impos~ihle d'admel,'re que la l'oi.e qui
pal'tait de V01'g'/;um, el Cflll. dans la 1 able de PewlIlger,
paraît se termitler à Gesocribate, vint abo.util' à ce P?int, à
moins de sl!ppo~el' une , errell!' dans le chlfYrè de la distance
marquée dans ce docllmellt entre ces deux stations. Celle
distance est Cl! !!fret de XLV lieues gauloises, soit UII peu
moins dl! 100 kilomètres. Or, mesurée sur la earte de l'élal­
majol' au moyen d'ull compas el Pll tenant compie de lonles
It's courbes, la distance enll'e Ctlrbaix et Brest' n'est qlie de
75 ki'omèlre~, soit u~e différence en moins de 25 kilomètres,
c'est-à-dire d'un quart de la dis(a nce marquée dans la Table.
Pour obtenir la distance de XLV lieues ~allloises il faud rait
prolonger la voie jusqu'au Conquet, qui devrait a lors être
identifié avec la slation ~Ie Gesocribate. Mais. comme on le
"erra plus loill, il Y a ùe grandes probabilités pour' qlle le
Conquet, ou plutôt la presqu'île de Kermonnn, soit le Stalio­
camM portus de PLoléméf'. D'un autre eÔlé, si telle avait été la
direction de la voie, on ne peul guère admettre qu'elle n'eûl
pas passé par Brest, el que le nom de cel te importante localilé
n'eut point figuré daus la Table de Peulingu.
Il y a donc en ce qui touche la dit't'Clioll de celle voie à sa
. sorlie deVorgium el le point où elle aboutissait, une diffi­
sérieuse dont la solution ne me paraÎl pas cependant
culté
impossible. Vo/ici pal' quel l'aisonnemenl je vais essayer d'en
rendre compte.
(t) Outre les ruines que l'on remarque près du presbytère de la

Trinité, et dont quelqlles débris ont été remis au Musée de Quimper,
par MM. Félix et François St:,mfol't de Gou l'in, il existe de grandes
tuile/< romaines près du bourg de Langonnet, et aux villages
uantités de
et dc Kerodrennic entre la Trinité et Langonnet.
e Menez-Bloc'h
(2) Gesocribate doit être une forme altérée de Gesobrivates qui diffère
Briouates Limen nom, sous lequel Ptolémée dans sa
bien peu de
pescr'iption des Gaules, désigne une localité ' que je n'hésite pas à
Identifier avec Brest. De Brivates est venu natul'ellement Brest par
métathèse. En dehol's de rtUe explication je ne trouve pas d'étymologie
M. E. Desjardins qui n'admet pas
rationnelle du nom de celte ville.
Cette identification, reconuaît cependant que t( la traduction en langue
Celtique des mots Briouates Limen est Gesobrivates li Céographie de
la Gaule, p. 199, . .

Et d~ab~~d, éla!lt donné la situation de yorganium, capitale ..
des ÛSlsmll. à 1 emb(,)Uchm'e de l'Aber-Wr'ac'h, n'est-il pas
rationnel d'admettre que la voie principale qui sortait de
Vorgium pal' le nord-ouest dl!vail se dirigel' ve/'s cette capitale
de préférence à tout aulre point de la cÔle P Il n'y a pas dans
le déparlemelll du Finistèl'e une seule voie romaine, dont · le
tracé puisse êll'e mieux été.lbli que celui de la voie qui J'eliait
Vorgium (Carhaix) à la pointe de Castel-Ac'h (emplacement
tle Vorganium). La distance qui sépare ces deux poinls, me­
surée avec soin il l'aide d'un compa~, sur la carle de l'Élat­
en suivant le tracé que j'ai donllé plus haul, est de
majo/',
90 kilomèlres, Il ya donc entre celle distance elles XLV lieues
gauloises qui séparent Vorgium de Gesocribate une différence
d'environ dix kilomètl'es, mais Oll s'ell rendl'a facilement
compte, si 1'011 remal'que que la voie de Carhaix à Vorganium
tl'averse toute la chaine des Monlagnl1s d'Aré~ c'est-à-dire un
pays p.xtl'êmemelll accidenlé, où les coU/'bes sont nécessairement
fort nombreuses et Ile sam'aieut être me§ul'ées exaclement SUI'
une carlp-. La distance .cnil'e Carhaix el Vorganium concorde
donc assez bien avec la disiance marql!ée dan~ la Table entre
Yorgium el Gesocribate (1). Ce premiet' point étahli, il me l'este
li expliquer' pal' suile de qup.lles circonstances Gesocribate se
trouve placé dans la Table de Peutiilger, à l'extrêmilé de la . •
de V01'giùm.
voie qui sortait
Tous ceux qui ont éludié ce documelll, ont dû remarquel'
,'ntl'e l'embouchure file la Meuse (Patabus) et celle de la
Seine le mot Veneti el plus haut, au- dessus de Gesogiaco, le
mot Osismi. Il est évident qu'Il y a eu ici une transposition
ces deux noms, et que le mot Yeneti qui est écrit en ma­
juscules comme les noms de peuples tels qtle Beturiges, Ca­
durci etc" deva il désigne.' le peu pIe de la Cilé des· VenUes et
OCCI/pel' tlne place dans le voi~illage de Dm'toritum Il ne
par'aÎl pas moins é\'ident que l'erreul' du copiste, pI par' suite
la transposition du mot Osismi, doh'ent êlre attribuées à la
ressemblance des pr'emières !\yllabes des mots Gesogiaco et
Gesocribate. A vanl celle transposition Osismi devait donc
êll'e placé au·dessus de Gesocribate. De plus comme Osism-i
est écrit, comme le lIom de Ioules les aulres villes, . en cal'ac­
millusellles ... ce mot devait anssi désigner une ville et
tèl'es

(1) Le rapport entre ces deux distances sera encore plus exact, si l'on
admet que le V du chiffre XLV est une altération du chiffre II, produite
par le rapprochement des jambages de ce dernier chiffre. Cette
sorte d'alteration est fréquente dans les manmicrits anciens. D~ms cette
. hypothèse la distanc:e en question serait de XLII lieues gauloise, soit un
peu plus de 93 kilomètres seulement.

non un peuple. 01' la seu!e ville qui ait. pOI'lé I~ Il?m
d'Osismii daps la Ille Ly,0Ollalse, ('st yorgamum . . Je saIs bIen
ce [l'est qu'au IVe slec!.e que les vlllt'~ ~e la Gaule. cel­
que
tique prirent le nom des, CJlés dont eUe.s etalp.ot les capltale~,
et que la Table de Pelllll1~e~' est antérIeure à cette ~al~. Mais
on lI'igllore pas q,ue ?e. precieux document a été. a. dlvers~s
époques, l'objr,t d addlllOl~S et de cor.l'ectlOns. Or Je COllSI­
dère comme le résultat dune. correctIOn, la pré,sence du mot
Osismi au-dessus de q-es?cnbate .. A mon aVIs Gesocribate
(Brest' était dans le pl'1I1Clpe place au-dessous de la voie,
pelll é'lre à l'exlré~iié d'lin en~bral~chemellt venant de V01'­
qium ou de Darto1'1,tum. Par' sUIte d IIlle t'rl'eUI' de Iranscrip·
iion, ce mul fnl substitué à celui de Vorganium qui, se (J'ou­
vant placé à c?té de VO,rflium, pouvait pa,raitre, aux yeux
d'lin copiste IgllOl':ml, faIre double emploI avec le nom de
celle dernièl'e slalion, en raison du l'appol't qui existe dans
noms de ces deux villes. On n'ignore pas
l'orthographe des
que tout récemment encore, LIll gl'and nombre de géo­

graphes confondaient Vorgium avec Vorganium; el l'on peut
bien admettl'e que puisque celle confusiori ·3 été faite dans
- les temps model'lles pal' des savants dont les noms sont loin
d'êll'e obscurs, elle a pu aussi êlre commise par de simples
copisles à' une époque anciellne. Oans celte substitution le
chiffre XLV demeura attribué à Gesocribate, Plu,; tard, après
que Vorganium fut devenu Osismii, on s'aperçut de l'errem'
el on éc/'ivit le mot Osismi au-desnls du mol Gesoeribate •

Voilà les explications , que j'avais à donnel', pour rend/'e
compte de la difficullé qui résulte du chiffre de la distance .
la Table de Peulingel', entre les stations de
marquée dans
Vorgium et de Gesocribate. Comme on a pu le voir, elles re~
posent principal('ment SUI' ~etle hypolhèse, que la plus impor­
tante des voies sortant de l'orgium dans la direction du Nord
ouest devait aboutir à la capitale du peuple dont elle tl'aver­
sail le territoire. Les ruines gallo-romaines .que l'on rencontre
dans le pal'coul'S de la \'oic qui reliait ces deux villes, et que
j'ai menlionuées plus haut (pages 27 el 28), témoignent surfi­
samment, je. le répète, de son importance, et prollvent par
les monnaies qu'on y a découvertes, qu'elle fut une des voies

les plus f/'équentées de la cité des Osismii, pendallt toute la
durée de l'occupa lion romaine. '
A ,ux détails qui préc8dent SUI' 1 a découverte et sur la situa­
tion topogl'aphiqllc de Vorganium el de Vorgium, il n'esL pas,
je cl'ois, inulile d'ajolllCl' quelques renseignements SUI'
la cité des Osismii, donlces deux localités étaient les ~'illes
pl'Ïncipales. . .

