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Guiclan. Grotte préhistorique de Roc'h Toul


Caverne de Roc'h-Toul, en Kerouguy-Izella, commune de Guiclan, Dr Le Hir, Bulletin de Société archéologique du Finistère, 1874, tome 1.

Texte intégral :

« Cette grotte est située à 84 mètres de la rive de la Penzé , elle est creusée dans un roc blanc composé de grès et de quartz. Ce rocher forme une crête très-pittoresque au dessus d'un joli vallon. Son ouverture trapézoïdale est placée sur le versant nord·est du rocher, vis à vis le manoir de Luzec. J'ai découvert une moitié de celtae en pierre polie dans le sentier rapide qui conduit du moulin de Luzec au pont de pierre qui traverse la rivière au-dessous de la grotte.

« Le rocher a 115 mètres de longueur au sud, 140 mètres au nord, 20 mètres à l'est.

« La grotte se divise en deux chambres, presqu'en ligne droite et séparées par une cloison de rochers qu'il faut contourner pour passer de l'une dans l'autre. La première pièce ou chambre claire, a 12 m. 40 c. de profondeur. La hauteur de la voûte à l'entrée est de 7 m. 70 c.; deux mètres plus loin elle atteint 8 m. 50 c., et au fond de la pièce, elle est encore de 8 mètres.

« La Chambre postérieure a 54 mètres de longueur, ce qui, ajouté aux 12 m. 40 c. de la première pièce, donne 46 m. 40 c. sous roche à la caverne de Roc'h-Toul.

« La largeur de la première chambre varie entre 1 mètre et 2 mètres; celle de la seconde est beaucoup plus irrégulière. La chambre postérieure a beaucoup d'anfractuosités. La hauteur du sol au plafond n'y est pas sensiblement la même comme dans la chambre claire; elle atteint 7 mètres en quelques endroits et varie de 5 à 6 mètres dans d'autres. L'entrée de la grotte est tournée vers l'est, mais la chambre postérieure a une pente ascendante assez prononcée et sa direction s'infléchit un peu vers le nord. Jusqu'ici je n'ai trouvé aucune brêche ni ouverture qui indique une autre issue à celle seconde chambre.

« La première chambre, ou chambre claire, a été décrite par moi avec assez de détails dans Les Matériaux (Trutat et Cartailhac), février 1869. Voici le résultat des fouilles que j'y ai exécutées :

« Le 4 juin 1868, à 10 centimètres de profondeur dans le sol, je trouvai un bout de flèche en silex. Le sol de la grotte, sur une largeur de 50 à 60 centimètres seulement, est formé de pierres anguleuses de grès, mélangées à du schiste d'un blanc jaunâtre, et à du quartz, le tout lié par de la terre noire ou jaune, et contenant une grande quantité de charbon végétal. Les parois de la grotte et la voûte sont creusées dans un roc composé de grès blancs entremêlés de couches schisteuses blanches ou jaunes micacées, et de veines ou filons de quartz hyalin qui traversent la masse jusqu'à la crête extérieure du rocher.

« A la date du 27 juillet 1868, j'étais allé environ quinze fois à la grotte, y restant depuis midi jusqu'a cinq heures du soir. Mon fils et moi, nous avions fouillé une partie du sol. A partir du 27 juillet 1868, je pris des aides.

« D'abord nous relevâmes le sol par grandes mottes. Je trouvai des morceaux de couteaux larges de 1 centimètre, plats sur une face, ayant une arrête au milieu de l'autre, et avec des bords tranchants ou dentelés par l'usage. Je recueillis ainsi 44 couteaux en silex noirâtre on jaunâtre. Ils étaient tous enterrés presqu'à la surface du sol, sous une couche de poils provenant probablement de de déjections de hiboux ou de renards. A environ 9 mètres de l'ouverture se trouva un grattoir entier, à extrémité arrondie et retaillée. A partir de cet endroit, presqu'en face de l'ouverture qui donne accès à la deuxième chambre, en fouillant plus profondément, le sol, les objets en silex qui apparurent offraient de plus grandes dimensions ; il y avait des couteaux entiers avec une face plane et l'autre portant une ou deux arrêtes longitudinales ; d'autres étaient courbes sur leurs faces, quelquefois même sur leurs bords ; quelques-uns.avaient l'extrémité légèrement arrondie, très-tranchante ; Il y en avaient a pointes légèrement arrondies, d'autres en forme de serpetle, d'autres avec un seul tranchant ; enfin des fragments variant de 13 millimètres jusqu'à 4 centimètres de longueur et une petite pointe aiguë en forme de lancette semblent provenir d'autres instruments de même nature ébréchés ou cassés. « Les couteaux au nombre de cent dix, ont été surtout trouvés vers le fond, mais aussi dans toutes les parties du sol de la chambre antérieure.