Un principe généralement admis par nos géographes. est
celui de la concOl'dance des anciennes divisions civiles de la
Gaule avec les divisions ecclésiastiques de la France, telles
qu'elles existaient à la fin du XVIlI siècle. Cependant si l'exac- .
titude de ce principe a été vérifiée pour un grand nombre de
diocèses, on est forcé de reconnaître qu'il ne peut s'appliquer
à tous ceux de la province de Tours, qui représente la troisième
Lyonnaise sous l'administration romaine.
La cause de cette exception fut t'établissement dans une
partie de cette province, au Ve siècle et dans les siécles sui­
vant.s, de nombreuses tribus bretonnes, qui, chassées de leur
île par les Saxons envahi~seurs, vinrent, sous la conduitè de
leurs chefs militaires, de leurs prêtres et de leurs moines,
demander à l'Armorique un asile que ne pouvait plus leur
dOlmet' la mère-patrie.
Vers le même temps les Francs ~nvahissaient la Gaule. Mais
il y eut entre cette invasion et l'immigration des Bretons en
Armorique une différence essentielle sous le rapport de l'in­
fluence que ces deux évènements exercèrent sur les circons­
criptions ecclésiastiqnes des régions envahies. En effet les
Francs, païens, n'avaient pas à opposer à l'administration des
évêques de la Gaule une ol'ganisation religieuse qui pût mo­
difier en quoi que ce soit les limites de leurs diocèses. Leur
prompte conversion au christianisme eut pour résultat de con­
solider les bases de l'ordre établi dans le domaine ecclésias­
tique.
Les Bretons, au contraire, étaient depuis longtemps chrétiens
quand ils abandonnèrent leur île. Leurs prêtres et leurs moines
les accompagnaient dans leur exil. Ils avaient leurs saints par­
ticuliers et leur christianisme, tant sous le rapport de la doc­
trine que sous celui de la discipline, différait en plus d'un
point de celui des habitants de la Gaule (1;. A leur arrivée en
Armorique, ils continuèrent l'exercice de leur culte de la même

manière qu'ils l'avaient toujours pratiqué dans l'île; et comme
dans leur nouvelle situation aucun lien ne les rattachait à l'an­
cienne administration romaine, ils 11e tinrent aucun compte
des divisions civiles ou ecclésiastiques établies, et donnèrp.nt à
, quelques-uns des cantons où ils se fixèrent des noms empruntés
aux contrées de la Bretagne qu'ils avaient été forcés d'aban­
donner. Plus tard, lorsqu'ils se furent établis d'une manièro
solide dans leur nouvelle patrie, ils nommèrent, à l'imitation
(1) Dom Libineau, Histoire de Bretagne, t. l, liv. l, p. 7·13 •

des Gaulois. dans quelques-unes de le~rs principales villes,
des évêques à résiden?e. tue, .tout en mamlenaut d~ns.le. reste
du pays les évêques reglOl111all'eS t les seuls don lIa dIscIplIne de
fut l'origllle des eveches ?e QUimper, de Salllt-Pol-de-Leon,

de Saint-Malo et de Dol (2).
Cet élat de choses se. m~intin.t jusqu'au milieu d? ~Ie, siècle,
époque à laquelle Nomll1oe, qUi venait de fonder 1 ul1lte dA la
nation breton~e, et d.e. se pr,)clamer roi ùes B~etùl~s, voulut
politIque de son pays et\ y dabltssant une
consolider l'umte
église bretonne indépendante des prélats Francs. Il supprima,
en conséquence. les évêques régionnaires, et porta à neuf le
nombre des évêchés Bretons à résidence fixe, en créant les
siéges de Tréguier et de Saint-Brieuc. Il établit Dol pour
cet.te nouvelle province qu'il détacha de Tours
métropole sur
(3). Ce ne ~ut qu~ plus .de. trois siècles plus tard, .que pol
perdit son tltr~ n~etl'opohtalll, ~t rentra, avec la provlllce inS­
tituée par Nommoe, dans la provlt1ce de Tours (4),
Celte révolution et les circonstances particulières dans les­
quelles s'opéra, comme on l'a vu plus haut, la colonisation
, bretonne, apportèrent dans les circonscriptions de quelques­
unes des anciennes subdivisions de la troisième Lyonnaise de
si grands changements que des neufs évêchés de Bretagne,
ceux de Rennes et de Nantes, où l'influence bretonne ne se fit
sentir qu'assez tard, peuvent seuls être considérés comme cor­
respondant à peu pl'ès aux cités des Redones et Namnetes dont
on t conservé les noms,
ils
De celte confusion est résulté entre les savants qui se sont
occupés, à une époque relativement moderne, de la géographie
de la Gaule, une grande divergence d'opinions sur les rapports
géographiques des sept autres évêchés avec les cités des
Veneti, des Curiosolitae et des Osismii~ qu'ils représentent .
L'objet de ce travail est principalement de rechercher la

ligne de démal'cation qui existait entre le territoire de ce
dernier peuple eL celui des Veneti. Mais il convient avant d'a-

(1) A ug. Thierry 1 Hist, de l,a Conquête de l' Ang leterre, 1 i v. l, p, 71-

72; 7 édit.
(2) Haul'éau, Gallia Christiana, p. 1038.
(3) Hanréau, ibid. Dom Morice, Histoire de B·retagne, t. l, p. 40. Dés
le VIe si~cle les évêques de Dol s'étaient érigés en métropolitains .
Dom Morwe, HMoire de Bretagne, t. l, P', t 7 •
(4) Gallia Christiana, t. 11, p, 565. .
soc. ARCnll:OL, DV FINISTÈRE •

border cette recherche, de rappeler .sommairement les prin­
cipales opiniolls ' qui se sont produites sur l'élendue de la cité
des. Osismii.

La carle qui accompagne l'Histoire de Bretagne de Dom
Morice (1), sans lui assigner de limites précises, lui attribue
cependant tout l'évêché de Léon, une pOl'tion de celui de Tré­
guier, et évidemment la partie sud-ouest de l'évêché de
Quimper, puisqu'elle place le Promontorium Gobaeum à la
pointe du Raz, et Sena insu la à l'île de Sein.
D'Anville lui donne pour limites, à l'ouest, ]e bourg d'Iffi­
ni" ae, se fondant sur un prétendu rapport d'éLymologie entre le
mot Fines et le nom de cette paroisse. Pour le reste. il llJÏ
donne les limites qu'avait l'évêché de Quimper au dernier
siècle; mais il réserve à titre de Pagus, la partie sud de cet
évêché, dans lequel il place les Corisopiti
M. Bizeul, qui daiIs ces derniers temps a traité, avec plus de
vivacité peut-être que de logique, dans \f~ Bulletin de l'Asso­
ciation bretonne (2), la question des Osismii, assimile l'étendue
du territoire de ce peuple à celle des évêchés de Quimper, de .
Léon et de Tréguier, età une partie de celui de Vannes jus­
qu'au Blavet, ou tout au moins jusqu'à la rivièl'e le Scorff,
Enfin, les limites données tout. récemmellt aux Osismii dans
le projet de la carte des anciennes citr.s, publi.ée pal' la Com­
mission de la topographie des Gaules, sont celles de l'ancien
diocèse de Quimper, et . la rivière le Guer (3), qui borne à
l 'OU!3st l'archidiaconé de Pougastel, dans l'évêché de Tréguier.
Comme on le voit, l'étendue du territoire attribué par nos
géographes à la cité des Osismii est bien plus considérable que
celles qu'ils accordent aux cités voisines. Selon M. ~izeul,
entre autres, le territoire de ce ppuple aurait été à lui seul
plus étendue que celui des deux ~ités réunies des Veneti et des
Namnetes. D'un autre côté, les Osismii auraient, d'après cette
manière de voir, possèdé une étendue de côtes au moilts aussi
gr'ande que le resLe du littoral de la troisième Lyonnaise. Les
opinions que je viens d'exposer reposent-elles sur des données
historiques certaines, ou sont-elles le résultat d'hypothèsps plus

(1) Elle a pour titre: Armoricœ Veteris descripUo juxta Samsonum
tabulas et quorundam éruditorum observationes.
(2) T. IV, p. 39 et 107.
(3) Le nom de cette rivière doit être Leguer et non Guer, comme on
. l'écrit dans toutes les cartes. On trouve sur ses bords une localité appelée
Traonleguer, dont le nom signifie vallée du Léguer .

ou moins ingénieuse.s,. ressource ~ .Iaq~elle on ? volont~ers
recours quand les téI?Olgnages de 1 hIstoIre font defaut? C est
ce qu'il s'agit d'examlO . •
De tous les renseignements que nous ont transmis les auteurs
anciens qui ont traité d.e .~a géographi~ de l~ Gaule, il résulte
que la partie de la trolSleme LyonnaI:;A qUi correspond à la
pl'e~qll'île 'de Bretagne était. habitée. par cinq peuples: les
Redones et les Namnetes, qUi occupaIent la base du trillngle
formé par cette pr~squ 'île; les Osismii qui occupaient le
"omm et du même ll'langle ; les Veneti, dont le territoire était
~itué entre ce dernier peuple et les Namnetes,. et enfin les
Curiosolitae. que, depuis la découvf'rte faite à Corseul d'anti­
quités romaines importantes, les géographes n'hésitent point à
placer e(J.t~e les Redones .et les Osism~i. .. , ",
La posItIOn topographIque des OSlSmZ'l, à 1 extremlle d'un
cap à l'ouest de la Bretagne, est bien constatée par quelques
auteurs anciens, mais aucun d'eux ne fait çonnaItre jusqu'à
quel point son territo.ire s'éte~ld~it à l'illtéri~Ul'. Strabon, au .
de sa GeographIe, en decflvant les cotes de l'Europe
livre 1
d'après Pythéas et Eratosthènes, mentionne le cap des Osti­
miens ou Ostidamiens, appelés Cabae-um, et les îles voisines
dont la plus éloigllée, nommée Uxisama, était, selon Pythéas,
à trois journées de navigation du continent (t). Plus loin. au
livre IV, il ajoute: «Après les Veneti sont les Osismii. que
Pythéas élppelle Ostimii. Ils habitent un cap qui s'avance assez
loin dalls l'Océan, pas aussi loiu cependant que l'onl dit
Pythéas el ceux qni croient au récit de cet auteur. » Pline
indique aussi dans 1:1 Lyonnaise une péninsule remarquable qui
s'avance dans l'Océan, à partir des limites des Osismii, Enfin,
. Ptolémée mentionne parmi les cités maritimes' situées entre la
Seine et la Loire, celle des Osismii, dont le territoire, ajoute­
t-il (2). s'étend jusqu'au promontoire Gobaeum, ou plutôt
Gabaeum (3).
La péninsule de Brelagne se termine par plusieurs caps ou

pointes, dont les principaux, au nombre de trois, ont été dési- ,
gnés par des noms particuliers depujs un temps immémorial.
Ces caps sont, en allant du sud au nord: Iole Cap-CavaI
(Caput Caballi), dont la traduction bretonne est Pen-Mare'h.

(t) Strabonis Geographica, curantibus C, Mnllero et T. Dubnero,
Paris, Didot, 1853.
l2) Apud Dom Mor., Histoire de Bretagne.
(3) Les variantes données danE l'édition de la Géographie de Strabon
sont les suivantes: ]fablion, Kalbion, Gobaion (Pto­
citée plus haut
lémée); sed item Gabaion, restituendum est ex codice editionis A r~
ie ~ tinre.

Ce cap avait donné sou nom à un Pagus assez important (1) ;
2° le Cap-Sizun, terminé par la pointe du Raz, et dont le nom,
comme celui du précédent, servait à désigner un Pagus t 2) ;
3° enfin le Cap-Saint-Mathieu. appelé en breton Pen-arbed (le

bout du monde), mentionné dans un acte de 1275 sous le nom
de Saint- ahê, de Fine-Poste1'ne (de Fine Postremo) (3), et
où il existait une très-ancienne abbaye appelée dans les tilres .
du XVIe siècle: Monasterium sancti Mathei in finibus terrarum.
ou Monasterium sancti Mathei al. de sainct Maze in finibus
terrae (4). C~ dernier promontoire forme en réalité la pointe de
la presqu'île de Bretagne. Il occupe exactement, en effet, le
sommet d'un triangle qui aurait pour base une ligne s'étendant
de l'embouchure de la Loire à la baie du Mont-Saint-Michel,
et dans lequel on· pourrait presque inscrire cette péninsule.
Presque tous les géographes modernes se sont accordés à
raconnaîtr~ dans c~ cap celui qui est mentionné sous le nom
de Promontoriul!' Gabaeum 011 Gobaettm, par les auteurs que
je viens de citer.