Au fond de cette premihe chambre, à une profondeur de 50 centimètres, j'ai recueilli des nuclei en silex ; l'un de 5 cenlimètres de long sur 3 1/2 de large et 24 d'épaisseur ; le second de 4 centimètres 1/4 de long, sur 3 de large et 2 d'épaisseur. Un troisième était à la distance de 9 mètres de l'entrée, enterré près de la paroi de la grotte. Le travail des silex se faisait donc dans la caverne elle-même.

« Au 19 août 1868, j'avais fait, encore fouiller six fois avec soin, le sol de la première chambre, A cette date, le nombre de silex recueillis et qui annoncent un travail régulier dépassait 330 ; de plus il y avait une quntité d'éclats ou de débris de diverses formes.

« Les petits couteaux à face plane d'un côté et munis d'une arrête centrale au revers sont au nombre de plus de cinquante. Presque tous ont l'extrémité arrondie, quelques uns seulement ont une pointe aiguë.

« Les couteaux moyens sont plats sur une des faces, la seconde offre une ou plusieurs arrêtes; leur extrémité est le plus souvent large et arrondie, rarement pointue.

« Les grands éclats ont ùe 2 à.4 centimètres de large et de 1 et demi à 2 centimètres d'épaisseur à l'arrête; ils se terminent en pointe arrondie d'uu centimètre de large ou en extrémité amincie presqu'aussi large que le reste. J'ai trouvé douze de ces grands éclats.

« Plus tard un nouveau nucléus plus long que les autres a été trouvé profondément enfoncé dans le sol de l'entrée, et près de lui une pointe de lance en silex, triangulaire, à pointe aiguë, presque à ailerons : base 2 centimètres et demi, hauteur 4 centimètres, côté 5 centimètres, épaisseur au milieu de la base 1 centimètre. A la base trace d'un fossile qui contribue à la forme de l'instrument.

« Je retirai ou fis retirer ainsi tout le sol de la chambre antérieure qui fut répandu en dehors sur la plate-forme. Le charbon de bois est très-abondant dans ces déblais. Il existe en amas brillants à l'extérieur de la caverne à la surface du sol, où on distingue encore bien des plantes à moëlle spongieuse carbonisées. Il est encore abondant et en gros fragments à l'entrée de la deuxième chambre, mélangé avec de la terre et des élytres d'insectes. Dans la première chambre il était en très petits fragments brillants et noirs. Il est probable qu'il y en a de divers âges.

« Ayant fouillé cinq fois la chambre postérieure en 1869, j'y ai trouvé des silex taillés analogues à ceux de la première chambre, mais en moindre abondance. Je possède cependant deux grattoirs l'un de 4 centimètres et demi, l'autre de 4 centimètres; cinq bouts de flèches ou de lances, deux rondelles et une trentaine de fragments ayant appartenu à des lamelles taillées régulièrement, enfin une vingtaine de fragments assez irréguliers, mais provenant d'un travail humain, le tout trouvé dans la seconde chambre.

« Je n'ai rien trouvé dans les cavités et les anfractuosités du rocher à l'intérieur de la grotte, mais, à cause de l'obscurité et des nombreuses inégalités du rocher, les recherches sont fort difficiles.

« Nulle part je n'ai rien trouvé sous les rochers déplacés et posés sur le sol, quoique ces rochers fussent assez petits pour qu'un homme put les mouvoir. Il est même à remarquer que vers le 9e mètre à partir de l'entrée, là où les silex étaient pour ainsi dire accumulés, il n'y avait rien sous les rochers ; d'où l'on pOurrail supposer que ces rochers mobiles servaient de meubles, de sièges, ou d'établis pour la taille du silex et que l'état des lieux n'a guères changé dans la grotte depuis le temps où elle a cessé d'être habitée.

« Nulle part sur les parois ou sur les pierres isolées je n'ai tronvé de traces de polissage de dessins ou de sculptures.

« Cette grotte ne me semble avoir été fouillée par personne avant moi. Elle m'a fourni des couteaux de différentes formes et de différentes grandeurs, des rondelles tranchantes, des serpettes, des grattoirs, des perçoirs et doubles perçoirs, des poinçons, des bouts de lances et des bouts de flèches, et enfin des nucléi. C'est une collection très-complète et très-curieuse des divers instruments primitifs fabriqués avec le silex. Deux ou trois seulement de ces silex paraissent par leurs formes arrondies en partie provenir du lit de la rivière de Penzé, les autres en presque totalité ont une autre provenance qu'il n'est pas possible de déterminer.

« A l'extérieur de la grotte et dans toutes les cavités du rocher, partout où il y avait de la terre, dans les rigoles tracées par les pluies, dans tous les sentiers pierreux qui se rendent à la rivière, j'ai fait après les grandes pluies et après les temps secs des recherches pour trouver des silex taillés ou non taillés, je n'ai jamais pu en découvrir aucun, si ce n'est celui qui a été mentionné plus haut, auprès du moulin de Luzec, et qui est une moitié de celtae.

« Tel est le résulLat de mes études sur la caverne de Roc'h-Toul, une des plus intéressantes habitations de Troglodytes.

Etablissement de Troglodytes en plein air.

« Il y a dans le voisinage de cette caverne, à 84 mètres à l'est, sur le bord de la rivière de Penzé, dans la commune de Guiclan, un champ nommé Parc-ar-Plenen, de 110 m. de longueur sur 38 de large. On y cultive généralement le panais qui demande des fouilles assez profondes.

« Presque chaque année, après le travail de l'agriculture, j'y ai trouvé des instruments taillés par éclats, comme ceux de Roc'h-Toul, les uns en silex, les autres en grès lustré gris foncé ou rose. Ce grès se trouve sur la Penzé à Kergoat en Guiclan. Il offre une cassure conchoïde. Les habitants primitifs de Roc'h-Toul l'ont taillé, mais en petite quantité ; au contraire à Parc-ar-Plenen, les objets en grès lustré sont aussi nombreux que ceux en silex. Ils ont la même forme que ceux de la caverne. Cependant il faut remarquer un silex taillé en cylindre et préparé pour en détacher des lamelles. Il a 18 centimètres de longueur et 15 de circonférence.

« Ces instruments viennent tous les ans à la surface du sol après le travail d'automne.

« Pour m'assurer si cela était particuiier à ce champ, j'ai parcouru à la fin de septembre 1869, tous les champs et notamment ceux où on cultive les panais et qui sont situés entre le moulin de Kerougay et la caverne de Roc'h-Toul ; je n'y ai trouvé aucun grès taillé, aucun morceau de silex, ni taillé ni brut, tandis que dans le seul champ de Parc-ar-Plenen, j'ai trouvé plus de quarante objets de silex ou de grès lustré travaillés par éclats.

« L'un des deux établissements est-il antérieur à l'autre? Ont-ils coexisté?

« L'établissement en plein air a-t-il été fondé avant celui de la caverne ? Cela pourrait se supposer, puisqu'il contient en grande quantité des grès lustrés, pierre du pays, tandis que la caverne ne contient guères que des silex qu'on ne trouve nulle part aux environs.

« Tous les ustensiles des deux localités sont, d'après M. de Mortillet, de l'àge des cavernes de la Dordogne, mais moins bien travaillés. Ils sont plus petits et moins nombreux, ce qui se comprend, puisque le silex pyromaque manque totalement dans le pays. Cependant je possède un perçoir qui est très-bien fait et qui a dû servir d'aiguille. Il est semblable il celui de Bruniquel exposé à Saint-Germain.

« Nulle part que je sache, on ne trouve d'autres traces de ces hommes primitifs sur notre sol. Pas de sépultures, pas d'ossements humains de celte époque, pas d'ohjets en os travaillés, pas de dessins, pas de sculptures sur les schistes bleus, rien que ces armes grossières en grès ou en silex.

« Le bois devait il est vrai entrer pour une grande part dans les moyens d'attaque, de chasse et de défense des Troglodites. Leurs vêtements devaient être de peaux de bêtes ; mais de tout cela il ne reste pas trace, pas plus que de leurs ossements ou de leur nourriture. Tout ce qu'on peut dire de leur civilisation, c'est qu'ils se fabriquaient des armes de silex et de grès, et qu'ils connaissaient l'usage du feu.

Dr LE HIR