La seule indication, précise que l'on puisse t.irer des rensei­
qui précèdent, est que les Osismii occupaient, à
gnements
partir du promontoire Cabaeum, uJle certaine étendue de ter­
ritoire . qui s'avançait dans l'intérieur, entre l'Océan et la
Manche, jusqu'à une limite qu'il n'a pas encore été possible de
fixer. Malgré cette incertitude snI' la délimitation de leur cité à
l'ouest el au sud, on veut avancer qu'elle comprenait tout l'é­
vêché de Léon et une partie plus ou moins grande des évêchés
de Quimper el de Tréguier. C'est ici le lieu d'examiner les
considérations qui ont déterminé d'Anville el les géographes
modernes qui ont adopté son opinion à comprendre dans la cité
. des Osismii la totalité du territoire de l'ancien diocèse de
Quimper.
XII.
D'Anville, à l'article Osismii de sa Notice de la Gaule, après
avoir cité un passage de la vie de Saint-Menulfe ou Menou, où
il est dit que ce saint personnage aborda au territoire des

. (t) Borné au nord par le Goazien ou Goayen, rivière qui se jette
dans l'Océan à Audierne; il l'est par la rivière Odet; au sud et à l'ouest
par l'Océan.
(2) Borné au nord par la baie de Douarnenez; à l'est par Je ruisseau'
et le vallon du Riz; au sud par le G1wyen ; il l'ouest par l'Océan.
(3) Dom Lobineau, Histoire de Bretagne, Preuves, col. 427. '
(4) Titres du chapitre de Saint-Paul-de-Lèon. (Archives du Finistère) .

Osism-ii où Saint C0t8!1tin étai}, ~vêque, en c?l1clut que la cité
des Osismii comprenaIt tout 1 eveché de QUImper. Cette con­
clusion est évidemment trop ahsolue. Car en sup.rosan~, que
cette cité se fût élendu~, vers le sud, se.uleme~t. Jusqu a la
rivière d' ~ullle et jll~qU au~ montagne~ ~oll'es, lI~lles fort, na­
elle .eut contfl~ll~ ~ former li peu pres la
turelles assurément,
moi lié de l'évêché de QUImper, qll1 etaIt borné au nord par la
et par le cours inférieur de la ri­
chaîne des montagnes d'Aré
vière d'Elorn, qui passe à Landerne~u. Dans ~eLLe hYrot~èse,
des 249 paroi~ses .~u succursales .qUI compo~al~nt ce dlOc~se ~
la fin du dernIer sIeele, cette portIOn du terrItOIre des OSlsmu
en aurait compris 131., Il n'~ 'a d~nc pas lieu de s'étonnM que
le nom de ce peuple s y §Olt mamtenu longtemps, et que par
suite l'évêque de Quil?P~~ ait él:é qualifié . pa~' les a~teurs an­
évêque des Oszsmu, qUOIque son dlOcese ne fut pas en­
ciens,
formé du territoire de ce peupl~. D'un . autre côté,
tièrement
comme l'éveché de Saint-Pol-de-Léon ' était aussi formé d'une
porlio·n de la cité des Osismii, il n'est pas surprenant que
Saint-Pol ait été également, comme on le voit dans sa vie, dé­
signp. sous le nom d'évêque des Osismii. , Dan's l'un et dans
l'autre cas, la qualification de Episcopus Osismorum n'a
d'autre sens que celui d'évêque d'une portion des Osismii. ,Il

n'est donc pas logique de conclure de celte ' qualification don­
née à Saint-Corentin, que tout l'évêché de Quimper devait
nécessairement être compris dans la cité de ce peuple.

Cette objection ne paraît pas s'être préseIltée à l'esprit de
d'Anville; et ce savant, considérant sa thèse sur la position
géographique des Osismii comme parfaitement établie, en a
tiré une conséquence qui lui paraît toute nnturelle, mais qui,
reposant sur un fait non suffisamment démontré, ne saurait
être facilement acceptée par une critique judicieuse. En efTet,
,dans son article sur l'île de Sena, d'Anville s'exprime ainsi :
fA Mela en fixe la situation vis-à-vis de la côte des Osismii:
Sena ïnsula~ in Britannieo Oeeano, Odsmieis adversa littoribus;
et cette situation se rapporte évidemment à l'isle de Sein, nom­
mée par pure ignorance isle des S(ûnts, dans les cartes, et
qui n'est séparée d'une pointe de Bretagne, dans le diocèse de
Kimper, que par un canal d'environ 4,000 toises, etc. » Ainsi,
après avoir'avancé, sans preuves suffisantes, que la cité des
Osismii compremüt tout l'évêché de Quimper, il s'appuie sur
, cette base peu solide pour affirmer l'identité de l'île de Sein
etde l'iusula Se-11a de Pomponius Mela .• Cependant d'après
Ptolémée, les côtes occidentales de la Lyonnaise, jusqu'au ,cap
Gabaeum, étaient baignées par l'Océan, tandis que le li 1toral
nord, à partir du même promontoire, regardait l'océan Britan-'

nique (1). La position géographique àonnée par Mela à l'île de
Sena ne peut donc, d'après ce témoignage, s'appliquer à l'île
Sein; mais elle conviendrait fort bien à une des îles de
l'archipel d'Ouessant, telles .que Molènes. Quémenez, Benni­
qui sont reellement situées dans l'océan Britannique.
guet, elc ,
Qùelques-unes de ces îles sont plus importantes que l'île de
Sein. Elles ont en out.re sur celle-ci l'avantage d'être placées
Osismii. A
vis-à-vis d'une partie bien connue du territoire des
ce demier titre surt.out elles méritaient de fixer l'atlention du
géographe (2).
savant
Le rapport de nom entre Sein et Sena a sans doute pam
à d'Anville, comme à d'autres géographes, un argument
sans réplique en faveut' de son opinion. Il est certain
~ût été de quelque valeur si, depuis une
que cet argument
Sein avait porLé le nom qu'on lui
époque très-ancienne, l'île de
aujourd'hui. MaÎ3 il n'en est rien, et les titres ne man­
donne
quent pas ponr établir les altérations successives qu'a éprou­
vées le nom de cette île df'puis plusieurs siècles.
Le document le plus ancien où il en soit fait mention est un
acte du cartulaire de Landévennec, rédigé au XIe siècle, par
lequel Grallon, comte de Cornouaille, donne à Saint-Gwen­

nolé, ilbbé de ce monastère, « l'île de Seidhun et touLes ses
dépendances. (3) Elle devint à partir de celte époque un

(t) Apud Dom Mor., Histoire de Bretagne. Preuves, t. Je dois re­
connaître que, d'après quelqnes auteurs anciens, l'Oc0an Britannique
s'étendait vers le sud au-ùdà de la Loire: « Liger Galliœ dividens
Aquitanos et Celtas in Oceanum "!3ritannjcum evolvitur. » Yibli Seques­
tri Zibe1' de flumirdbus, font1:bus, etc., quorum apud poetas mentio fit.
Basilre, t 575, (p, 234) Cette opinion ne me paraît pas dcvoi r infirmer
. l'autorité du témoi.gnage si précis de Plolémée : Latera Galliœ Lugdu­
nensis qure contigua s',mt Aquitaniœ dicta sunt : ex reliquis id quod
occasum spectat et Océano aIl uitur , sic describitur:
Post Ligeris ostia fluvii:
Brivates portus ... , eLc.
Gobreum promontoi'ium.
Latus autem quod septentl'iollem aspicit juxta Britannicum Océanum,
. sic se babel:
Post Gobreum promontorium,
Staliocanus portas, etc .

(2) Il Y a dans la plupa!.'t Je ces îles, même dans celles qui sont au­
jourd'hui inhabitées, des monuments celtiques, et de nombreuses traces
'd'habitations, scmblablei à ceHes que l'on remarque dans les oppida
gaulois.
(3) Cartulaire de Landevennec, manuscrit de la bibliothèque de
. Quimper, fa 142 VA.

prieuré de Landévennec. On n'en trouve plus de traces jus­
qu'en '1524. Elle est ~lOmmée d~ns un acte 9ui por~e. cet~e. da~e
« lille de Sizun. J) C.est ?ous ~,e nom qu elle a ete.,desIgnee
dans la plupart des LIt!'es Jusqu a la fin ~u XVIIIe s~eele .. O.n
peut avancer que l'alteratlOn du rI.l SeIdhun en SIzun Etait
déjà faite vers le mil ieu du XIIIe slécle. L'île ~va.it,. en effet!
dOllné son nom à un cap dont elle est fort peu elOlgnee, et qUi
est appelé Cap Sizun dans des a~tes de 1245,1219,1283, etc.
(1) On trouve les formes Kapszthun et Cap Std~n. dans des
titres de 1 J tiO et de 1220. (2) C'est une tran511.lOn entre
Seidhun et Sizun. ' Dans un acte de 1600, l'île de Sein est ap­
pelée u l'île Sainct. » Un aulre tit.re de 16H2 la désigne ainsi:
« lish~ vulgarisée lisle Saincte, ou aultrement Sizun. » (3) J'ai
pu m'assurer, dans divers voyages que j'ai faits à Ille de Sein,
que les habitants l'appellent Enez .. Sun (4) (Ile de ,Sùn). Le
mot Sun est une syncope de Sizun. On 'sait que dans une
grande partie de la Bretagne bret.onnante, notamment dans
l'ancien évêché de Quimper ou de Cornouaille, l'usage s'est
établi depuis une époque assez ancienne, mais qu'on ne peut
préciser, fauLe de documents, de ne pas p~ononcer le Z dans
la plupart des mots bretons où ceLLe letlr~~ se rencontre. Il est
très-possible que dès la fin du XVIe siècle cet usage existât déjà
en Cornouaille dans la langue écrite. Dans ce cas . on com­
prend que les personnes étrangères à l'îleeL ignorant peut-être
même le brelon, elltendant prononcer rapidement le mot Sun,
aient pu le confondre avec Saint ou Sein, d'où sont venus plus
tard les formes, île Sainte, île des Saints, île de Sein, île
de Sei"'ls, etc.
On voit par ces explications que le rapport entre le, nom
primilif de l'île de SeilL (Seidhun) et celut de Sena est si éloi­
gné, qu'il ne peut constituer un argument suffisant pour éta­
blir l'identité de ces deux îles .
, J'ajouterai que Seidhun est le nom d'un prince dont il est
fait mention dans les traditions galloises. SeiLhyn était en effet

.(1) ~artula~re du chapitre de Q-uÏ'rnper, no 31; manuscrit de la Di­
blLOtheque natIOnale, fo 6, 17, 28 et 29.
(2) Cal'la Conani ducis (Britannie) domui Hierosolimitane hospitalitatis,
no Domini Mo. Co. LXo, (Bull. archéol. de l'Assoc. bretonne,
data an
t. IV ,,P. '21>5, et dom Mor., Hist. de Bretagne, pl'eu ves, 1 col. 638.)
DOt~atlOn de prébendes faites à son chapitre par Renaud. évèque de
QUImpel'. (Cm·tul. Capituli Corisopitensis, no 51, fo l, v .) uscrit
de la Bibliothèque natiouale.
(3) Titres de l'abbaye de Landévennec. (Archives du Finistèl'e.)
(4) Prononcez Se un en une seule syllabe avec le fi, nasal. î

roi de Dyved. Son fils Seithenyn (1) 1 appelé aussi Seilhenyn­
Veddw (Seilhenyn l'ivrogne), éLait roi de Ici plaine de Gwyd­
dno, et vivait vers ~la fin du Vu Siècle, ou au commencement
du VIe Siècle. Un jour qu'il était ivre, il ouvrit les écluses qui
protégaiellt l~ Cant1'ef y Gwaelod (district de la pariie basse) .
contre l'invasion de la mer, et tout le pays fut submergé. Ce
district comprenait seize villes et occupait l'espace recouvert
aujourd'hui par la baie de Cardigan. Cett.e inondation eut lieu,

dit-on, vers l'année 520 (~). Il est remarquable de retrouver
dans l'île de Seidhun. ou de Sein, 10 souvenir d'un événement
à peujprès identique, Voici en effet la tradition qui avait cours
d.alls cette île vers 1640, lorgque le P. Maulloir y fit une mis­
SIOn:
« Si l'on croit la tradition du pays, dit . l'auteur de la vie de
ce missionnaire, l'isle de Sizun estoit autrefois une partie de la
tcrr.e ferme qui joignait cette célèbre ville d'Is, qu'on prétend
aVOir esté submergée, etc. (3) .
Cette tradit.ion existe encore aujourd'hui à l'île de Sein, où
je l'ai recueillie. Elle est aussi très-répandue sur tout le littoral
de la baie de Doual'l1enez. Une voie romaine bien conservée
dans quelques-unes de ses parties, et qui se termine à l'ex­
trémité de la pointe du Raz, vis-à-vis de l'île de Sein, passe
pour être l'ancien chemin qui couduisait à la ville d'Is (Kaer·
a-Is, la ville de la partie hasse). C'est aussi au commencement
du VIe ~iècle que nos légendes placent la submersion de cette
ville fameuse dont toutes nos chroniques font mention (4). On

1.1: Seithenyn est un diminut f de Seithyn (Seithyn-yn). Voir Owen
Pughe's Welsh Grammar, p. M. L'y gallois ayant le plus souvent un
son analogue à celui de la diphtongue française eu, il e~ résulte "que
les mots Seidhun et Seithyn devaient se prononcer de la meme mamere.
(2) Rees' Welsh Saints, et Williams' Eminent Welskmen, verb.
Ce prince d'après la tndition, eut dix fils qui, par suite
Seithenyn.
de la pel'te de leur héritage, embrassèrent la vie religieuse et devinrent
collège Dunawd, à Bangor-Iscoed. Le .3~y!-,yrian Archeo:
membres du
log y of Wales c-ontient un chant qui rappelle cet evenement, et qUi
a probablement servi prototype à la ballade publiée dans le Bal'zaz­
Breiz, sous le titre de Submersion de la ville d'ls.
(3) Vie du P. lWaunoir, par le P. Boschet, de la compagnie de Jésus,
Paris Jean Anisson, t697. .
(4) Voir P. Le Baud et d'Argentré, Hïst. ~e Bretagne; A!bert. ~e
Grand, Vies de,\· Saints de la Bretagne-A1'monque, p. 55 et SlllV., edit.
Histoire de la Ligue en Bretagne, chap . .l, p. 9,
Ktll'danet; Moreau,
t édit, etc Suivant laj traditiolltbretonne, ce f~t la fille du rOI ~t non
le roi lui-même, qui ouvrit, à la suite d'une orglC, .la pOl't~ de~ eeluses
l~ v,ille d'ls eon,tre ~a mer. La V?le .qu~ ,Je ,vlCn~ .d~
qui protégeaient
mentionner condmt a un vaste etabhssement romam situe a 1 extremlte

pourrait induire de ces divers, rapprochements q~c, l'île d.e
Seillhun a,'ait reçu son nom ct ~n ch~f ~reton qUi s y ?e,raLt
établi, et que plus lard on a.u~alt applIque à c~tte loc~!lte la
tradition relative au Cantre! .y Gwaelod, apportee de 1 Ile de .
les émigrés bretons, L'île de Sein n'est pas la
Bretagne par
seule localité qui porte en ~as~e. Bretagn,e le nom de Seidhun
ou Sizun. Il Y a dans le, dlOc~se de QUimper une paroisse dA
SilO:!, qui faisait autrefOIS partIe. de l'é\:êc~~ db Léon, et qui a
dû comme la plupart dês parOIsses d ongme bretonne, pren­
dr~ le nom de son fondateur br~t~n.
Mela nous apprend que Sena et31t remarquable par une com­
muuauté de prêtresses d'une divinité gauloise qu'il ne nomme
wès
pas. Strabon men~ion.ne, aussi, d'a.1 , ,Possidoniu~! une île
qu'une semblable Il1S11tutlOn rendait celebre el qu Il place à
l'embouchure de la Loire (1). D'Anviile pense que ces deux
auteurs ont voulu parler de la même îlè, mais que l'un d'eux
s'est trompé sur s~ véritable situation .• Il Y a toute apparence,

dit-il, à l'article _ Sena insula de sa Notice, .que les femmes en­
thousiasles dont parle Strabon, comme faisant leur séjour dans
une petite isle de l'Océan, peu loin du continent, et qu'il
nomme SRmnifiques, sont les mêmes que les prêtresses de

Sena ... Il a pu être moins bien informé que Mela sur la situa­
en la plaçant vis-à-vis de l'embouchure de
tion de cette isle,
la Loire On ne sçauroit mettre de distinction entré le nom de
Samnis, qui pa­
Samnitiques, rapporté par Strabon, et celui de
raît dans Pline (2), et que l'on peut juger plus correct que les
·variantes d'Amnis eL de Siambis.» .

de la pointé du Raz, au nord de la baie des Trépassés, et appelé par les
paysans du voisinage Moguer-üreghi (muraille des Grecs), et non pas
on l'a dit quelqueTois. Il ya qu,inze ou vingt
Moguel'-Kaer-a-Is, comme
murs de cette construction avaient encore, d,ms certaines par-
ans, les
ties, plus de deux mètres de hauteur. Mais depuis quelques années, par # •
suite de défrichements; ils ont été pl'esque tous rasés. Les très-curieux
oppida gaulois qui occupent le littoral sud de la haie de Douarnenez,
l'ile Tristan jusqu'à la pointe du Haz, me portent à croire que
. depuis
je viens de par­
la voie qui conduit aux ruines de l'établissement dont
pays. Voir mon travail
ler existait avant l'arrivée des Romains dans le
sur les Oppida du Finstère, dans les Mémoires du Congrès de l'Assoc
bretonne, tena à Quimper en t 813.
(t) « ln oceano autem insulam esse ait (Possidonius) parvam, ' non
fluvii; in ea habitare mu­
plane in alto sitam, objectam ostio Ligeris
(qui Dionysio Amuitre. Note de l'élit.), Bacchio ins­
liel'es Samnitarurn
tillctu correptas, ql1œ Bacchum mystedis ct aliis ceremoniis demerean­
tUi"; nullum eo virum venire, sed ipsas navigiis avectas, cum viris suis
coire, atque inde in insulam reverti. » Lih. IV, cap. V, 6; Gallia Mores
Gallorum. Edit. Didot. " .

(2) Lib. IV, cap, XXX. Edit. Nisard.

soc •. ARCHEOL. DU FINlSTERE.

La conclusion de ceci est que, puisqne les auteurs ancien,s
ne, sont d'accord ni sur le nom, ni sur la position dans l 'Oeéan ' .
de l'île que Mela appelle Sena. nous ne pouvons espérer de
résoudre avec les renseignements , contradictoires qu'ils nous

ont laissés ]a question d'identité de cette île avec lIne Île quel­
du littoral de la Bretagne.
conque
une observation que j'avais à dire relative-
Je termine par
à l'île de Sein. ,
ment
Parmi les îles de l'Océan mentionnées dans l'Itinéraire mari-
time figure celle d'Uxantisina ou d'après une variante d'Uxan­
tisima, dans laquelle ,tous les géographes s'accordent à recon­
l'îl~ d'Ouessant. D'Anville voit dans ce mot le nom de
naître
deux îles, celui d'Uxantis et celui de Sena: (,( Il convient, dit-il,
de détacher le nom de Sena d"avec celui d'Uxanlis, et de ne
pas lire Uxantissina de suite ct sans distinction. » Nous avons
vu plus haut que Strabon nomme, d'après Pythéas, l'île d'O ues­
Uxisama. En ajoutant à ce mot la r,yllabe ant qui parait y
sant
on obtient Uxantisama, qui diffère bien peu de l'or­
manquer,
mes latines Uxantissima et Uxantisina de l'Itinéraire mm-i-
. time. Le nom brelon ancien ,de l'île d'OuessaQt est Enez-Eus­
sa{f, dont la dernière syllabe se prononçait autrefois san, en
donnant à l'n un son nasal (1). On prononce aujourd'hui
Heussa, mais on appeBe encore les habitants de l'île d'Oues­
sent An H~us$anti$. A une époque très-ancienne, le nom de .
bien pu être Hfw,ssantis-Enez ou Heussantis-Ynis
cette île afort
(île des Ouessantais) On s'expliquerait ainsi comment se sont
la forme grecque' Ux (anl) is-,ama el la formfl latine
produites
Uxantis-Ina, et l'on serait en droit de conclure, en tenant
pI-llpar~ des noms an­
compte des altérations qu'ont suhies la
que l'île dont Pomponius Mela a voulu parler est la
ciens,

, .(1) Le doubl!') f qui terminait 9.Utrefois un grand uombre de mots

bretons se prononçait et se prononce encore dans bien des cas, comme .
un n nasal. Ainsi, ouff, je suis, se prononce oun; Thuriaff, uom d'un
saint; Thurian; Plogoff, nom d'une paroisse de l'évêché de Quimper,
Plogon; diff, à moi, din, etc. C'est, à mon avis, de cette manière qU,e
se sont formés les infinitifs enoin du dialecte de Vannes. Ainsi' de
dibr1'ff, manger, est venu dibrin, puis dib'rein. Aujourd'hui on ne tient
pas compte le plus ordinairement de ce double f final dans les poly­
syllabes. Ainsi on , é~rit et on prononce Izella et Huella, au lieu de
l:6ellaff et Huellaff, que l'on trouve dans les titres jnsqll'all XVIIIe siè­
cle, De même on écrit et on prononce Heussa au lieu de Heussaff.
Voici les différentes formes' sous lesquelles le nom de cette île figure
dans les dOCllmeuts anciens: Ossa Insula, 1439 (cette forme se ren­
contre dans des actes latins bien antérieurs à cette date, notamment
l'is~e de Heussafi', 1493;
dnns une vie anonyme de Saint-Gildas);
Heussa, 1591; Oixant, 163t; Hoixant, 1655; Ouessant, 1691 (Titres de
l'évêché de Léon, Archives du' Finistère,'. ".

même qlle l' Uxantissina ,~e l' Jt(nti1 COl1UlI qu ImparfiliLement le nom, d mOllls que
écrivain n'aurait

ee nom n'ait été altéré dans les copies Je son man uscrit (1) •
XIV.

A près avoir essayé d'établit· que lèS 31'gumenls pr'oduilS pal'
d'Anville el pal' les autres géographes modernes . IIC suffisent
pas pOUl' les autoriser' à èLendre vers le sud le It'l'ril.oire dp la
cité des Osisrnii, jusqu'aux limites de l'anciell évêché de QlIim.
pet' il me reste a opposel' a ces savant~ lIll lemolgnage qui
n'a 'pas encore été remal'qué et qui me paraît êll'c en dés~c­
cord complet avec la thèsc qu'ils souliennenl. Voir.i,en t'ffel,
ce que dit Césal' d ans ses Commentaires en padan.t des
Venèti :

(( Hujtls civitalis est longe amplissima 311CtOl'tlaS omnis o/'œ
, mal'ilimre l'egionum ear'um! quod el naves ·hdbenl VenelÏ plu·
rimas, quibus in Brrtallniarn navigal'c cOllsuerunt, et sciclllia
alque usu naulicarum rerum reliquos antecedul1l, et in magno
impf'tu maris 31qlle apel'Io, pallcis pOl'lubus interjectis, quos
tenenl ipsi, omnes fere, qui eo mari (IIi con :,ue/'llllt, habellt
. vecligales (2 ). »
Ainsi, d'après le témoigrnge de CéS3I', qui dev.ait ,êll'e bien
renseigll.8, puisqu'il ,3,,'ail lui-même occupé ,avec son armée la
cilé des V éllèies, ce peuple étail maître ,des porls de la côJe
slld·ol/~st de la péninsule Al'mol'icaine; car je ne pense pas

que "on puisse enlendre autrement l'ora maritima donl parle
César. O.', admetlon5 avec d 'i\ nville qüe la cité des Osismii
s'étendait vers le sud jusqu'à la limite d~ l'a ncien évêché de

Quimper: le littoral de la eité des Venet'Ï se trouve alors
uéces~airement réduit à l'espace cnmpl'Îs elltre la rivière d~
Quimperlé au nord, et la Vilaine au sud. Il en résulte que le
.LEL _ , ..... ,.'" ,

(t) Dans un trava~1 de M. Pocquard·Kel'vüol" ingénieur dt:: ponts et
cbaussées, lu en t873 au Congrès de Quimper, et intitulé: ((Etude criti­
que sur la géographie de la presqu'île armoricaine au commencement
et .à la fin de l'occupation romaine ", je lis ne qui suit il la page 39,
il propos des objections que j'ai développées coutre l'identification de
Séria insula avec l'île de Sein : « MM.' Le Men et Longnon se sont
livrés à ce sujet, chacun de leur côté, il des discussions philologique,s '
for~ intéressantes, etc.) Si M. pocquard-Kel'viler, avait lu mon Mé·
moue snr la cité des Osismii avant d'en rendre compte, il aurait pu
/ s:a~surer qu'eu ce qui touche l'ile de Sein, M. Longnon a purement et
sImplement accepté mon argum,mtation sans y ajouter un seul argu·
ment nouveau. '
(2) Cœsar, De Bello Gallico, lib lU, 8.

littoral de celte cité représente en étendue le liel's sèulemeot
de cell,li qQe d'Anville accorde aux Osismii.
Il sufHt de jeter les yeux SUI' une cal'le de Brela!tne ponr
~'assllrer que les ports nalul'el~ sont bien plus nombreux dans
la cité des Osismii ainsi eonsli IlIée, que dans celles des Ve.neti. •
En ne tenant compte que de la partie du 1 iUoral comprise
entre la r~de de Brest et la rivière de Quimperlé. 011 trollve
dans celte étendue de côtes "ingt·huil ports maritimes (1). Le
nombl'e de ceux de la cité des Veneti avec les limites que

• . d' t\nville lui a~signe, n'atteint pas ce chiffre. Il est donc né-
o ce~saire, pour mellr'e le lext·e de César d'accol'd avec les faits,
d'étend/'c vers le nord le littoral de celle dernière eilé. La
c·haine des MOlltagnes Noires el le cours de l'Aulne, me pa­
raiss6fll former des limites très naturelles, et celle e~tensjon
donllée au litl.oral des Verleti, surtit à expliqt~er leur puissance
maritime constatée:! par Cé&ar (2) .

En résumé, dans c~lle hypothèse, les limites des 'Osismii,
au sud, auraient été la riviére l'Aulne depuis la rade de Brest
jusqu'à Saint-Goazec; ensuite la chaîne des Montagnes­
Noires jusqu'à TI'éogan (CÔles-du-Nol'd) (3) ; puis le callal .de
Nantes à Bl'e~l jusqu'à Croixanvec (Morbihan) .
à leur's limites à l'ouest, les rivières l'Oust, le Leffelle
Quant
Tl'jeu qui bornaienl de ce côté les anciells évêchés de Quirnper .

el de T,.égllier~ élablissent entre la cité des Osismii et celle de~
Curiosolitae une ligne de démarcation fort naturelle. Ainsi

constituée, lem' cite alll'ait été formée: 1 de lout l'évêché de

IAoll; 2° de tout l'évêché de Tréguier; 3 e'lfin de la partie
pagi de Kiutin,
de l'évêché de Cornouaille qui comprenailles
de Pohe.· el du Faou. '

(1) Voir la carte du ôépartement du Finistère, par Taconuet, géo­
mètre en cbef du cadastre. Je sais que les Romains ne donnaient guère
le nom de port qu'à ceux où les navires pouvaient se mainténir tou­
jours à flot; mais la différence est la même pour les ports de cette nature.
, (2) Ces limites étaient celles que j'a.vais assignées aux deux ci~és
dans un Mémoire sur les Osismii et l.es Veneti; adressé a la CommIs ,
sion de la Topographie Jes Gaules, au mois d'octobre 1871. Je les ai,

a tort, un peu modifiées, dans le même travail publié dans les numé­
rosde jànvler et de février 1872 de la Bévue A1·chéologique. De nou­
velles réflexions et de nouvelles recherches m'ont convaincu, depuis,
que mon premier sentiment était le meilleur, 'et je n'hésite pas y revenir.

(3) Dans cette pa l'lie de la frontière des deux 'ci tés, existen t deux
oppida appelés Castel-Ruffel et Castel-Toul-Laèron, qui occupellt, dalls
les eommunes de Saint-Goazec et de Spezet, deux des points .les plus
élevés de la chaine des Montagnes-Noires. Voir mon mémoire sur
es Oppida du Finistère.

L'opinion que je viens d'expose!' a .élé adn~ise en pl'in~ipe
par M. Longnon dans un tJ'ava.ll Ire.,-étu~lé s.ur.les cités
gallo-romaines de la !kelilgne lu an qO,ngl'e,s SClentl ~qll~ de
France (t) à Saint· BrIeuc, quelques mOIs apres la pnLlIcatlOn,

dall's la Revue A1'chéologigue" ~e ,nion ~lémoit'e ~ur le~ Cités
des Osismii et des Venette Mals 1 extensIOn que Je propose de
donnel' aU territoire des Veneti n'a pas pal'u à M. LongnQIl,
suffisanle pOUl' expliquer la gl'ande supp.l'Ïoritede ce peuple sur
~es voisins. el son rôle prépondérant dans la guel're cl~ l'A 1'­
morique contre César'. Il conviendl'ail d'a.près lui, pour jus­
tifie/' C t'tle supériol'ité, d'étendre au nOJ'd les limites de la cité
des Veneti jusqu'allx Monlagnes d'Aré, c'est· à-dil'e de donner
. ~ celte cité uue étendue égale aux tenitoires réunis des an-
ciens é\'êchés de Vannes et Je Quimper. •
Il Y a, ce me semble, de l'exagération dans cette hypot hèse .

Il ne faut pas en effet perdre d~ vue que la !)upériorité donnée '

pal' Césa,' aux Veneti, réside exclusivement dans leui' vuis­
, ~anse maritime. S'ils sont supél'ieurs à leU/'s voisins ce n'est
ni par le /lÜmbl'e de leurs guerriers, ni pal'- l'étendue de leui'
mais, comme le dit formellement le lexte des com-
terl'itoire-,
mentaires ; 1 pal'ce qu'ils possèdent beallcoup de lIa\o'ires ;
20 parce qu'ils sucpassent les 3U\I'es dans l'art de la navigation;
3° et enfin parce qu'ils occupent le peliL nombre de port~
existant SUI' le liltoral sud-ouest de la péni"sule Armoricaine.

0", pom' donne!' aux Veneti tous ces avantages, il sulfit d'é­

tendre, comme je propose de le faire,jusqu'à la rade de ,Bl'esf,
le liLtoral de leur cité, Olle plus gl'ande eXleüsionde leu)' terri·
toi,'c se,'ait à mon avis arbitraire. La rivièl'e Awn (Aulue.) el
les Montagnes Noires forment une ligne de démarcation aussi
nallll'elleque cdle Jes Montagnes li 'Aré; quant au territoire situé

entre ces deux chaîlles,de ~lonLagnes, il aurait pu roumi,' aux.
Veneti de bonnes ll'oupes d'infanterie et de cavalerie, mais je
ne pense pas que son annex.ion il leul' cité eut augmenté d'une
leUl' supér'iorilé marilime sur les cités voi-
manière sensible
sines. '
Comme l'objet principal du mémoire de M. Lougnon, est de

l'opinion d'après laquelle les , Brelons auraif'nL
combattre
élabli leurs évêchés sans tellir compte des circonscl'iptious
eiviks t'xistant auparavant dans la péninsule, et d'appliquer' à

la B,'elagne la théorie, admise pOUl' le ,'esle de la France, de
la cOllcoJ'danc~ des évêchés avec les cités gallo-I'omain~s, on

(t) Dans sa session du mois de juillet 1872.

pell! SllppO~ {,I' que . l'a~i1elll: de ce 'nHai~, cn ~onn:lllt al~ 1er'

f'ηloil'e de la clté dJs Veneit II11C exlenSlOn qUI me 'paraIt cx­
cessÎ\p, a cru ll'OUVf.1' dalls Ct.'llè . hypo!hèlle 1111 aq;lImeut
favorable à la théorie qu'il ~e pl'opo ~ajl de défelldrl'.

Voici, en effet, le.; conséquenecs qu 'il 'eu lire:
Admetlanl comme ull fail acquis la concol'danc~ des limites
de la citè dps Vencti avec les cir,~onsc!'iptions des anciens
évêchés de Vannes el de Quimper. M. Longnoll considère

comme un démembremellt de cetle cité, la porlioll de son
ll'rritoire qui devint dans la suilr l'évêché de Quimper, Celle
avant de devenil' un évêché aura il été elle~rnêllle une
portion
cité el e'est elle q~li, d'après lui! figu re depuis le milieu du
Vie' sièch', sous le nom de Civ· 'itas Corisopitu1n; dans les
divers manuscrits de la Notitia Provinciarum. au Hombre de
neuf cilé~' dOllt se composait la HIe Lyonnaise. C'est à /o/'t,

ajoule-t-il, que s'aRtorisélnl de quelques variantes de la Notitia
dues à des demi·savants du IXc siècle, 011 a pl'étendu qu'il
faut lire dans ce docllment Civitas Corisolitum au lieu de
Civitas Corîsopitum, et que cetle dénomination désigne non

le lel'l'itoil'e de "évêché de QIlÎrnpa, mais celui de la cilé des
Curiusolites de César.
La cOtlspquence nécessaire de ce raisonnemellt est que c~lle
del'nière cité avait cessé d'exista avant le commencemcllt du
Ve siecl4', époque où fut r.édigée la Notitîa Provinciarum •
Mais comme dan~ le système de M. Longnon, elle n'a pu èlre

absorbée ni pal' les Rhedones, IIi pal' les OSlsmii, ni par les
Veneti, il n'hésilCl pas à transporter du Maine en Bretilgne. et

. à placer à l'ouest .des Rhedones, la Civitas Diablintum dOfll il
311gmentp le tenitoire de tout,celui de la cité des CUl'iosoliles,
Il h~site d'autant moins à le faire, que c'est sur l'existence des '
Diablintes, eu Bretagne que ffpose iOtll l'éébaflaudage de ses
hypothèsf's. Sans les Diablintes\ en effet la correspondance
des circonscriptions des evêchés de la péninsule armoricaine
avec celles df'S cités gallo-romaines n'est pas possible.
Le cadre de ce travail ne compol'Ie pas une réfutation même -
de la lhèse soutenue par M: Longoon; je me
sommaire
bornerai à lui OppoS~.I' une objeclion, qtii suffit ,si je ne me
trompe, à renverser toul son système. .
Ptolémée en nommant les Diablintes parmi les peuples
- compl'is entre la Seine el l'Océan, nons apprend que le nom
dJ leur capitale était Noiodunum, Or, si l'on jette les yeux sur
la Table de Peulingel', '011 remel'que StH' la voie d'Aut'1'icum
(CharLres) à Alauna (ville du département de la Manche), en­
tre les slaLÏoQs de Subdinnum (le Mans) et d'Araegenue (V ieu"{
ou Bayeux), une capitale de cité donl le nom e~l Nudionnum,

el que d'Anville. l~ Commission de la topographie des G~nles, '
M. Ernest Dpsjardllls; el l~ .plupart de~ ~éogrtlphes,. SI non
tous, n'hésitent pas à Ideollf1el' avr.c NOlOd'unurn la capItale des
Diablintes, et avec la ville actuelle de Jublains. Il résulte né­
ce~sail'emenr di! eeLLe identification que la cité des Diab,lintes
se tl'ouvait à l'est de Bennes, et par cons~quent dans le Maine
et non en Bf'etagna.
objPction u'a pas échappé à M. Longnon, et voici par
Celle
raisonnement il ess?ie (~'en allénuH ,l'imrortan~e : « Le
quel
« rapprochement ql~e ~ Anvlll~ cherche a faIre, dlt-I.I Cl)
(c entre celle dénomwallOn (Nowdunum) et celle de Nudwnurn
« d3 la Table de Peutingel' ne peuL Ilullement servir à confir­
Il mer son hypothèse. même si l'on considère Nudionurn
(c comme une mauvaise leçon; en effet, bien que Nudioimüm
« semble figlll'el' dans la Table comme celui d'une station
(c de la voie de Bayeux (Araegenue) à Subdinnium (le Mans),

.,' l'omission de la dislance qui le séparait de ces villes ne
« permet d'en fixer l'emplacement qlle d'One façon arbitraire. )
L'Olillission dont parle M. Longnon existe en effel dans la
Table, mai~ de ce qu'elle ne permet pas de connaître la dis-
, tance de la capitale des Diablintes au M 'ans et à Bayeux, est-il
logique de conclure que (~etle capitale n'était pas située entre
les deux stations, SUI' la voie où elle figure dalls la Table de
Peulingel'? et peut, on trouHI' dans cel oubli d'un copiste
pour la transp0l'ler à l'ouest de Renne"
l'ombre d'une raison
sur L1ne voi e imaginaire? Ulle semblable argumentation rie

sam'ail être (iceplée, même pal' la cl'llique la moins sévère .
La position donnée pal' la Table de Peutingel'à la 'capitale
des Diàblintes ne peut dOliC laisser aucun doute SUI' la véri­
table situation de ce peuple. Si j'ajoute que le nom de JlIblaillS
n'est qu'une altération du mot Oiablil1les; que -celle ville et
plusieurs autres localités de Son tel'l'itoil'e sont désignées sous
1er,; noms d'Oppidum Diablentis, de vicus Diablentœ, de paro­
chia Diablintica etc., dans dès titres du moyen-âge signalés par'
l'abbé Lebeuf', et qu'ellfin on voit à Jublains un r~marquable ,
Castl'um gallO-l'ornain, près duquel il existe SUI' ulle étendue
de plusde cinquante hectares, des subsll'uctiolls gallo-romaines
parmi lesquelles M. Barbe a CI'U retrouvel' les vestiges d'un
lhéàll'e, de plusieurs temples d'un t'ol'um (2), il faudrait avoil'

(1) Essai sur les cités gallo-romaines de la Bretagne, p. 429.
(2) Voir les intéressants rapports publiés pif M. Henri Barbe, sur
les fouilles qu'il a faites à Jublains il y a quelques années. Comm
preuve de la durée de l'ocr.upation de cettè antiqne cité, M, Barbe nou ,
, apprend qu'aux substructions de la ville primitive sont supel'poséescelle"
d une autr~ ville de 'moindre étendue) mais également gallo-romaine'

l'espl'Ît bien prévenu pour persiste/' à place/' ailleurs que dans
le Maille la cité des Diablintes .

XVI.

II n'est pas, je pense, hol's de propos de clôre les observa­
tions qui préeèdenl pal' quelqw's remarques su,' les localités
un Iilloral d'es Veneli el des Osismii, mentionnées pal' Ptolé­
mée dans sa descl'iption des Gaules, Ces localités sont, en
remonl(iut, vers le nord, à pat'tir de la Loire: -

~rivales porlus,
Hedi tluvii oSlia,
pOI'lus,
Vindana
. Gobaeum p/'omonlorium : •

auxquelles il ajoute:

Post Gobaeum promonlorium,

Staliocanus porlus. .

Teti tluvii oSlia, etc,

Rien ne prouve que Ptolémée ait observé l'ord,,c lopog,'a·
phique dans l'énumération de ces localités. Le contl'air~ est

même fort probable (1). La seule indication certaine que
nOlIS fourllis-:-e celle én uméral ion, c'tsl que B1'ivat~s portus,
el Vindana portus doivellt être l'echerchés
lIerii fluvii ostia
sur la cÔle comprise entre la Loi,'e - et le p,'omoilloire Gobaeum

qui eSI, comme on l'a vu plus hall t,. la pointe de Saiut-Ma­

thieu. Sé1ns qu'il y ait li~u de se préoccuper de l'ordre dans
lequeL ces localHés sont rangées. ~

XVl1 •

n'A nville et la commission de la topogl'aphie des Gau les n'on l
pas hésilé à placél' à Bres l le Bl'ivates portus de Ptolémée qui,
le l'ai déjà dit, ne paraîL êll'e qu'unc variallle du Geso-
comme

(1) Si dans sa Detcription des Gaules, ptolémée a suivi l'ordre géo­
~rl!-phique, : et que l'on identi~e ,G~baeum prom()nto.~ium ,~vec ,le cap
~alllt-Mathleu, comme on le faIt gelleralement, et Hern fluvu ostw avec
de Brest, comme :'essaierai d'établir qu'on doit le faire, il faudra
la rade

de toute p.écessité identi ier Vindana portus avec le port de Brest, Or •.
ce n'est pas l'opinion admise par les géographes.

brivate (Geso-Brivale) de ~a cal'(.e de Peulingel' (1), Outre tee
indications que l'on .peut W'el" ~l~ efre~, de la ressembl~nce
des noms l'Il fineur de celte ~pl~lOn, Il en est d~ plus solides
qlli ,'ésullent d.es J'estes ~O~laH!S lmp~rlallt~ que 1 0. 11 r~marqlle
dans les courlHIeS c.l d~lls d autres parties du Chal,eau de
Brest De plus, la SituatIOn de celle fOrlf'resse el la sun'lé de
son~ port ont dû lui don uer dans l'antiquité une imper'iance
qu'elle. a conservée pendant tout le moyen-âge el jusqu'à nos
jours. . .
XVIII.
D'Am'ille pense que le fleuve Hel'Ïus est la Vilaine (2), et
que le nom de la station appelée Ourelie, dims la carte de
peutingel', et qu'il place SUI' les bords de la Vilajne, doit s'é·
cl'Ïye Durel'ie el sibnitie passage de l'Erius. fi Je "ois même, .

ajoute-t·il, une l.'ace (lu nom Herius dans çelui de Treig-hlel'
que l'ou donn~ encore actuellement au passage de la Vilaine,

entre la Roche-Bernard el l'embouchure de celle rivière. Car
on eroiJ'a '·olontiers que Treig-hier vient de Trajectnm Herii.
J'ignol'esi le passage dont parle d'Anville, et qui n'est
-mentionn~ dans aucune carle, existe ou a jamais existé; mais
on peut s'assurer en consültant la carte de Cassini et celle de
l'Etal-Majol', qu'il y a SlIl' la rive droile de la Vilaine, dans la
situation IOdiqllée par ce géographe, une ferme appelée Tre­
higuier, et non Tl'eig-hier, voisine d'une autre ferme siluée
aussi sur' les bords de lil Vilaine et nommée Tr~-hudalJ el qu'à ·

peu d~ dislance, au sud-ouesL-de ces rleux fel'mes, il y en a
d'antres désignées sous les nOlns dt:' Tre-gDrvel Tre-mer, Tre­
bestan, elc. Le mol Tre que l'on rencolllre si fréquemment en
Br'etagne, et dont le sells le plus ordinaire est tribus (trève ou
fraction d'une pal'oisse;, signifiait aussi aUlrelois un hameau
el même une habitaI ion isolée. L'élrgumenl dOllt se serl d'An­
ville, et qui l'eposait SUI' 1II1 mot mal écrit, perd donc toute sa
valeur dè~ que l'on rétablit l'ol'thographe ~e ce mot.
D'ailleurs le nom ancien de la Vilaine etait Visnonia,
cO'Jlme nous l'apprend Grégoire de Tours; rien ne pl'ouve
qu'il ~e wil opéré \111 challgemellt dans le uom de celle rivière,
depuis l'époque à laquelle écrivait Ptolémée jusqu'au Vie siècle.
reconllaÎlI'e fluvius Herius dans l'Avon, ou j'ivière
Je cl'ois
de Châtea ulin .impropremellt appelée Aulne en F.'ançais. Ce

(1) Voir plus haut, pages 33, 3 t et 45, note 2. . .
. (2) Notice de l'ancienne Gaule. Verb. Durerie et Herius fluvius •.

fleuve, qui pr'ënd sa som'ce dans les Montagnes-Noires au-delà
de Carhaix, est aprf>.~ la Loire et la Vihine le plus grand

fleuve de Bl'elagne. Ou sail que le~ mots Aff, Aven el Avon
signifient riviere dans les divers dialectes celtique,s. Les BI'e­
Ions, en arJ'ivanl dans l'i\rmol'Ïque, dOllnèrent ce nom à un

grând nombre de cours d'eau, dont les noms primilifs fUt'ent
par suite pe/'dus. La rivière appelée aujourd'hui Aulne reçul,
comme d'autres, le nom d'Avon, t'l c'est sous ce nom plus ou
moins altéré qll'elle a fté désignée jusqu'à présent dans la plus
partie de son COUl'S, c'est-à · dire depuis Châteauneuf­
grande
du-Faou jmqu'à wn embouchure. Mats elle a conservé son
nom ancien, celui de Hierre (Herius), daris ' le l'este de son
COll/'S, comme ori peul le "oil' dans)a carle de l'étaL-majol' el .
ce.lIe d~ Casi;Îni. Celle particularilé s'expli.qlie forL bien
dans
quand on considère que la partie de wn cours qui porte le
. nom de Hie1're . est celui qui anose le lelTiloire du Pagus
Caslelli, 011 Pont · Kael' dont, comme je l'ai déjà dit, Carhaix
était le chef-lieu. C'est dalls celte partie cellirait de la Basse­
Armorique que la population indigène dut se fnaintenir le­
plus 101l~lemps, protégée qu'elle était par la uouble chaîne
des MOlltagnes-Noil''eS et d'Aré conlre les empiétements des
insulaÏl'es bl'etons. Il n'y a doue pas lieu d'être surpris que la
rivière Hic1're y ait conso'l'vé son nom armoricain tandis

qu'elle était désignée sous celui d'Avon dans la parlip- du pays
occupée la première pal' les Brelons, el l'on peut conclur'c que
de l'iviére appelée pal' Ptolémée Herii fluvii ostia
J'embouchure
n'est aulr'e que la rade e~ le goulet de Brest, points -rl'mal'­
qui .ont dû attirer, _ plus qu'aucun autre de la côte
quables'
, occhlèntale de l'Armorique, · "attention des navigateurs an­
, ciens (1 ).

XIX.

Un autré point de celle côle qui n'a pas dû · échapper' à ICllr
. atlj>lliion e~t la baie dè Ooua/'nenez, au fond de laquelle je

. serais aSSl'Z pot'Lé à. placer' le Vindarw portus de· Ptolémée, au
I.ieu même occupé pal' la ville de Douarnenez et par l'île
Celle île, qui devient ulle pr'esqu'ile à la marée basse,
Tristan.
comme les Oppida gaulois que décl'it Cé~al' Cil parlalll de la
guerre des Venèles (2), a été elle-même un oppidum. M, Le

. (1 Avant que je me fusse occupé de l'étude de cette questIOn de
géo'graphie ancienne; la Commission de la topographie des Gaules avait

. déjà assimilé le fluvius Herius à. la rivière d'Aulne. Je n'ai été informé
que plus tard de cette circonstance. '

(2) De B~llo GaUico, lib. Ill, 12. 1

Guilloll-PéIl3UI'OZ, PI'ofH'iétaire de l'île, ~ a dé~ouverl., en fai­
sant des dérl'icheme~ls,. les s."bstl:uchons d un Ires-gra,nd
de pelites habita tlOn~ dlsposee~ comme les cases ~ un
nombre
échiquier. C'est exactemenl 1 ~sppcl q~~e .présentent les habIta··
gallloise~ dans les Opp'zd~ que } al explol'és .. l'(i~ ,..-aces
liolls
dt' quelques Ulles de c~s .habltalJollS sont ~ncore l,res"'1slbles.
II y a découvert MISSI des meules el d autres wstruments,
311qlWl il n'a porté que .fortpeu d'Hltpntion. M~is il y .
a recueilli el' conserve sOigneusement deux monnaIes g,au­
loises en bronze, plusienrs fragments. d'épées, des haches,
un poignal'~. des COll~p.au", el.c .• aussI en bronze, . une sta­

romame en meme métal, et des monnaIes de la
tuette
colonie de Nimes, des empen?llI's Vespasien, Hàdrien, GOI'­
dien, Maxihlien, Constantin l, etc. D'un autre côté, les
l'uines romaines abondent dans la ville de OoUal'llenel et
altx environs. On y a découvert, enlre autres choses, une
pif'l'I'e calcail'e haute tle 40 centirnètrt's, qlli provient peut­
être d'un autel, et Sll\' laquelle est représenté un prrsonnage

une altitude exaclempnt spmblable à celle du dieu gaulois
dalls
ESll S, trouvé en '1711 sous le chœur de l'église de NOll'e-Oame·
de- Paris (1). On pounait a \'ancer~ de plus, qu'il ·n'y a pas ~ur
le lilloral de celte baie un seul cours d'eau près duquel on ne
trou\'e des tl'aces de susbll'lIclions romaines. Du l'l'ste, les
Hornains étaient tl'ès-habiles dans le choix des emplacements
de lellr~ habitations. On peut dire qlle sous ce ,'appor'l .
de véritables ~J'lis-tes, el 1'011 comprelld aisément
c'éLaieul .
été séduils pal' la vue de celle splendide baie qui
qu'ils aienl
lellr l'êlppé'lail le golfe de Naples.
s'appf'lail ile Tutllàl'n en 1118. époque à laquelle'
L'île Tristan
à l'abbaye de Marmouliel's par Hobel't, évêque
elle fut donnée
de Quimper. C'est probablemenl apl'és celle donation que le
terl'Îtoire voisin, occupé rra l' la \'ille de Doual'Ilenez, prit le
nom de Terre de l'Ile (Douar-an-Enez), Tutuarn est le nom

~ -l'île et la ville n'ont donc .coosel'vé aucune
d'nn saint Breton
trace du nom qu'elles p'ol'taientavant et pelldant l'occupation

l'ornai ne. l\lai~ , je le répète, l'importance des ruines gàllo­

trouvent ne peut laisser aucun doute sur
romaines qui s'y
l'existence d'une ville antique dans cette localité.

Après le pj'omontorium Gobaeum Cp.ointe de Saint-Mathieu).
Ptolémée mentionne le Portus Staliacorzus, que la plupart des

(t) Cette pierre est
déposée au Musée départemental d'archéologie

de Quimper.

géographes placent pl'ès du Conquet, dans l'anse de Portz­
Liogan, se fondant sur l'analogie des d. :lX noms et sur la

description suivante que t'élit Dom le Pelletier des restes d'an­
tiquités qu'on y remarquait de son temps (1) .
f.I Liogan est le nom propre d'une anse où rade foraine entre .
l'abbaye de Saint-Mathiel.l el le Conquet, etc. C'était appa­
remment autrefois un port de - mer' ou l'entrée des navires, d~
laquelle la mer a mangé les deux poinles ou promontoires

Îormoielll ce porl, que l'on norpme encore aujourd'hui
qui
Pors-Liogan, qui est écrit parlout dans le,s anciens litres
Pors·Leocan. Ce port avoit un quai maco,nné el cime lité de
mastic ou de bitume. Les vi~iIlf's gens du pays (en 1694) m'as­
surèrent qu'ils y avaient vu des anneaux 'où l'on altachoil les
na\'ires, el j'y vis encore la plilce d'un. Ce quai étûÏl au-dessutS

de la 'plaille mer, grande mal'ée, élevé d'euviron II'0is toises,
et les . anlleaux quaire ou · cillq pieds moins, ce qui, n'étant
pàs ordinail'e aux quais modernes, t'ail juger que les navil'es

éloienl en CI'S lems là plus élevez, ou que la mer a baissé (2) .
De ce nom Liocan ou Pors-Liocan qui signifie entrée ou port
de couleur blanche et brillante, les émcietls écrivains ont fait
Pm'tus Saliocanus, qu'ils onl dû lire Portus Liocanus, et PlO "
lémée même a écrit Portu') Staliocanus, le port Stal-iocan, ee
qui est appal'emmt'nl venu de la prononciation des habitants
du lifu qui ont pl'ononcè cômme à pl'éserll POl's-Llucan, que
. le~ étrangers ont cru être le port Saliocan,' Porllls Saliocallus

ou Staliocanus. 1) -
J'ai visilé,. il y a quplqlies années, l'anse de pOI·tz-Liogan,
el je n'y ait poillt l'emal'qué les_vestiges anciens sigll:llés par

Dom le Pellt'lie,.. Le Lemps m'a peut· être manqué pour donner
à l'examell des liwx tout le soin nécessail'e, Je doule cppeu­
dant, qu'il y (lit jamais eu de quai dans t'anse de Porz-Liogau,

Les tradiLions relatives à d'anciens ports dont la mer se sel'ait
l'ptirée Ile sont pas rares ell Bretagne, el ' ne reposellt génél'a·
h~mfnt SIII' 3!IClln f'ondemênt sérieux, Ce que j'admets comme
très-probable, car je ne puis cr'oire que le savanl hénédictin
que je \'iens de ciler se soii trompé sur' le caractère anlique

(1) Dans son Dictionnaire de la langue bretonne, an mot Liogan.
(2) Il est certain, au contrai re que le sol s'affaise sur le li ttoral du
Finistère. Alnsi dans L'anse des Blancs-Sablons, peu éloignée de celle
dans les grandes marées de nombreuses
de Portz-Liogan, on découvre
souohes de pins et d'autres arbres, qui indiquent qu'une forêt existait
dans cette anse. D'un autre coté, il y-a dans la baie de
autrefois
pour la
Douarnenez de nombreuses constructions romainés, qui sout.
plupart, soit recouvertes par les sables, soit pIns ou moins entamées
par la mer avec les falaises sur lesquelles elles sont établies. _

de ruines dont il n'a parlé ql.,'apl'ès ~e8 a\'oir vu~s, c'es.t l'exi.s- _
tr.llce, à un point plus ou mo~ns éleve de 1~ falaIse" ql1l donlln
d'ul! de ces petits. postes d observatlOlI q,lI~ lese
celle anse,
Romains ont· rnlllriplié ,sur le 1,lltoral, bl:eloil, el dont 1 all'e et
les parois étaient revelnes dune epa.isse couc,he de béton
rouge irès-rési~lanl, q,u,e. Dom I~ Pelletier a d~slgllé sous le
nom impropl',e de « ma~tlc ou bIlume.? 90mme exempl,e .d~
ces cOilStrllclIOIlS, dont le plan"est celUI d lin l'ectangle dIVise
en deux parties è~ales ,p l'entrée du port d Audleme, le. poste d observatlOlls dont les
ruines ont été découvertes à l'epoque de la construction du
môle' el dans la baie de OOU3"fH'lWZ celui dl.l Caon, en la

com~une de Telgl'uc à IrJOilié détruit pal' la mel' qui y entre ... <
à chaque marée; celui de Pentrez, en la c.ommune de Saint­
Nic. cOll,truit à mi-hauleul' de la falaise et dont le cÔlé qui
.regardait l'onest a été emponé pal' la mer, avec une partie de

la falaise; enfin celui non moins intéressallt de Trez-Mallaouen,
ell la commune de Plomodiern, eulamée par la mel' comme
les deux précédenls, malgré la hauteur à laquelle il se lrouve

placé. .
Mais si lout porle à croil'e qu'!1 n'y a jamais eu de quai

ni de ville dans l'anse de ~ol'tz-Liogan, ('exislence d'une ville
apcienne dans la pl't'squ'i)e de Kermol'van, eotre le port du
Conquet ell"anse des Blancs-Sablons, est un fail qui ne saurait
êlre contesté. Cetle presqu'île, qu'on nomme l'Ile (an Enez)
. dans le p;.ys, et qui n'est . unie au continent que pal' une
étroite langue de lefTe fortemenl rell'anchée, présente dans sa
parUe médiane, à peu de distance d'un groupe dp, menhir~, ds
1I0mbrellses sübslrllctions d'habitations de forme reclangulaire,
conslnailes en lerre ét en pierres de pelite dimen"ion. el l'an- .
gées ies (JlJp.s à la ' suile des aull'es a\'ec assez de l'égularilé.
Une sorte de J'ue ou de chemin, dont la largeur, qui est d'en­

viron ~ mètr'es, est indiquée par despiel'res fichées en terre
el saillantes de 20 à 30 centimètres, conduit en se dil'igeant
. d'abord de l'est à l'ouest, et ensuite du sud au nord, jusqu'au
de ces habitations, où 1'00 rernarql..le deux enceintes
centl'e
compri~es l'une d~Hls l'autre el de forme ,'ectangulaire, comme
les maisons, L'enceinle inlrrieure était, suivant la tradition
locale, l'église (an lUis), et l'enceinte eXlérieure, le cimetière
de celle ,,'ille l'uinée. A qUf'lque disl
,enceintes plus" grandes, faiblement retranchées. qui peuvent
avoir · seni de parcs à bt'stial1x. Les monuments celtiques. onl
dù êll'e torlllombreux daus celle presqu 'ile, mais on en a détruit
beaucoup (t), On y remarqne encore deux dolmens de grandes

{t ~ Une h offiCIer du geme, sous un de ces -menhirs qu'il v~nait de faire abattre,

dimensions et un assez grand nombt'e de mtlnhil's, qui -
de\'aif'nt aulrefois faire par'lie ~d'alligllements paJ'allèles,
aujourd'hui multlés. Ces mOfluments onL été décrils avec assez
peu d'ex3clilude par M. de Fréminville (1), mais je Ile pense
pas qu'aucun ::Il'chéologue ail encore nh.!llliQoné les ruilles
dont je vjens d'indiquer l'existence. Des fouilles /Jolll'I'aient

~ellies faire connaÎt/'e l'àge de cetle ville ancienne. Mais les
moltltes el 1es m.eules à broyel' le gl'ain, lèS m31'I.eaUl en
pierre ayant sur les CÔlés des dépr'essions 3J'tifieielles pOUl' y
placl'r les doigts, les pil pierre, le .. déb,'is de tuiles el de poteries romaines que j'y
ai recupillis ou que j'ai vu recueillit' par d'autres SUI' le sol
de celle presqu'île, suffisent à prouver' qu'elle a élé habiléf! pal'
populations d~ l'aces dheJ'ses depuis un temps immé-
des
morial. -

En résumé, la' presqu'île de Kel'morvan réllnit prtr sa si/ua­
lion Ioules lr.s conditions que les Gaulois recht'I'chaielll pOUl'
l'établissement , de leurs oppida: elle commande l'enlrée du
port du Conquet; elle e~t t'n outre peuL éloignée de l'anse de
POl'lz-Liogan, dOIJl le nom a pu s'étendre 3neiennemenl à loute
qui se trouve en avant du port la rade foraine
lift vois pas de localité, an-delà du promontoire Gobœum, où
, ron puisse avec plus de raison placer" le Staliocanus pOl'tus dL'!
Ptùlémée.

J'ajouterai que la Vie de Saint-Viau, écrite au Xe Siè·
cie (2), rapporte que lé pori Salioeau (portus Saliocan) fut
l'avagé par les Normallds aU' IXe Siècle. Le., deux lours el ~es
remparts qui défendelltl'entl'ée de la pl'esqu'île de KCl'mo"van
remontent au moins à celle époque.

XXI.

Le Tetus fluvius (Tt'ti tluvii ostia) est indiqué pal' Plo,lemée,
ap,'ès le Gobaeum pl'omonlorium, entre Staliocanus portus el
Arigœnus Biducœsiorum, que plusicllI's géographes idculifient
avec le bourg de Vieux (département du Calvados) .. On n'eSl

(1) Antiquités du Fini~tère, t. 1. M. de Fréminville prétend que ces
sont disposés de manière â former une enceinte elliptique.
menhirs
r,nltivée de la
La plupart de ces pierres sont situées dans la partie
resqu'ile. La. destruction d'un grand. nombre d'entre elles a donné à
'ensemble du monument une forme irrégulière, qui ne m'a pas paru
êtr~ celle d'une ellipse.- .

. ~2) VoirIe texte dans l'Annuaire Historique de Bretagne pour 1861,
par M, de la Borderie, page' 165.

pas d'accord sur la posit.ion de ce ~eu\'e. JlI~qlJ'ici il était t:
effet assez difficile de falr~ un choIx entre les nombreu~e~ 1'1-
\'ièl'es qui !if' jellent dans.' OCé?11 ou ,dans la Manche depuIs le
eap de Saint-Malhieu, J~sq!l au departeme~ll du Calvados.

Mais aujourd'hui qu~ l'~xl~tence de. Vorganlum, à l'enil:ét:,de
l'Abel'wrac'h est 1I~ fcH.L, ble~ établi, et, donne a cell~ rJ\"lcre.
une imporlance parl.lcul1ere, J~, pc?se qu en y p!açantl embou·
chure du Tetus (l'UVlUS de Ptolemee, on a mOinS de chances
de se tromper, qu'en accert,ant les autres id.f'l1tificalion.s qui
ont été proposé~s pal' les .geographes., el q 1I1 ne reposent en
réalité sur aucune basp, solide (1) . .
Il est de mon devoir de déclal'er en terminant ce travail, quc­
déjà tl'ailé aillelll'~ quelques-unes des questions qui y sont
j'ai
conlent:cs. Elles n'ont été de nouveau développées ici que,
d'après l'avis du. bureau de la ASociélé archéologique. qui. a
jugé utile de réllnll" dans un meme numéro de son bulletlO,
l'ensemble de mes récentes l'echerches S11I' Ja géogrephi.e gallo­

romaine de noIre pays. · •
A la suite de cette communication M le Men ajoute que,
quoique dans la recherche de la positioQ de l'~ntique
Vorganium qv'il a eu le bonheur de retrouver, il n'ait pas
cu d'autre objet que .l'éclaircissement d'un point important
de géographie historiqué, il ne saur2'it laisser usurper par
de cette découverte qui lui revient exclu­
'd'alltres l'honneur

sivement. Il donne ensuite lecture de deux articles publiés
dans un journal du département, dans lesquels la déter­
mination de l'emplacement de Vorganium Jui est contestée
dans les termes les plus vifs; puis il met sous les yeux de
l'assemhlée une correspondance de l'anteur de ces articles,
qui établit c1airement l'inanité de ses prétentions.

• (1) NOTE 'ADDITIONNELLE SUR LES VOIES DE CARHAIX A BREST.
Tout porte à croire qu'il existait une voie de Carhaix à Brest passant
par Je Huelgoat et la Feuillée, ou s'embranchant sur celle de Carhaix
(Vorgium ) à J'eOlhouchure de l'Aberwrac'h (Vorganium). Mais cette
voie n'a pas encore, que je sache, été sérieusement étudiée. JI existe
. une autre voie de Carhaix à Brest que j'ai pu observer dans plusieurs
parties de son par-coUl's. Elle sort de Ca rhaix à l'ouest de cette ville, et
traverse les communes de Kergloff, de Collorec, de Brasparts, de Saint­
Eloi, de Pencran et de Landerneau. Elle est bien indiquée dans la carte
de l'Etat-major, entl'e cette dernière ville et Je bourg de Saint-Eloi, où
elle est connue sous le nom de Route .de Landerneau à Brasparts.
L'étendue du parcours de cette voie e~t à peu près égale à léj. distance

de Carhaix à Brest par le Huelgoat et La Feuillée. . '

M, le président, après avoit" ren.lercié · M, le Men, au
nom de la société ... de la conimunicution qu'il vient. de faire,
qu'il ait cru devoir l'entretenir de pt'éLenlÏOtlS '
regrette

aUSSI, vames qu 10) uates, qUI ne mentent meme pas qu on
les discllsle. ,

Plusielirs membres prenQent la parole dans le même
sens, et l'Assemblée exprime le. vœu qu'il ne soit pIns
question de cette conlroverse .
lU. le Président donne ensuite la parole il M. de.1\1ollli­
fault pour lire le travail suivant:

NOTICE

SUR LES SEIGNEURIES DE TROGOF F"

DANS LES EVECHES DE TREGUIER ET DE LEON

A la dernière séance, M. Flagelle notre collègue, vous a
d'onné communication de la pancarte gravée sur cuiVl'e qui
énonce le tarif des droits de foires el marchés de Plouescat,
pancal'le qui date de l'année li58. ~
f:etle pancarte porte, en tête dellx écussons aceolés ,'epr'é­

. , sentant les ar'mes du Seiglieur de Trogoff et de sa femme.
Ces armes, dessinées pa l' M. flagelle sont pOlll' l'écusson
du mari: D,.'argent au Lion de sable; ,

_ El pOUl' celui de la femme: D'argent au pin de sinople sou-
tènu de deux cerfs affrontés et mmpants de sable s'appuyant
contrç le tronc du pin.

, li nous a paru curieux de recherchel' quelles familles
pOl'laient ces armoiries.

M. de Blois, d'a p,'ès des" () l es ma n liser i tflS qui lui a ppar'­
tiennent avançait avec raison que le bOlll'g de Plouescat était
le siége de la justice de la seigneurie de Tl'ogoff el que celle